(BFM Bourse) - Le métal précieux s'apprête à terminer l'année en signant sa meilleure performance depuis 1979. Peut-il encore repousser ses limites l'an prochain? Le débat est assez ouvert.
Sauf improbable retournement de dernière minute, l'or signera cette année sa meilleure performance depuis 46 ans. Le métal précieux prend sur l'ensemble de 2025 plus de 70% (*). Le millésime est d'autant plus remarquable que la "relique barbare", comme la surnommait l'illustre économiste John Maynard Keynes, avait déjà gagné 27,2% en 2024.
L'or est donc paré pour afficher sa plus forte hausse depuis 1979. Cette dernière année, la matière première avait grimpé de 143%, selon Marketwatch, propulsée par le second choc pétrolier lui-même causé par la révolution iranienne.
Nous avons expliqué à de multiples reprises les différents facteurs qui ont provoqué le rallye du métal précieux.
Les incertitudes politiques et géopolitiques causées par la politique économique erratique de Donald Trump, notamment avec les droits de douane, ont renforcé le rôle de valeur refuge de l'or. D'autant que d'autres valeurs refuge traditionnelles, comme le dollar et les obligations américaines, ont vu leur statut être fragilisé cette année.
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Baisses de taux et accès de faiblesse du dollar
Les risques en matière de finances publiques, notamment américaines, ont également pu exercer une influence. Le Congressional budget office (le bureau du budget américain) estime que la loi de finances 2025 de Trump, le fameux "big beautiful bill", alourdira la dette américaine de 3.400 milliards de dollars en dix ans. Le flou économique provoqué par le long "shutdown" américain - 43 jours entre octobre et mi-novembre - a aussi joué.
Les achats importants des banques centrales, notamment de la Chine et des pays émergents, constituent un vent porteur depuis maintenant près de deux ans.
"Dans un premier temps, cette tendance avait été motivée par les préoccupations des pays concernant les sanctions sur leurs avoirs étrangers à la suite des décisions des États-Unis et de l'Europe de geler les avoirs russes. Toutefois, cette tendance s'est transformée en une stratégie plus large de diversification des réserves en dollars et des avoirs en dollars", avait souligné UBS en février.
La reprise des baisses de taux directeurs de la part de la Réserve fédérale américaine (Fed) à compter de septembre dernier, avec 75 points de base de baisse de taux (0,75 point de pourcentage) depuis, ont renforcé l'attrait de l'or.
Pour rappel, des taux plus bas ont tendance à soutenir le métal précieux. Contrairement aux actions (avec des dividendes) et aux obligations (avec des coupons), l'or ne produit pas de revenus. Son cours est en conséquence aidé par une baisse des taux d'intérêt, car il devient alors de plus en plus intéressant d'investir son argent dans de l'or plutôt que de le placer.
La faiblesse du dollar qui souffre face aux autres grandes devises (-12% face à l'euro en 2025) cette année, a aussi pu contribuer au rallye de la matière première. Comme l'ensemble des matières premières, les cours de l'or sont libellés en dollar. Un repli du billet vert rend, toutes choses égales par ailleurs, l'or moins onéreux pour les investisseurs dont la devise de référence n'est pas le dollar.
Les 5.000 dollars l'once dépassés dès l'année prochaine?
Après donc une année 2025 de tous les records (ou presque), l'or peut-il encore un peu plus transformer l'essai en 2026? Comme le dit l'expression anglaise, "the jury is out", c'est-à-dire que le débat est ouvert.
Goldman Sachs voit encore l'or grimper avec un objectif de cours de 4.900 dollars l'once à fin décembre 2026 (contre un cours actuel d'un peu moins de 4.500 dollars).
La banque américaine pense que les achats des grandes banques centrales des pays émergents porteront encore le métal précieux de même que de nouvelles baisses de taux de la Fed ainsi que la demande provenant des fonds indiciels (ETF), qui témoignent de l'appétit des investisseurs institutionnels. La banque américaine voit "un potentiel de hausse supplémentaire significatif si le thème de la diversification des investisseurs privés gagnait plus de traction".
"L'or brise les normes historiques: la surperformance par rapport au dollar égale un record établi l'année dernière, et la fourchette ('d'évolution des cours, NDLR) de 2025 pour l'or est la plus grande depuis 1980", souligne pour sa part Deutsche Bank.
L'établissement allemand anticipe un cours moyen du métal précieux de 4.450 dollars l'once en 2026 avec un intervalle de prix allant de 3.950 dollars à 4.950 dollars, avant 5.150 dollars l'once en 2027.
Pour UBS, l'or "a encore de la marge pour progresser dans les dernières manches" avant de s'essouffler. La banque suisse table sur un cours moyen de 4.675 dollars l'once l'année prochaine. L'établissement pense que le métal précieux grimpera jusqu'à 4.750 dollars l'once avant de retomber à 4.500 dollars fin décembre 2026 (et à 4.000 dollars fin 2027).
