(BFM Bourse) - Le secteur automobile achève une année 2024 très difficile et 2025 s'annonce extrêmement tumultueuse. Dans ce contexte, Bank of America a livré cinq "convictions" avec quatre actions à acheter et une à vendre.
Le millésime 2024 a constitué une "annus horribilis" pour le secteur automobile. Les volumes et les prix ont souffert, plusieurs groupes ont annoncé des restructurations (Schaeffler, Volkswagen, Valeo, Forvia…), les menaces de tarifs douaniers ont surgi aux Etats-Unis et en Chine et les avertissements sur résultats se sont multipliés.
Chez les constructeurs, Volvo, Porsche, Aston Martin, Mercedes, Volkswagen, BMW et Stellantis ont ainsi été contraints d'émettre un "profit warning". Seuls Ferrari et Renault ont pu maintenir (ou même relever pour Ferrari) leurs objectifs.
D'ailleurs ces deux groupes sont les seuls constructeurs européens qui devraient afficher une performance positive en Bourse 2024, le premier progressant pour l'heure de 34,9%, le second de 26,9%. Autrement, les chutes vont de 14,5% (Mercedes) à 53,6% (Aston Martin). Ce n'est guère mieux du côté des équipementiers qui pâtissent en plus d'une concurrence accrue des groupes chinois. À titre d'exemple, les français Forvia, Valeo et Opmobility (ex-Plastic Omnium) abandonnent respectivement 60%, 36,4% et 18,5% sur l'ensemble de 2024.
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Une "tempête presque parfaite"
Malheureusement, l'année 2025 ne s'annonce pas franchement meilleure. UBS a expliqué, dans une récente note, que le secteur faisait face à "une tempête presque parfaite".
"La pression sur les prix, les pertes de parts de marché en Chine, le durcissement de la réglementation sur les émissions de Co2, le risque de tarifs douaniers (de l'administration Trump, NDLR) et la persistance d'une demande morose (la production 2025 hors constructeurs chinois est estimée à -1% en glissement annuel) devraient encore faire baisser les bénéfices du secteur, malgré l'intensification des efforts de restructuration", détaille la banque.
"L'année 2024 a été difficile pour la plupart des groupes, avec une série d'avertissements et de faibles performances du cours des actions", abonde Bank of America. "Le premier trimestre 2025 risque d'être difficile lui aussi, en raison du programme de Trump en matière de commerce et de droits de douane, de la faiblesse (attendue, NDLR) des objectifs pour l'exercice 2025 et des grèves en Allemagne", prévient-elle.
Trump, le Co2 et Tesla
Comme d'accoutumée, la banque américaine a listé cinq thèmes à surveiller l'an prochain, notamment les lancements de véhicules, des nouveautés étant nécessaires pour se démarquer dans un marché européen où la croissance des ventes restera limitée (+2,4% selon Bank of America).
L'établissement met également en avant un enjeu crucial pour les constructeurs mais aussi pour les équipementiers (en raison du potentiel impact sur la production et les coûts): les émissions de CO2. Un net tour de vis va s'opérer en 2025 avec le durcissement de la régulation européenne dite "CAFE" ("corporate average fuel economy"). Bank of America pense que les constructeurs parviendront à respecter les nouveaux seuils maximums d'émissions et donc à éviter le paiement d'amendes. Mais pour cela, ils devront augmenter les ventes de véhicules électriques et passer des surcoûts. Ce qui aura des impacts sur leurs marges brutes allant de 0,1 (BMW) à 1,3 point (Renault).
Parmi les autres défis, Bank of America pointe également la probable mise en place de tarifs douaniers par l'administration Trump, qui pourraient atteindre 10% à 20% sur les importations de véhicules européens, mais aussi une offensive de la part des Tesla et des constructeurs chinois, qui augmenteraient encore leurs gains de parts de marché face aux groupes traditionnels.
Dans ce contexte compliqué, la banque américaine a établi ses cinq plus grandes "convictions", avec quatre actions qu'elle conseille d'acheter et une qu'elle recommande de vendre.
