Connexion
Mot de passe oublié Pas encore de compte ?

Marché : Pourquoi l'adage boursier qui enjoint à vendre ses actions en mai doit être pris avec des pincettes

samedi 4 mai 2024 à 07h00
Vendre en mai? Pas forcément une si bonne idée

(BFM Bourse) - Comme à chaque mois de mai, l'adage préféré des boursiers "sell in may and go away" refait surface. Les données historiques révèlent que la période la plus performante, en moyenne, s'étend de novembre à avril. D'où l'injonction selon laquelle les investisseurs devraient "vendre en mai et partir" puis revenir en novembre. Faut-il suivre à la lettre ce vénérable adage? Pas si sûr selon les spécialistes.

La Bourse est perçue comme un univers complexe à appréhender pour le quidam moyen avec son jargon très animalier et ses mécanismes alambiqués. Cet univers s’est enrichi de nombreux dictons et proverbes comme évoqué dans ce précédent article. On peut par exemple citer "mieux vaut se couper un doigt, que la main, et la main que le bras" ou "achetez la rumeur et vendez l’information".

Et parmi ces injonctions qui font le folklore de la Bourse figure le célèbre sell in may and go away ou "vends en mai et va-t'en" dans la langue de Molière. La plus ancienne mention ce dicton a été relevée dans une édition de 1935 du Financial Times, l'article le présentant déjà comme "un vieil adage". L'hypothèse la plus probable serait que les classes aisées quittaient Londres pour la campagne aux beaux jours en délaissant leurs portefeuilles (ou du moins en n'intervenant qu'épisodiquement pendant cette période).

La croyance veut donc qu’il convient de s’abstenir en Bourse à compter du 1er mai avant de réinvestir à partir de la veille du 1er novembre et donc le jour d’Halloween. Ce dernier jour a lui aussi son effet sur les marchés. C’est le Halloween effect ou "effet Halloween'" en français qui implique que la période de novembre à avril offre le plus fort potentiel de hausse sur les marchés financiers.

Un marronnier boursier

Et en ce début mai, la question revient naturellement sur le devant de la scène. Surtout après un mois d’avril où le CAC 40 a perdu 2,69%, accusant sa première baisse mensuelle depuis octobre 2023.

"Intensification des risques géopolitiques, interrogations sur le nombre de baisse (s) de taux de la Réserve fédérale en 2024, arrivée potentielle de Donald Trump au pouvoir aux États-Unis, spectre de la stagflation ou autre, les doutes quant à la pérennité de la résistance du marché se sont accrus après une hausse sans accroc depuis novembre dernier", énumère John Plassard, conseiller en investissement chez Mirabaud, dans une note publiée en début de semaine.

Lézarder au soleil plutôt qu'acheter

Plusieurs facteurs tendent à valider la théorie du "sell in may and go away". Deux universitaires, spécialisés dans les questions de saisonnalité, ont testé l'effet "Halloween/sell in may" sur l'échantillon le plus important jamais recueilli, et leur conclusion est claire : investir à Halloween et prendre ses profits en mai rapporte 4% de plus qu'une stratégie consistant à détenir indéfiniment ses titres.

Les professeurs Zhang Yi de la Nottingham University Business School (Chine) et Ben Jacobsen de TIAS Business School (Pays-Bas) ont retenu un échantillon qui commence en 1693 avec la Bourse de Londres et comprend jusqu'au plus récent des indices, celui du marché rwandais inauguré en 2013, soit 114 marchés au total et plus de 63.000 mois de performances boursières à décortiquer... Et le résultat est surprenant par son ampleur puisqu'ils n'ont identifié qu'un seul marché -la Bourse de l'Ile Maurice- présentant sur la durée un rendement supérieur pendant la période estivale

L'étude de Zhang et Jacobsen présume que cet effet correspondant à la prise des congés estivaux est toujours à l’œuvre aujourd'hui. D'autant que la saisonnalité de l'Halloween Indicator est plus marquée en Europe et aux Etats-Unis, où l'habitude de prendre des vacances l'été est plus répandue que dans le reste du monde.

John Plassard cite également la désertion des investisseurs pendant l'été comme facteur. L'expert rappelle que "le marché a tendance à connaître ses mois les plus faibles au cours de l'été en raison du faible volume des échanges". Il évoque aussi une saisonnalité des flux d'investissement, liée au versement des primes de fin d'année des industries financières et des entreprises, "la date limite de dépôt des déclarations de revenus aux États-Unis à la mi-avril pouvant y contribuer".