"À compter du second semestre 2026, dans la mesure où la Fed approchera de la fin de son cycle d'assouplissement, nous prévoyons que la course haussière de l'or arrivera à maturité, entraînant une diminution progressive des prix vers la fin de 2026, bien qu'ils restent supérieurs aux prix actuels 'spot' (au comptant, NDLR)", explique la banque suisse.
"L'or est de plus en plus considéré comme un actif stratégique à long terme et une composante essentielle de l'allocation d'actifs. Il y a eu une accélération de l'élargissement de la base d'investisseurs en or et, à son tour, l'émergence de nouveaux participants dans les différents segments de la demande a conduit à la force et à la persistance de la tendance haussière", développe le groupe helvétique.
"Cela a entraîné un changement dans les relations macroéconomiques de l'or, réduisant la sensibilité des prix aux moteurs traditionnels comme les rendements réels américains et le dollar, tout en augmentant la résilience globale du marché", poursuit l'établissement.
"Étant donné la diversité des participants au marché et la variété des raisons motivant les allocations en or, nous pensons qu'il est peu probable que l'or inverse significativement sa trajectoire à ce stade et voyons plutôt des risques accrus à la hausse", fait encore valoir UBS.
La banque estime que l'or "testera" les 5.000 dollars l'once dans un scénario optimiste, qui "pourrait se produire en cas de choc sur le marché obligataire ou si les préoccupations concernant l'indépendance de la Fed s'accélèrent de manière significative".
Donald Trump doit nommer en début d'année le prochain président de la Fed, sachant que le locataire de la Maison Blanche réclame à cor et à cri des baisses de taux. Le président américain n'a pas hésité à frôler l'insulte à diverses reprises avec Jerome Powell, le président actuel, à son goût trop frugal sur la politique monétaire.
Citi table sur une baisse progressive des cours
Bank of America, de son côté, a une lecture similaire, tablant sur un cours moyen de l'or à 4.538 dollars l'once en 2026 avant 3.875 dollars l'or en 2027.
"L'or a atteint une série de records et a été suracheté, mais reste sous-investi. De nombreux facteurs macroéconomiques - y compris les politiques économiques non orthodoxes des États-Unis qui ont poussé le métal doré à la hausse - restent favorables. Tant que cela ne change pas, il existe une voie pour que l'or atteigne 5.000 dollars l'once, bien qu'une orientation restrictive (c'est-à-dire avec moins de baisses de taux, NDLR) de la Fed constitue un risque", explique l'établissement.
Elyas Galou, stratégiste de la banque américaine, souligne que l'or a connu cinq "bull market", c'est-à-dire des phases de marché très haussières. Durant ces périodes, l'actif a connu une hausse moyenne annuelle de 37%. En extrapolant ces chiffres, le pic de l'or surviendrait à 6.200 dollars l'once en avril 2026, a-t-il récemment expliqué à des journalistes.
Citi est un peu à part. La banque américaine, dans son scénario de référence, table sur une once d'or à 4.200 dollars l'once au premier trimestre 2026 avant une baisse progressive: 4.000 dollars au deuxième trimestre, 3.800 dollars, au troisième, 3.700 dollars au quatrième (et une moyenne de 3.600 dollars en 2027).
Citi pense que de moindres inquiétudes sur les droits de douane américains et sur l'inflation surpasseront largement les taux plus bas de la Fed et les préoccupations autour du creusement du déficit budgétaire. Avec, également, la "perspective d'un environnement économique américain idéal en 2026 qui finira par l'emporter", ajoute l'établissement.
La banque remarque, en effet, que l'or a constitué une "couverture" chez les investisseurs contre la faiblesse du marché de l'emploi américain et les risques de baisse des marchés actions américain. Une amélioration de la conjoncture se traduirait donc par un repli des cours de la matière première.
"Cela dit, le déficit américain, l'économie américaine, chinoise et les préoccupations géopolitiques demeureront tous élevés d'une façon ou d'une autre, ce qui limite le potentiel de baisse de l'or", reconnaît-il toutefois.
Signe que la banque peut un peu douter, Citi explique attribuer une probabilité plus élevée que d'habitude à son scénario "bullish" (haussier), avec un taux de 30%. Dans ce dernier scénario, l'or progresse de manière continue en 2026 pour atteindre 5.000 dollars l'once puis 6.000 dollars en moyenne en 2027.
Ce cas de figure refléterait une demande très forte de la part des investisseurs témoignant des inquiétudes importantes sur la viabilité des finances publiques américaines, la géopolitique et la conjoncture. Il pourrait aussi traduire une réorientation du patrimoine des ménages vers l'or (lingots, pièces, bijouterie, action de miniers spécialisés dans l'or ou parts d'ETF). Sachant que, selon Citi, sa part atteint déjà un record, à hauteur de 3,5% de leurs actifs, contre moins de 1,8% en 2019.
(*) Pour des raisons pratiques, les cours et les variations ont été arrêtés mercredi 24 décembre, peu après la clôture européenne.
