(BFM Bourse) - Au 1er octobre, dernier point d'étape communiqué, le portefeuille de participations cotées détenues par l'Agence des participations de l'Etat affichait une progression de plus de 3,6% sur l'ensemble de 2024 quand le CAC 40 ne prenait que 0,4%. Cette surperformance s'explique largement par Safran et dans une moindre mesure par Thales.
On a parfois tendance à l'oublier, mais le portefeuille d'actions cotées directement géré par l'Etat représente encore un montant significatif. Au 1er octobre, date du dernier relevé communiqué par l'Agence des participations de l'Etat (APE), la valeur de marché totale de ce portefeuille représentait encore 51,983 milliards d'euros.
Ce montant a diminué au cours des dernières années en raison de plusieurs opérations, comme la vente de blocs d'actions Safran et Engie, ou encore la sortie de la cote d'EDF, qui n'est donc plus comptabilisée comme une participation cotée. A simple titre de comparaison, en 2014, le portefeuille d'actions cotées de l'APE représentait environ 85 milliards d'euros. Certains parlementaires, comme l'ex-ministre de l'Intérieur, Gérald Darmanin, évoquent d'ailleurs l'idée de céder davantage de participations dans des sociétés cotées.
En 2024, ce portefeuille s'est pour le moment bien comporté, sur la base du simple cours de Bourse. Au 1er octobre, il affichait une progression de 3,61% sur l'ensemble de l'année 2024, soit une surperformance notable par rapport au CAC 40 qui de son côté était quasi-stable à la même date (+0,4%).
Comment expliquer cette surperformance? Réponse simple: par le fait que l'Etat détient des participations importantes dans quelques sociétés qui signent un excellent millésime. En réalité surtout une: Safran.
Safran porte le portefeuille
Dans le détail, sur les dix sociétés dans lesquelles l'APE possède des participations, cinq affichent un repli entre le 1er janvier et le 1er octobre, et cinq enregistrent une hausse.
Mais Safran, qui progresse de 31,95% sur la période, constitue la deuxième plus grande ligne du portefeuille de l'APE, avec un total de 10,32 milliards d'euros, alors que l'Etat possède environ 11,23% du capital. Seul Airbus (11,05 milliards d'euros pour une participation de l'Etat français de 10,8%) est plus important en valeur.
Comme nous l'avons écrit dans un précédent article, Safran signe en réalité la plus forte hausse du CAC 40 depuis le début de l'année (au 1er octobre, Schneider Electric est depuis passé devant d'une courte tête).
Le cœur du réacteur boursier de la société demeure les services d'après-vente (maintenance, révisions, ventes de pièces détachées). Même si le groupe ne communique pas sur leur rentabilité, ces services sont bien margés. Cette activité dépend des visites des compagnies et loueurs dans les ateliers de l'entreprise et donc du trafic aérien.
Au premier semestre 2024, les activités de services pour moteurs civils avaient bondi de 29,9%, avec notamment une "croissance extrêmement forte de 32% au deuxième trimestre", appréciait Bank of America. "Bien que la société n'ait pas revu à la hausse ses prévisions pour 2024, les fondamentaux restent bons", juge Deutsche Bank qui est à "conserver" sur la valeur pour des questions de valorisation. Jefferies s'attend par ailleurs à ce que la dynamique des services d'après-vente soit encore vigoureuse au troisième trimestre, avec une croissance de 19%.
Air France-KLM chute
Au niveau des autres progressions notables du portefeuille, Thales, dont l'Etat détient 26,1% s'adjuge 9%. Comme beaucoup d'autres groupes de défense, ses cours ont été soutenus par les tensions géopolitiques. FDJ, dont l'Etat possède 21,1% du capital, prend 12,9% au 1er octobre, porté notamment par des bons résultats semestriels. Toutefois depuis le 1er octobre, l'action a souffert de craintes d'une hausse des prélèvements fiscaux sur les jeux d'argent en France.
Côté baisse, Airbus, tire l'ensemble vers le bas, avec un repli de 7,9% au 1er octobre. Si l'avionneur s'en sort bien mieux que Boeing (qui perd plus de 40% à Wall Street), le groupe aéronautique a émis un lourd avertissement sur résultats, en juin. Les analystes redoutent que la société abaisse encore sa prévision de livraisons d'avions pour 2024.
Air France-KLM accuse la plus forte baisse des dix sociétés cotées dont l'Etat est directement actionnaire, avec une chute de 38,1% au 1er octobre. Le groupe de transport aérien a été pénalisé par des problèmes de logistiques, de main d'œuvre, ainsi que par un effet d'évitement des touristes vers Paris lors des Jeux olympiques.
Ce qui l'a amené à publier des résultats inférieurs aux attentes au deuxième trimestre. L'entreprise a également pâti de la remontée des cours du pétrole et des incertitudes politiques en France. Mais, bien que l'Etat possède 28,08% du capital, cette participation ne représente plus que 618 millions d'euros pour l'APE (car l'action a fondu de 83% en cinq ans), et la variation du cours a ainsi un poids relativement limité.
Une mission différente
Rappelons que l'Etat actionnaire n'a pas vocation à investir dans des sociétés comme un actionnaire traditionnel, qui se concentrerait sur le rendement. "L’État n’est pas un actionnaire comme un autre", jugeait d'ailleurs la Cour des comptes dans un rapport de 2017.
Les enjeux de souverainetés priment, et l'Etat conserve ainsi des participations dans des secteurs stratégiques, tels que la défense, l'énergie (avec Engie) ou les télécoms (avec Orange).
"La mission de l’APE est de gérer le portefeuille de participations de l’État, investisseur en fonds propres dans des entreprises jugées stratégiques, pour stabiliser leur capital et les accompagner dans leur développement et leur transformation", souligne d'ailleurs l'agence sur son site.
L'Etat investit ainsi selon trois axes, à savoir dans les entreprises "stratégiques" qui "contribuent à la souveraineté " du pays, dans les entreprises "en difficulté dont la disparition pourrait entraîner un risque systémique", ou dans les sociétés "participant à des missions de service public ou d’intérêt général national ou local pour lesquelles la régulation serait insuffisante pour préserver les intérêts publics et assurer les missions de service public".
Rappelons également qu'outre l'Etat, des organismes publics et parapublics possèdent des participations dans des groupes cotés. C'est le cas de Bpifrance, actionnaire de Stellantis, Worldline ou encore Eutelsat, et de la Caisse des Dépôts et Consignations, présente au capital d'Emeis (ex-Orpea), d'Euronext, d'Icade, ou encore de Compagnie des Alpes.