(BFM Bourse) - Si quitter l'indice phare de la Bourse du Paris peut constituer un déclassement qui sanctionne un parcours boursier souvent difficile, un retour en grâce reste possible.
Nous nous sommes régulièrement demandé si une entrée sur le CAC 40 pouvait marquer un tournant boursier pour une entreprise. Le conseil scientifique d'Euronext doit d'ailleurs statuer, jeudi, sur une potentielle nouvelle composition de cet indice. Mais qu'en est-il pour les sociétés qui, au contraire, se retrouvent expulsées du CAC 40?
L'impact immédiat est théoriquement négatif puisque ces actions sont censées être pénalisées par les fonds indiciels qui doivent vendre leur titre pour continuer à répliquer l'indice.
Mais à plus long terme, comment évoluent les actions des entreprises qui ont quitté l'élite de la Bourse de Paris?
L'exemple le plus marquant des dix dernières années reste peut-être Peugeot SA. En pleine difficultés financières - le groupe brûlait environ 200 millions d'euros de cash par mois - le constructeur automobile sochalien avait été expulsé du CAC 40 en septembre 2012. Mais PSA avait réussi à le réintégrer un peu plus tard, en mars 2015. La méthode Carlos Tavares, qui avait pris le poste de directeur général l'année précédente, produisait alors ses premiers effets.
Sans remonter aussi loin, nous avons pris les dernières sorties du CAC 40 depuis 2017 pour observer le comportement de chaque action. Le graphe ci-dessous compile la variation en Bourse de chaque société depuis sa dernière expulsion de l'indice phare. Il en ressort des situations très diverses.
LafargeHolcim et TechnipFMC ont quitté la Bourse de Paris
Evoquons, d'abord, des cas très particuliers. Notre infographie n'incorpore ni LafargeHolcim, qui avait quitté le CAC 40 en 2018, ni TechnipFMC, sorti en mars 2020. Tout simplement parce que ces deux groupes ont, depuis, délaissé la place parisienne.
Dans le cas de LafargeHolcim, rappelons que le groupe était né de la fusion entre le cimentier français Lafarge et son concurrent suisse Holcim, en 2015. Mais en 2021, le nom du groupe français a été retiré du nouvel ensemble et, surtout, la cotation à Paris a été supprimée fin 2022, pour se concentrer sur celle à Zurich. L'entreprise expliquait elle-même que les volumes à Paris avaient fondu au cours des années.
Le cas de TechnipFMC est plus complexe. Issue de la fusion de 2017 entre le groupe français parapétrolier Technip et l'américain FMC, cette société s'est de nouveau scindée en deux en février 2021, en cotant à part Technip Energies, qui regroupait ses activités d'ingénierie. TechnipFMC a ensuite progressivement réduit sa participation dans Technip Energies (elle avait initialement conservé 49,9%) et a supprimé sa propre cotation parisienne début 2022.
Passons aussi rapidement sur Nokia, qui avait quitté en décembre 2017 le CAC 40 après l'avoir rejoint début 2016. Nokia avait brièvement intégré l'indice parisien en remplacement d'Alcatel Lucent, groupe français que le finlandais avait racheté au même moment. Depuis son éviction, l'action Nokia accuse une baisse de plus de 30%. Mais la cotation parisienne de l'équipementier télécoms reste très secondaire par rapport à celle de la Bourse d'Helsinki…
La lourde chute d'Atos
Plusieurs groupes ont, eux, continué de souffrir après leur sortie du CAC 40. Le cas le plus frappant reste Atos. Lorsque l'entreprise de services numériques quitte l'élite de la Bourse de Paris, fin septembre 2021, son action chutait déjà d'environ 30% sur an. Sa descente aux enfers boursiers n'en était toutefois qu'à ses débuts. Le titre a depuis perdu depuis 97,5% et Atos a enchaîné les déconvenues, en partie parce que la société a sous-estimé le déclin de ses activités d'infogérance ainsi que la montée en puissance du cloud public. Mais aussi en raison d'une instabilité stratégique et managériale chronique (cinq directeurs généraux se sont succédé depuis 2019). A la recherche d'1,7 milliard d'euros de fonds sous diverses formes pour assurer sa survie, la société fait actuellement l'objet de plusieurs offres de reprise. Mais dans tous les cas une restructuration financière et une dilution massive attend ses actionnaires…
Sortis respectivement en mars 2017 et en juin 2019, Klépierre (-27%% depuis sa sortie) et Valeo (-59,6%) n'ont pas été aidés par leur environnement. L'exploitant de centres commerciaux a, comme l'ensemble des foncières cotées, souffert de l'impact de la pandémie puis de la remontée des taux d'intérêts qui ont mis sous pression le secteur immobilier. Valeo a lui pâti, ces dernières années, des "stop and go" de production des constructeurs automobiles (liés notamment aux difficultés d'approvisionnement), de l'inflation des matières premières (plus difficile à répercuter pour les équipementiers que pour les constructeurs automobiles) mais aussi d'une journée investisseurs décevante en février 2022. L'électrification en cours du secteur automobile met aussi la rentabilité des équipementiers sous pression, comme l'a souligné Bernstein cette semaine.
