(BFM Bourse) - Alors que le premier semestre s'est achevé lundi, BFM Bourse fait le point sur les gagnants et les perdants du deuxième grand indice de la Bourse de Paris. Les exploitants de maisons de retraite et la défense occupent le haut du pavé, tandis que Worldline, Soitec ferment la marche.
La Bourse de Paris signe une première partie d'année mitigée voire décevante. Certes, le CAC 40 et le SBF 120, les deux plus grands indices de la place, évoluent en hausse, prenant respectivement 3,9% et 4,2% au premier semestre 2025.
Mais ces performances restent bien inférieures à celles des autres marchés européens, le FTSE Mib de Milan gagnant 16,4% tandis que le DAX 40 - qui certes suppose que les dividendes sont réinvestis - s'adjuge 20%. Même Wall Street, qui souffre depuis le début de l'année, est repassée devant la Bourse de Paris, à la faveur d'un bon mois de juin. Le S&P 500 et le Nasdaq Composite ont pris environ 5% au premier semestre.
Le marché parisien pâtit notamment de sa forte exposition aux valeurs du luxe, un secteur en berne sur le plan boursier (nous y reviendrons plus bas), et plus largement aux groupes exportateurs, forcément malmenés par les incertitudes sur les droits de douane américains.
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La Bourse tricolore semble aussi avoir souffert d'une incertitude politique certes moins forte qu'à l'été 2024 mais toujours prégnante. "Contrairement à l'amélioration du sentiment en Allemagne, les investisseurs sont de nouveau plus nerveux à l'égard de la France", a souligné Barclays dans une récente note.
La banque britannique estime que l'échec des négociations entre les partenaires sociaux sur les contours de la réforme des retraites, avec à la clef une motion de censure de l'exécutif qui a échoué mardi, a remis en évidence la fragilité du gouvernement français.
"Bien que nous ne nous attendions pas à une répétition du stress de l'été dernier, car il est peu probable que le président Macron convoque de nouvelles élections anticipées même si le gouvernement s'effondre (il peut simplement nommer un nouveau Premier ministre), nous pensons que la faiblesse de la macroéconomie, comme en témoignent les mauvais indices PMI de juin, et les négociations budgétaires potentiellement délicates, peuvent justifier une prime de risque plus élevée sur les marchés français", développe Barclays.
Clariane en tête du SBF 120
Au-delà de ce constat global terne, quelles grandes actions de la Bourse de Paris progressent le plus depuis le début de l'année ? A contrario, lesquelles accusent les plus forts replis ?
BFM Bourse a fait le point dans l'infographie ci-dessous qui répertorie les dix plus fortes hausses et les dix plus fortes baisses du SBF 120 à la clôture du 4 juillet.
Du côté des plus fortes progressions, trois secteurs se démarquent particulièrement: les exploitants de maisons de retraite, les opérateurs européens de satellites, et la défense.
Le groupe de maisons de retraite Clariane (ex-Korian) signe ainsi la plus forte progression depuis le début de l'année, avec un bond de 156,7%, tandis que l'ex-Orpea Emeis échoue au pied du podium avec une hausse de 94,36%.
Précisons d'emblée que ces progressions doivent être nuancées. Les deux actions perdent encore gros sur le moyen terme, avec une chute de 45% pour Clariane sur trois ans et un plongeon de 99,9% pour Emeis. Les deux titres sont tombés dans les abysses boursiers en menant des recapitalisations financières très dilutives pour leurs actionnaires, surtout Emeis.
Ces deux titres restent par ailleurs très volatiles en raison de leurs bilans financiers assez tendus, leur fonds propres étant plus deux fois inférieurs à leurs dettes nettes.
Clariane a toutefois rassuré le marché, récemment, en bouclant son programme de cessions d'actifs d'un milliard d'euros. Ce via la cession de son réseau de services à domicile "Petit-fils" à Crédit Agricole Assurances, filiale du Crédit Agricole (par ailleurs actionnaire de Clariane) pour 345 millions d'euros, prix jugé généreux par les analystes.
Emeis, pour sa part, a surtout repris de l'allant au début de l'année, jusqu'à la mi-mars. En février, Alphavalue notait que son programme de cessions d'actifs était sur les rails et soulignait des améliorations sur l'opérationnel. Mais le bureau d'études indépendant prévenait que la reprise en France demeurait "incomplète".
La défense en force
La défense est bien représentée parmi les plus fortes hausses du SBF120 sur la première partie d'année. Exosens, groupe d'imagerie et d'optronique, notamment militaire, occupe la troisième place, avec un bond de 97,63%. Deuxième plus forte hausse du CAC 40 derrière Société Générale, Thales figure à la sixième place sur le SBF 120, avec une hausse de 76,42%, tandis que Dassault Aviation intègre de justesse ce top 10 (+50,20%).
Rappelons que l'ensemble des actions du secteur de la défense européenne ont le vent en poupe cette année, l’allemand Rheinmetall, qui fournit notamment des blindés, prend 190,56% à Francfort, tandis que l'italien Leonardo (ex-Finmeccanica) s'adjuge 76% à Milan.