Continental et Pirelli du côté des pneus
Du côté de ses actions à privilégier, l'établissement cite l'équipementier allemand Continental, emballé par son projet de scission en deux entreprises distinctes. Le groupe cotera à part ses activités "automobiles" (systèmes de sécurité, freins, châssis, systèmes d'assistance à la conduite) et se recentrera ainsi sur les pneus. Cette opération doit être réalisée d'ici à la fin de 2025.
Bank of America estime que cette scission "pourrait conduire à la suppression de la décote de conglomérat actuelle (dont souffre l'action, NDLR), ce qui pourrait transformer Continental en une entreprise purement spécialisée dans les pneus avec une marge opérationnelle de 12%,13%, similaire à celle de Michelin", apprécie Bank of America.
Du côté des pneus encore, Pirelli a également les faveurs de la banque. Le groupe italien a surperformé ses concurrents que ce soit en termes de volumes que de prix en 2024, et l'établissement s'attend à ce cette tendance se poursuive en 2025. Il table sur une hausse de 7% de son résultat opérationnel après une hausse d'environ 5% en 2024.
La banque pense également que la société devrait se rapprocher de sa cible de taux de distribution de son dividende de 50%, ce qui permettrait une croissance de son coupon de plus de 20% en 2025. Elle estime, par ailleurs, que la sortie de son plus important actionnaire, le conglomérat chinois Sinochem (36% du capital) pourrait constituer un catalyseur en augmentant le flottant de la société. Le gouvernement italien a adopté un décret en juin 2023 pour limiter l'emprise du groupe chinois sur Pirelli et une enquête a été ouverte en octobre sur une potentielle violation de ce décret. "Ce qui suggère qu'une sortie (du capital, NDLR) pourrait arriver en 2025", juge Bank of America.
Bank of America privilégie aussi l'équipementier français Valeo, sur lequel elle est récemment passée à l'achat. L'établissement estime que le résultat opérationnel pourrait progresser de plus de 25% en 2025, porté par des économies liées à la restructuration de la société, une baisse des dépenses de R&D, et des prix plus bas sur les semi-conducteurs.
Stellantis peut renaître de ses cendres
Chez les constructeurs, Bank of America a choisi de mettre en avant…Stellantis. Le groupe connaît une année 2024 affreuse qui s'est traduite par des difficultés sur ses stocks américains, le plongeon de ses volumes, un avertissement sur résultats, le départ du directeur général, Carlos Tavares début décembre, et une chute du cours de 41,5%.
"Cependant, nous pensons que niveaux de stocks excessifs (aux États-Unis, NDLR) sont en train de disparaître et que 2025 devrait bénéficier du lancement d'environ 20 nouveaux modèles. Nous considérons également que Stellantis est la société la mieux placée pour faire face aux incertitudes liées aux réglementations en matière d'émissions de CO2 et à la transition vers le véhicule électrique, grâce à sa stratégie d'adoption de plateformes multi-énergies pour sa prochaine génération de modèles", développe Bank of America.
De plus, Stellantis bénéficiera de son exposition à l'Amérique du Nord (environ 50% des revenus), région sur laquelle la banque est plus optimiste sur la croissance du marché que pour l'Europe. L'établissement est également confiant dans la capacité du président du conseil d'administration, John Elkann, à nommer un successeur à Carlos Tavares "qui rassurera les investisseurs sur la voie à suivre".
Dernière conviction: vendre l'action Mercedes-Benz. Plus exactement, l'établissement est à "sous-performance" sur le titre. L'établissement redoute que le constructeur allemand fasse face à "une année de transition", avec une concurrence accrue de la part d'Audi, un manque de nouveau modèles et des potentielles difficultés à tenir son objectif d'émissions de CO2.
À noter que du côté d'UBS, la banque suisse est à l'achat sur BMW, les équipementiers Autoliv et Continental ainsi que sur... Stellantis. L'établissement juge que le groupe franco-italo-américain peut offrir "la meilleure histoire de redressement en 2025", grâce à sa bonne dynamique de produits et à la correction des erreurs effectuées en 2023 et au début de 2024.