(BFM Bourse) - Le rebond de contestation entrepris par le marché parisien ce mardi matin s'est heurté à la décision de l'administration Biden d'interdire les importations de pétrole et de gaz russe, provoquant une nouvelle flambée des cours pétroliers. Le CAC enchaine ainsi une 4e baisse consécutive.
De nouveau avorté. Tombé lundi sous les 6000 points pour la première fois depuis mars 2021 au terme d'une séance exceptionnellement volatile (plus de 5,7% de variation totale), le marché parisien semblait bien décider à s'offrir un probant rebond ce mardi, mais il n'en fut rien. En hausse de près de 3% vers 9h45, le baromètre de la cote tricolore a brusquement effacé ses gains matinaux après des informations de presse selon lesquelles les Etats-Unis allaient interdire l'importation de pétrole et de gaz russe. Informations confirmées par le président Joe Biden, qui a effectivement ordonné cet embargo afin d'alourdir les sanctions imposées à la Russie et "porter un nouveau coup puissant à Poutine".
Le 8 mars 2022 restera peut-être dans les livres d'Histoire comme "le jour où les États-Unis ont lancé une guerre économique totale contre la Russie" selon l'expert des marchés de l'énergie et des matières premières, Javier Blas. Les conséquences de cette rumeur rapidement devenue officielle n'ont en effet pas tardé à se faire sentir, le baril de Brent franchissant de nouveau à la hausse le seuil des 130 dollars - comme ce fut brièvement le cas lundi matin. Alors que le Royaume-Uni devrait emboîter le pas des Etats-Unis sur cet embargo, et que l'UE dévoile simultanément un plan pour réduire de deux tiers sa dépendance au gaz russe dès cette année tout en s'engageant à sortir également de leur dépendance au pétrole russe, celui-ci se traite autour de 132 dollars le baril vers 17h50 (+7% par rapport à la veille).
Ce nouveau durcissement des sanctions a donc provoqué une nouvelle panique sur les marchés mondiaux, et pas seulement sur ceux des matières premières. Le CAC 40 a notamment lâché plus de 3% "intraday" pour boucler la séance sur un recul de 0,32% à 5.962,32 points, proche de son plus bas du jour. Il tutoie désormais le territoire de "bear market" terme désignant une baisse de plus de 20% par rapport à un sommet récent (-19,2% par rapport au pic du 3 janvier à la clôture de ce mardi). À noter que le volume d'échanges reste particulièrement nourri, à plus de 6 milliards au sein de l'indice phare ce mardi.
Quelques jours avant la réunion de politique monétaire de la Banque centrale européenne (BCE), dont la présidente présentera sa décision jeudi après-midi, l'attention des investisseurs reste donc accaparée par l'évolution du conflit ukrainien et des sanctions occidentales. Au 13e jour de l'invasion russe, les opérateurs ont donc positivement accueilli l'assouplissement de la position du président ukrainien Volodymyr Zelensky, qui a affirmé ne plus vouloir insister pour obtenir l'adhésion de l'Ukraine à l'Otan et s'est dit prêt à discuter pour trouver un compromis sur l'avenir du Donbass et de la Crimée. Celle de Vladimir Poutine semble en revanche toujours inflexible, et la détermination affichée par le maître du Kremlin présage d'une nouvelle escalade des affrontements selon le directeur de la CIA William Burns, qui s'attend à "des prochaines semaines très moches".
Une tentative de retour sur les valeurs les plus sanctionnées s'est néanmoins dessiné ce mardi, alors que plusieurs fleurons de la cote tricolore abandonnent déjà plus d'un tiers de leur valeur depuis le début du conflit. Cela se traduit notamment par un rebond de 5,7% de reprise sur Société Générale et de 3,2% sur BNP Paribas. Alstom et Veolia reprennent aussi respectivement 5% et 3,7%. TotalEnergies grignote 1,9% alors que son PDG assure ne pas subir de pression de la part du gouvernement français pour quitter la Russie (un choix radical auquel plusieurs autres majors pétrolières ont dû se résoudre). Hors du CAC, les investisseurs reviennent également sur des valeurs comme Tarkett (+7,2%), Bonduelle (+6,4%) ou encore EDF (+5,7%).
Les producteurs alternatifs d'énergie recherchés
Les investisseurs cherchent à se positionner sur des titres plutôt susceptibles de bénéficier de la refonte des relations géopolitiques et économiques, à l'image d'Albioma. Les producteurs d'électricité à partir de sources alternatives aux ressources fossiles bénéficient d'un intérêt croissant de la part des institutionnels, relève Bloomberg, qui croit savoir que KKR se pencherait sur l'opportunité d'une offre de rachat d'Albioma, spécialiste notamment de la valorisation de la bagasse de canne à sucre. Le cours progresse de plus de 9,3%, entraînant également Neoen (+9,8%) ou Voltalia (+6,7%) dans son sillage.
Le spécialiste du recyclage Séché Environnement (+3,7%) profite de la publication d'excellents résultats 2021, le groupe ayant atteint sinon dépassé ses principaux objectifs financiers avec un an d'avance.
Au lendemain d'un bond de 13%, Eramet grignote encore de 2,1% sur fond de flambée des cours du nickel (dont la cotation a été suspendu à Londres). Le groupe a récemment obtenu l'accord du gouvernement de Nouvelle-Calédonie pour augmenter de 50% ses exportations de ce métal.
Parmi les petites capitalisations, Mauna Kea (+30%) se détache particulièrement après l'annonce d'une collaboration avec On Target Laboratories pour cibler et illuminer le cancer pendant la chirurgie et Cybergun gagne 8% en assurant que la relance de l'activité de Verney-Carron ne passera pas par l'émission d'instruments financiers dilutifs pour les actionnaires actuels.
Le pétrole toujours très haut
Parmi les plus fortes baisses de l'indice phare, Eurofins dévisse de 9,5% tandis que Dassault Systèmes reperd 7,5% (effaçant ses gains de la veille). Teleperformance lâche aussi 7%, et Hermès chute de 5,5% sur des dégradations d'objectifs d'analystes.
Enfin Navya cède 9,3% dans la perspective d'une importante levée de fonds à venir, selon des informations rapportées par Lyon Décideurs après un entretien avec la nouvelle présidente de l'entreprise rhodanienne.
Sur le marché des changes, enfin, l'euro se reprend modestement à 1,0907 dollar (+0,46%) vers 18h15.