"Sur le marché de Singapour, la plupart des entreprises versent des dividendes en mai et juin de chaque année. Les investisseurs à la recherche de dividendes peuvent donc chercher à ne pas acheter d'actions après ces mois jusqu'à ce que des opportunités de baisse se présentent", ajoute John Plassard.

Le spécialiste étaye cette saisonnalité des performances des indices boursiers en rappelant le comportement du S&P 500 sur les 30 dernières années : "De 1990 à 2023, le rendement du S&P 500 a été d'environ 2% de mai à octobre, tandis que celui de novembre à avril a été d'environ 7% en moyenne". Et ajoute que le gain moyen du Dow Jones au cours des 10 dernières années pour la période de novembre à avril a été de 27,5 %, contre une moyenne de 2,9 % pour les périodes de mai à octobre qui ont suivi.

Les données historiques ont donc tendance à valider la véracité de cet adage, rappelle le spécialiste. D'où le dicton selon lequel les investisseurs devraient "vendre en mai et s'en aller", puis revenir en novembre. John Plassard tient toutefois à nuancer ces vérifications. "Il y a donc une part de vérité dans l'adage selon lequel le mois de mai voit en moyenne la première correction de l'année, mais le mois de juillet est historiquement l'un des meilleurs de l'année", fait-il valoir.

D'autant plus que les tendances boursières calendaires telles que "vendre en mai" ne tiennent pas compte du caractère unique de chaque période, notamment en cette année électorale aux Etats-Unis.

John Plassard rappelle que le S&P 500 a plutôt tendance à bien se comporter sur la période de mai à octobre lors des années marquées par l'élection présidentielle américaine, puisqu'il progresse "dans 78% des cas depuis 1950".

"Après un début d'année électorale en fanfare, le marché boursier américain a tendance à retrouver son élan vers la fin du deuxième trimestre et continue généralement d'afficher de bonnes performances jusqu'à la fin de l'année", remarque-t-il

Une théorie qui a des failles

Comme toute théorie, celle-ci comporte donc des failles. "Le plus souvent, les actions ont tendance à enregistrer des gains tout au long de l'année, en moyenne, et donc vendre en mai ne fait généralement pas beaucoup de sens", rappelle John Plassard.

"L'histoire montre que le coût d'opportunité lié à la sortie et à la rentrée périodique sur le marché peut être important. De plus, la facilité de suivi de vos investissements (par rapport à il y a des décennies, lorsque cette théorie du calendrier a été créée) signifie qu'il est possible de surveiller plus facilement le marché et d'apporter des modifications à vos investissements si nécessaire à tout moment de l'année", poursuit-il.

Le cycle économique et l'humeur du marché du moment, peuvent jouer les trouble-fête. John Plassard met en garde les investisseurs qui suivent stricto sensu les tendances boursières, sans tenir compte d'autres facteurs comme le contexte économique ou bien les objectifs d'investissement et contraintes de risques propres à chaque profil.

Même si ces adages boursiers "sont souvent exagérés", le spécialiste estime qu'il y a "nombreux enseignements à en tirer". Selon lui, ces dictons pourraient aider à mieux interpréter cette deuxième partie de l’année et "dissiper quelques nuages de début d’année". Il rappelle également qu'il est opportun d'observer l’évolution du marché à moyen et long terme, un conseil qui "permettra d’enlever un certain stress".

D'ailleurs, dans un billet au ton humoristique, les stratégistes de Deutsche Bank viennent aussi déconstruire ce mythe boursier qui a la peau dure. Et les conclusions des spécialistes de la banque allemande sont sans appel : "Vous pouvez vendre en mai, mais vous pourriez tout aussi bien tirer à pile ou face et vos chances de succès seraient les mêmes", ironisent les stratégistes de la banque allemande.

"Nous préférons suivre une approche plus fondamentale et ne recommandons pas d'investir sur la base de modèles historiques", abondent-ils.

En résumé, faut-il "vendre en mai et partir"? "Probablement pas, si l'on en croit les données historiques, car il peut y avoir de meilleures options si vous êtes un investisseur actif. Si vous êtes un investisseur à long terme, des facteurs plus importants devraient influencer vos décisions d'investissement", tient à aussi rappeler de son côté Fidelity.

Sabrina Sadgui - ©2025 BFM Bourse
Forum suspendu temporairement
Portefeuille Trading
+336.70 % vs +57.27 % pour le CAC 40
Performance depuis le 28 mai 2008

Newsletter bfm bourse

Recevez gratuitement chaque matin la valeur du jour