(BFM Bourse) - Sur la base des données de FactSet, BFM Bourse a classé dans une infographie les valeurs avec les multiples les plus exigeants en termes de bénéfices attendus. Il en ressort, pour simplifier, que ce qui est beau est cher.
C'est un concept courant en Bourse mais qui peut-être un peu déroutant pour un néophyte: le caractère cher ou bon marché d'une action.
Il ne faut pas confondre cette idée de "prix" avec le cours affiché par une action, c'est-à-dire son nominal. Ce n'est pas parce que l'action d'une société vaut 1.000 euros et celle d'une autre entreprise 10 euros que la première est nécessairement plus chère en Bourse que la seconde.
L'action Berkshire Hathaway (classe A), la société d'investissement de Warren Buffett, vaut plus de 700.000 de dollars à l'heure actuelle alors que celle de Nvidia cote autour de 128 dollars. Pourtant, les débats sur la valorisation trop élevée de Nvidia sont bien plus récurrents et animés que ceux sur Berkshire Hathaway.
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Le PER pour évaluer le prix
Tout cela pour dire que le prix affiché par une action ne dit pas si un titre est cher ou non. Pour cela, l'analyse boursière passe par les multiples de valorisation.
Cela revient à déterminer combien vaut une entreprise en Bourse par rapport aux résultats attendus. L'outil le plus souvent utilisé reste le PER ou "price earning ratio". Ce ratio se calcule en divisant la capitalisation boursière (la valeur de la totalité des actions) par les bénéfices attendus d'une entreprise. Ou, ce qui revient au même, en divisant son cours de Bourse par le bénéfice par action.
Exemple simple: si une société a une capitalisation boursière de 5 milliards d'euros pour un bénéfice attendu en 2025 de 500 millions d'euros, son PER 2025 est de 5000/500 soit 10.
Plus le PER est élevé, plus la valorisation est (théoriquement) exigeante, puisque les investisseurs acceptent de payer davantage pour les futurs bénéfices de l'entreprise.
Quels sont alors les groupes les plus "chers" du CAC 40? Pour le déterminer, nous avons compilé les PER 2025 (le bénéfice attendu en 2025) des 40 pensionnaires de l'indice parisien via la base de données de Factset (*). Le résultat figure dans l'infographie ci-dessous.
Notons que, comme tout multiple de comparaison, le PER a ses limites. Selon les secteurs, d'autres ratios sont parfois utilisés voire privilégiés, comme celui rapportant la valeur d'entreprise (capitaux propres et dettes inclus) au chiffre d'affaires attendu ou au résultat opérationnel attendu. Pour les banques par exemple, outre le PER, les analystes utilisent beaucoup la capitalisation boursière rapportée à la valeur comptable de la société ("tangible book value").
Des chiffres à contextualiser
Que retenir de cette infographie? Premier enseignement: ce n'est pas parce qu'une entreprise est plus "chère" qu'une autre et affiche donc un PER plus élevé, qu'elle est nécessairement un "meilleur" élève en Bourse.
Kering s'échange 20,8 fois les bénéfices attendus en 2025 contre 12,7 fois pour Saint-Gobain. Pourtant Saint-Gobain a fait partie en 2024 (+46%) comme en 2023 (+28,6%) des cinq plus fortes hausses du CAC 40, au contraire de Kering, qui a souffert ces deux dernières années (-16,1% puis -40%).
En réalité, certains secteurs affichent des multiples structurellement plus élevés que d'autres, ce qui peut dépendre par exemple de leurs perspectives de croissance. Comparer le PER de Saint-Gobain avec celui de Kering, revient, in fine, à comparer des choux et des carottes.
"Il n’est pas facile de définir ce qu’est un 'bon' ou un 'mauvais' PER. Comme beaucoup d’éléments sur les marchés financiers, il est difficile d’appliquer une règle stricte. Pour mieux comprendre la valorisation d'une société, il est conseillé de l’analyser dans le contexte de l’indice tout entier ou du secteur dans lequel elle opère", explique le courtier IG Markets.
Les secteurs très cycliques s'échangent traditionnellement avec des multiples bas. L'automobile et la banque notamment. Stellantis et Renault se situent en queue de peloton du classement du CAC 40, avec des PER de 4,6 et 4,7, tandis que les trois banques françaises, Société Générale, BNP Paribas et Crédit Agricole SA, affichent des multiples compris entre 6 et 7. C'est aussi pour cette raison qu'Arcelormittal, qui évolue sur un secteur cyclique, la sidérurgie, figure aussi dans le bas du classement.
Les secteurs matures, comme les télécoms, l'énergie ou la distribution sont également souvent "peu" valorisés.