Worldline perd pour sa part 21,55% depuis sa récente sortie (décembre 2023) du CAC 40. En délicatesse avec le marché depuis un lourd avertissement sur résultats à l'automne dernier (l'action avait dévissé de 59% sur une séance, un record pour une valeur du CAC 40), le groupe de paiements avait encore déçu lors de la publication de ses résultats annuels, en février. L'activité du premier trimestre 2024 a toutefois été plus encourageante.
Le come-back d'Accor.... et d'Alstom
A contrario plusieurs ex-pensionnaire du CAC 40 ont signé une hausse depuis leur départ du CAC 40. Celle du groupe de chimie belge Solvay (+2,7% depuis sa sortie en septembre 2018) s'avère, certes, anodine. L'entreprise s'est d'ailleurs scindée den deux fin 2023, avec d'un coté la chimie de spécialité, via la nouvelle entreprise Sysenqo, et de l'autre la chimie traditionnelle, restée dans le giron de Solvay.
Sodexo (+35,5%) a, de son côté, redressé plus nettement la barre, après avoir quitté le CAC 40 en juin 2020. Le groupe de restauration collective a souvent surpris positivement le marché lors de la publication de ses résultats et la scission de sa branche de titres restaurant et cadeaux, qui a donné lieu à la naissance de Pluxee en février, a été bien reçue par le marché. Après cette opération, le groupe pèse désormais 12,9 milliards d'euros en Bourse, ce qui ne rend pas inaccessible un retour sur le CAC 40.
Vivendi (+19% depuis sa sortie en mars 2023) et Accor (+63% depuis septembre 2020) sont eux déjà revenus dans l'indice. Le cas de Vivendi est particulier, car le groupe n'a connu qu'une sortie très éphémère du CAC 40. Le conseil scientifique d'Euronext a décidé d'évincer le groupe de médias en juin 2023 pour finalement le réintégrer six mois plus tard. Depuis, Vivendi a ravi les investisseurs avec un projet de scission en quatre entités, qui doit lui permettre de réduire sa lourde décote de conglomérat.
Le grand come-back sur le CAC 40 est à mettre au crédit d'Accor, qui a réintégré l'indice en mars dernier. La société a surfé sur la reprise du tourisme, relevé à plusieurs reprises ses objectifs annuels l'an passé, tenu une journée investisseurs qui a été considérée comme réussie, vu sa note de crédit relevée par les agences, et a annoncé des rachats d'actions. Beaucoup de bonnes cases ont donc été cochées.
Terminons par Alstom qui a justement été expulsé par Accor du CAC 40 en mars. Depuis son action a repris de l'allant (+46,6%) grâce à des meilleurs résultats et à un plan de désendettement qui n'a pas échaudé le marché. Le groupe a lancé la semaine dernière une augmentation de capital de 1 milliard d'euros qui lui permettra d'assainir son bilan en réduisant sa dette de 2 milliards d'euros. L'action a aussi été portée par des rachats de "shorts" brutaux (un "short squeeze") c'est-à-dire que des vendeurs à découvert ont débouclé leurs positions, jugeant que le pire était désormais passé pour l'équipementier ferroviaire en Bourse. "Alstom reste l'une des valeurs les plus vendues à découvert en Europe et nous nous attendons à ce que le 'short squeeze' se poursuive car le groupe semble être de nouveau sur la bonne voie en termes de dynamique de flux de trésorerie et de structure de bilan", écrivait début mai Deutsche Bank.