(BFM Bourse) - L'été fait enfin son apparition avec le retour du beau temps et des hautes températures. Mais c'est aussi au mois d'août que le temps est généralement le plus brumeux en Bourse. Un phénomène saisonnier qui laisse perplexe...
La Bourse et la saisonnalité. Et qui de mieux que Mark Twain, créateur des personnages de Tom Sawyer et Huckleberry Finn, pour tourner au mieux en dérision ce phénomène. Selon le célèbre écrivain américain (qui avait lui-même réalisé un certain nombre d'investissements calamiteux), octobre est l'un des mois les plus dangereux pour jouer en Bourse, les autres mois risqués étant juillet, janvier, septembre, avril, novembre, mai, mars, juin, décembre, août et février.
Mais cette boutade masque un phénomène de saisonnalité tout-à-fait réel (et assez inexpliqué en regard de la théorie financière moderne, qui voudrait que les inefficiences du marché soient gommées au fil du temps): non, tous les mois ne se valent pas en Bourse.
D'un point de vue statistique, certaines périodes -typiquement pendant l'été- sont en général moins porteuses que d'autres - l'hiver est d'habitude plus propice avec l'effet Halloween.
Plutôt lézarder qu'investir
Jeffrey Hirsch, éditeur du Trader Almanac (l'almanach du trader, publication un peu folklorique mais qui bénéficie d'une réelle audience), avait relevé en 2021, qu'entre 1988 et 2020, c'est en août qu'intervient la moins bonne performance des douze mois de l'année (bien sûr cela ne signifie ni que chaque mois d'août est en baisse, ni qu'il ne faut pas profiter d'une éventuelle baisse pour investir).
La variation moyenne avait été négative en août pour les principaux indices américains sur la période (-0,8% pour le Dow Jones), en faisant le plus mauvais mois de l'année avec quelques épisodes mémorables comme la faillite du fonds Long-Term Capital Management en 1998 (-15,23%) ou l'invasion du Koweït par l'Irak en 1990 (-10,01%), et plus récemment des baisses assez notables aux mois d'août 2010, 2011 (problème du plafond de la dette des Etats-Unis), 2013, 2015 et en 2022, années pendant lesquelles le Dow Jones avait perdu plus de 4%, rappelle Jeffrey Hirsch dans un billet daté du 24 juillet dernier. Et si on ajoute les mois d'août 2021, 2022 et 2023, la performance reste toujours négative à hauteur de 0,92% pour le Dow Jones.
"Ce comportement à cette période de l'année n'est pas inhabituel", rappelle CNBC. Au cours des dix dernières années, le S&P 500 a enregistré en moyenne un gain de seulement 0,1 % en août, ce qui en fait le troisième mois le plus mauvais pour l'indice, selon une analyse des tendances saisonnières réalisée par CNBC Pro
Et si on élargit dans le temps, "les performances sont encore pires" note aussi CNBC. Sur les 20 dernières années, le S&P 500 a enregistré une perte mensuelle moyenne de 0,1% au cours de cette période.
CNBC détaille les raisons qui expliquent que le marché a une fâcheuse tendance à enregistrer des performances médiocres ce mois-ci. Le média financier cite des volumes de transactions qui tendent à diminuer en août, car les traders et les investisseurs partent en vacances avant la fin de l'été. Cette désertion des opérateurs peut donc conduire à plus de volatilité.
A Paris, le constat est identique. Depuis son lancement officiel en juin 1988, le CAC 40 a enregistré 23 mois d'août baissiers contre seulement 13 haussiers. Avec là aussi des baisses assez significatives pour ne pas dire mémorables. Le mois d'août 1990 a particulièrement été chaud (-14,01%), là aussi en raison de l'invasion du Koweït par l'Irak. En moyenne, l'indice parisien a cédé 1,30%.
La Fed en ligne de mire
Quid de 2024? Si les performances passées ne préjugent en rien des performances futures, on peut quand même détailler quelques temps forts susceptibles de donner le "la" sur les marchés financiers ce mois-ci.
Les investisseurs auront par exemple fort à faire avec la publication de l'indice des prix à la consommation de juillet (le 14 août) ou encore le symposium annuel de Jackson Hole qui aura lieu du 22 au 24 août. Ce rendez-vous annuel des banquiers centraux interviendra dans des "circonstances" très spéciales, nous informe John Plassard, spécialiste en investissement chez Mirabaud & Ciedans un avis d'expert publié chez Les Affaires
"Tout d’abord parce que le thème de cette année 'Reassessing the Effectiveness and Transmission of Monetary Policy', ("Réévaluer l’efficacité et la transmission de la politique monétaire") est très actuel tout comme en 2023 'Structural Shifts in the Global Economy' ("Changement structurel dans l’économie mondiale")", rappelle le spécialiste.
Aussi, parce que les investisseurs seront en quête d'indices sur la question centrale et qui tient en haleine la communauté financière: la Réserve fédérale américaine est-elle proche d'enclencher sa première baisse de taux depuis quatre ans?
Pour les marchés, une baisse est acquise pour septembre avec les dernières statistiques d'activité et d'emploi publiées en fin de semaine. Ils assignent une probabilité implicite de 100% en faveur d'une baisse de taux lors de la réunion de septembre, avec une probabilité qui est montée à 79,5% pour une baisse de 50 points de base (soit 0,50 point de pourcentage), après un rapport sur l'emploi plus faible que prévu publié ce vendredi.
Cette statistique a d'ailleurs miné le moral des investisseurs, qui redoutent désormais une récession aux Etats-Unis. La Bourse de Paris commence donc août sur une note terne, avec un CAC 40 qui a cédé 3,7% sur les deux premières séances de ce huitième mois de l'année...Cette agitation semble pour l'instant donner du crédit à la mauvaise réputation du mois d'août en Bourse.