Teleperformance (PER de 5,3) et Edenred (13,6), ont eux connu, ces dernières années, des gros "derating", c'est-à-dire que leurs multiples boursiers se sont dégonflés et que leur PER a donc diminué. Ce parce que la perception du marché sur ces titres s'est détériorée.
Le premier a notamment pâti des craintes que l'intelligence artificielle générative bouleverse son modèle d'activité. Le second a souffert d'un léger ralentissement sur sa croissance et surtout des inquiétudes sur une évolution défavorable de la réglementation en Italie (où un texte de loi est effectivement en préparation) mais aussi en France et au Brésil.
Ce qui est beau est cher
Du côté des PER les plus élevés, on remarque que le luxe (L'Oréal inclus) est bien représenté. Malgré une année 2024 difficile, ces sociétés ont affiché des perspectives de croissance remarquables par le passé, ainsi qu'une certaine résilience aux cycles économiques. Leurs modèles d'entreprises sont par ailleurs appréciés.
Les sociétés dites de "qualité" sont (logiquement) aussi bien valorisées. Dans un précédent article, nous avions déterminé quelles valeurs du CAC 40 affichaient les plus fortes hausses sur 3 ans, 5 ans, 10 ans. Trois noms revenaient dans ces différents classements: Schneider Electric, Safran et Hermès.
Ces trois groupes figurent là encore dans "le top 10" des entreprises du CAC 40 les plus chères. Safran est quatrième (29,2) et Schneider Electric sixième (25,2). Leurs positionnements pertinents sur leurs marchés et leurs exécutions appréciées par les analystes expliquent pourquoi leurs PER sont si élevés.
Schneider Electric surfe sur des méga-tendances tels que l'électrification de l'économie et la transition énergétique, avec des produits à haute valeur ajoutée comme des suites logicielles. Safran tire parti de la croissance du trafic aérien et de ses activités à la fois très dynamiques et très rentables d'après-vente (maintenance, vente des pièces détachées), grâce à la gigantesque base installée de moteurs d'avions vendus par CFM International, sa coentreprise avec GE Aero.
Pour résumer, "ce qui est beau est cher". Et donc les entreprises de qualité ont un prix.
C'est particulièrement vrai pour Hermès, champion absolu du classement, avec un PER de 57,3. Le meilleur élève du luxe est donc, de loin, la valeur la plus chère du CAC 40. La valorisation est à vrai dire le seul réel argument qu'invoquent régulièrement les analystes pour ne pas conseiller d'acheter le titre.
Hermès, l'incontournable
Pour autant, Hermès a beau être cher, son action monte. Le titre signe la plus forte hausse du CAC 40 sur 10 ans, et, l'an passé, le sellier-maroquinier a affiché la meilleure performance des "KOHL" (Kering, L'Oréal, Hermès, LVMH), avec une progression de 21%.
Le groupe combine à la fois des atouts défensifs et une croissance qui semble résister à toutes les épreuves. Malgré sa valorisation, plusieurs bureaux d'études sont récemment passés à l'achat sur le titre. HSBC l'a fait en décembre. Stifel a de son côté franchi le pas début janvier. "Hermès a prouvé sa capacité à surperformer dans les bonnes comme dans les mauvaises années en offrant des perspectives de croissance des ventes attrayantes et relativement moins cycliques", écrivait alors l'intermédiaire financier.
"Un ratio PER très élevé ne signifie pas forcément que les attentes sont devenues trop élevées", rappelle IG Markets. "Prenons l’exemple classique d'Amazon dont le PER courant est passé de plus de 70 début 2011 à 130 au milieu de cette même année. Malgré cela, l’action a augmenté de 46% pendant la même période et a poursuivi sa hausse au cours des cinq années qui ont suivi", explique le courtier.
Parmi les valeurs les plus chères du CAC 40 figure aussi Dassault Systèmes (PER de 29,2). L'éditeur de logiciels professionnels évolue dans un secteur qui bénéficie de multiples élevés, en raison à la fois de perspectives de croissance robustes mais aussi d'une grande base de revenus récurrents, qui accorde une forte visibilité aux investisseurs.
Essilorluxottica (34,6) présente de son côté une activité très résiliente, combinée à une capacité d'innovation importante. "La valorisation est élevée, mais les perspectives de croissance à long terme sont attrayantes, grâce à de multiples initiatives en matière de produits (…) qui s'ajoutent à l'activité principale dans le domaine de l'optique", soulignait récemment Royal Bank of Canada. La valorisation peut également intégrer une dimension spéculative depuis que Meta a indiqué envisager de prendre une participation minoritaire à son capital.
(*) Les données ont été arrêtées le 4 février après la clôture du marché