(BFM Bourse) - Forts de parcours boursiers exceptionnels en 2020, Sartorius Stedim Biotech, bioMérieux et Eurofins Scientific voient leur valorisation boursière atteindre des sommets, au point de prétendre à une inclusion dans l'indice phare. Le fait que trois valeurs étiquetées "santé" signent 3 des 7 meilleures performances boursières du SBF depuis le 1er janvier en dit long sur 2020. Zoom sur trois groupes relativement méconnus du grand public.
Seules 27 valeurs du SBF 120 affichent un parcours positif depuis le 1er janvier. Parmi les meilleures progressions, le compartiment de la santé se taille une place de choix avec Sartorius Stedim Biotech (1er, +99,5% depuis le 1er janvier), bioMérieux (2e, +76%) ou Eurofins Scientific (8e, +35%). Relativement méconnus, ces trois groupes sont tout sauf des "smallcaps" avec une valorisation boursière combinée supérieure à 56 milliards d'euros. À lui seul, l'équipementier de l'industrie biopharmaceutique Sartorius pèse désormais plus de 27 milliards d'euros, ce qui en fait la 21e entreprise tricolore en termes de capitalisation. BioMérieux (29e, 16,55 milliards) et Eurofins Scientific (35e, 12,66 milliards) ont également profité de la crise sanitaire pour intégrer le top 40 des plus grandes capitalisations françaises. De quoi prétendre intégrer prochainement le CAC? Pas impossible. Éclairage sur un phénomène qui en dit long sur 2020.
Pour le stratégiste actions Nicolas Chéron, "bioMérieux et Sartorius ont attiré l’attention des opérateurs en étant parmi les premiers titres à inscrire des plus hauts historiques post-Covid" et "ces valeurs solides sont depuis activement recherchées par les opérateurs" observe-t-il. Il ose ensuite une comparaison avec les géants technologiques américains, sur un nuage boursier depuis leur creux de mi-mars: "De la même manière que la crise a soutenu les GAFA aux USA, elle semble porter les plus belles valeurs "pharma" en Europe. Les opérateurs cherchent des dossiers solides, mais également des entreprises qui pourraient tirer leur épingle du jeu ou du moins peu souffrir en cas de nouvelle crise sanitaire" estime le stratège, qui note que "cette tendance se retrouve également sur d’autres gros dossiers comme Eurofins, mais aussi sur des dossiers plus petits comme Pharmagest ou Pharmasimple".
Sartorius Stedim Biotech
Meilleure performance -et de loin- du SBF 120 depuis le début de l'année (le titre a franchi le seuil des 100% de hausse mardi matin avant de revenir dans le rouge, ce qui "limite" sa performance à +98% depuis le 1er janvier), l'équipementier de l'industrie biopharmaceutique vole de record en record. Nous avions déjà évoqué le rallye boursier de la société aubagnaise qui venait alors de franchir le seuil des 20 milliards d'euros de valorisation boursière sur fond de relèvement d'objectifs annuels (tant en matière de revenus que de rentabilité) dans un environnement porteur pour ce spécialiste de la santé. Sartorius Stedim Biotech a d'ailleurs de nouveau relevé sa "guidance" annuelle mi-juillet dernier, une semaine avant son point d'activité semestriel.
Le groupe fournit en effet aux fabricants de médicaments biotechnologiques un ensemble d'outils et de matériels qui sont souvent à usage unique et répondent à un cahier des charges réglementaire strict, synonyme de forte récurrence et d'importantes barrières à l'entrée. "Nous avons enregistré une forte croissance dans toutes les catégories de produits et toutes les régions. La demande accrue, notamment dans le domaine des médicaments et vaccins contre le Covid-19, a dépassé nos prévisions" s'est réjoui le PDG du groupe Joachim Kreuzburg à l'occasion de la publication de résultats semestriels. "En dépit des restrictions actuelles, l’intégration des parts acquises du portefeuille de sciences de la vie de Danaher (acquis en 2019 pour 750 millions d'euros, NDLR) progresse bien. Aussi entamons-nous le second semestre de l’année pleinement confiants malgré les incertitudes et les défis considérables qui subsistent face à la pandémie" ajoutait-il alors.
Né de la fusion, en 2007, de la division biotechnologie de l'allemand Sartorius AG avec le fournisseur biotechnologique français Stedim, le groupe basé à Aubagne pèse désormais plus (27 milliards d'euros) que le fournisseur international d'équipements pharmaceutiques et de laboratoire (23,6 millions) dont il est issu - et avec qui il partage, outre le nom, le même PDG.
bioMérieux
Le géant français du diagnostic in vitro signe la deuxième meilleure performance du SBF 120 depuis le 1er janvier, avec un bond de 76,4% qui porte sa valorisation à 16,57 milliards d'euros, soit plus que des groupes du CAC comme Société Générale, Peugeot ou Bouygues entre autres. Si bioMérieux a subi quelques prises de bénéfices dans le sillage de résultats trimestriels faisant état d'une nette accélération par rapport à l'exercice précédent, les revenus du groupe lyonnais ayant cru de 15,7% à 1,47 milliards, contre une croissance de 5,5% sur les six premiers mois 2019. BioMérieux a notamment profité d'une forte demande pour ses tests de dépistage du Covid-19 et de ses autres gammes de biologie moléculaire également liées à la pandémie.
"bioMérieux est clairement l'une des rares valeurs françaises à être positivement répondeuse à la thématique Covid et à la généralisation des tests", constatait l'analyste d'Oddo BHF après cette publication, qualifiant le titre du groupe lyonnais de "valeur seconde vague". Il jugeait alors "les multiples de valorisation élevés, en absolu ou en relatif" mais "à peu près en ligne avec ses comparables internationaux, quoi qu'encore décoté par rapport à l'italien DiaSorin".
Eurofins Scientific
Dernier groupe labellisé "santé" à avoir une chance d'intégrer le prestigieux indice phare lors de la prochaine révision d'Euronext, Eurofins Scientific réalise également un parcours boursier exceptionnel en 2020 (+37,8%, 7e meilleure performance du SBF 120). Mieux, depuis son creux annuel touché le 12 mars dernier à 393 euros, le titre s'offre un rebond de 74%, notamment grâce à la flambée enregistrée le 6 août (+17,8%) dans le sillage de résultats semestriels nettement supérieurs aux attentes du marché. Avec une capitalisation boursière qui atteint 12,9 milliards d'euros, le spécialiste français de l'analyse des produits pharmaceutiques, alimentaires et environnementaux vaut plus que des pensionnaires de l'indice phare comme Carrefour, Renault, Publicis ou Accor, des valeurs lourdement sanctionnées depuis le début de l'année.
"Si la pandémie n'avait pas eu lieu, les résultats du premier semestre d'Eurofins auraient bien sûr été meilleurs. Cependant, le talent, l'énergie, la rapidité d'action et l'engagement des équipes d'Eurofins ont permis d'atténuer significativement l'impact financier de cette crise" soulignait le PDG Gilles Martin. Le groupe nantais est de fait parvenu à dégager une croissance organique de ses revenus de 5% sur les six premiers mois de l'année, en ligne avec sa prévision annuelle maintenue par la direction, ce qui permettrait aux revenus annuels du groupe de franchir les 5 milliards d'euros. Eurofins pense également atteindre dès cette année (et non 2021) son objectif de ramener son levier d'endettement à environ 2,5 fois l'Ebitda, niveau déjà presque atteint au 30 juin. Le groupe est la 2e valorisation du Next 20 -souvent considéré comme l'antichambre du CAC 40, derrière EDF (détenu à 83,6% par l'État) mais devant Alstom.
Le coronavirus, un "game-changer"
Gérant senior et responsable de l’allocation d’actifs chez WeSave, Vincent Lequertier "craint que le retour en force de la "pharma" soit éphémère et qu'on achète un peu les hauts de valorisations sur ces titres". "Il est fréquent que, du fait de certains effets de mode, les titres entrent dans les grands indices au plus haut et que, derrière, ils ont une phase de consolidation prolongée" ajoute-t-il. Avant de nuancer: "Je pense que durant plusieurs années, les gouvernements ne pourront pas faire autrement que de financer significativement le secteur pharmaceutique". À cet égard, le coronavirus apparaît comme un "game-changer". "Il est clair qu’il est très important de tester plutôt que de soigner car c’est beaucoup plus économique, ce qui signifie que certains des titres mentionnés sont effectivement intéressants" conclut-il.
Pour expliquer la flambée des titres en question, un analyste qui suit le secteur explique qu'il "faut juste considérer que ces valeurs font partie des rares qui vont bénéficier à court terme des circonstances actuelles, que leurs prévisions 2020 seront peut être supérieures à ce qui était prévu en début d’année, que les flux se concentrent (un peu par sécurité) sur ces valeurs (comme sur le "green" en début d’année), que leur poids dans les indices montent et que le marché exagèrent toujours (un peu) les thématiques boursières". L'expert observe néanmoins que comme "la thématique Covid semble devoir durer aux yeux du marché, le "soufflet ne retombe pas, même si les valorisations sont devenues très très élevées.