Ce secteur a été propulsé par les multiples annonces de hausses des budgets militaires en Europe. Sous la pression des États-Unis, qui sont désormais bien moins enclins à assurer la sécurité du Vieux Contient, l'Europe a décidé de se réarmer. L'Allemagne a par exemple annoncé des centaines de milliards d'euros d'investissement dans la défense.
La semaine dernière, les pays membres de l'Otan se sont engagés à investir 5% par an de leur PIB dans les dépenses de défense d'ici à 2035, contre une précédente cible de 2%.
"Nous estimons que cet objectif de 5% d'ici à 2035 pourrait représenter une augmentation annuelle d'environ 2.000 milliards de dollars des dépenses de défense de l'Otan, soit un taux de croissance annuel moyen d'environ 8% entre 2024 et 2035", calculait Royal Bank of Canada.
Les opérateurs de satellites SES (+104,4%) et Eutelsat (+51,68%) occupent la deuxième et la neuvième place du top 10. Ces actions ont été portées par des espoirs de gains de contrats pour contourner le système américain Starlink d'Elon Musk.
"Eutelsat (avec ses homologues européens) pourrait fournir une connectivité satellitaire supplémentaire en Ukraine et constituer une alternative crédible à Starlink", remarquait début mars Deutsche Bank.
"Les tensions géopolitiques actuelles ont créé une brèche pour que la constellation OneWeb d'Eutelsat soit fortement utilisée pour les services de communication de défense, et les gouvernements européens ont mis davantage l'accent sur ce sujet", notait de son côté Alphavalue.
En juin, Eutelsat a remporté un contrat d'un montant maximum de 1 milliard d'euros sur 10 ans avec le ministère de la Défense.
Le groupe français va fournir à l'armée française des ressources spatiales à accès prioritaire, sur sa constellation OneWeb. L'entreprise a aussi lancé récemment une importante recapitalisation qui s'est traduite par des débouclages de positions de ventes à découvert, portant ainsi l'action.
Mentionnons au passage Société Générale (cinquième) qui s'adjuge 78,76% grâce à un enchaînement de bonnes publications depuis le troisième trimestre 2024. Les analystes perçoivent encore des catalyseurs pour la banque de La Défense, Jefferies ayant récemment consacré une analyse détaillée à sa banque en ligne Boursobank dont les résultats pourraient surprendre le marché.
Worldline et Soitec dans les abysses boursiers
Du côté des baisses, le bonnet d'âne revient à Worldline (-55,31%). Le spécialiste des paiements a publié des résultats annuels décevants en début d'année. Surtout, le groupe a vu son titre chuter de 38% sur une seule séance, le 25 juin dernier.
La société avait alors été épinglée par une série d'articles écrits par plusieurs médias européens rapportant que l'entreprise avait sciemment fermé les yeux sur les pratiques de clients à risque, c'est-à-dire liés, par exemple, à l'industrie des jeux d'argent ou de la pornographie.
Pour l'essentiel, ces faits sont antérieurs à l'année 2023, lorsque le groupe a décidé de réduire très fortement son exposition à ce type de clientèle, qui ne représente désormais qu'1,5% de ses volumes. Mais cette polémique plombe la visibilité sur le titre et une enquête a été ouverte sur sa filiale belge. "Nous voyons l'impact le plus important sur le sentiment (du marché, NDLR), étant donné que l'on ne sait pas encore dans quelle mesure les processus et les contrôles internes doivent être revus", exposait Jefferies, la semaine dernière. Plusieurs analystes ont évoqué un risque réputationnel pour l'entreprise.
Soitec décroche de 45,44%. Le spécialiste des matériaux pour les semi-conducteurs a enchaîné les déceptions, abaissant tout d'abord ses objectifs pour son exercice clos en mars 2025, en février, avant, quelques mois plus tard, de retirer ses cibles pour l'exercice suivant ainsi qu'à moyen terme.
"Il est difficile d’être surpris au regard du contexte d’incertitudes actuelles (notamment pour les marchés finaux des smartphones et de l’automobile), de l’historique de profit warning (les avertissements sur résultats lancés à de nombreuses reprises par la société, NDLR)" et "du changement de directeur financier", notait alors Oddo BHF.
Sodexo (-34,13%) a de son côté émis un lourd avertissement sur résultats, fin mars. La société a pâti de décalages de contrats dans le segment santé en Amérique du Nord et de la faiblesse des volumes dans le segment "éducation".
L'action du groupe de restauration collective a dévissé de 17% sur une seule séance et le titre a d'ailleurs chuté encore de 6% début avril lorsque l'entreprise a dévoilé ses comptes annuels détaillés. Le flux de trésorerie s'était alors avéré "déprimé", pour reprendre les mots de Royal Bank of Canada.
Stellantis souffre encore en 2025, avec une chute de 32,17% de son action, la quatrième plus forte du SBF 120. Plombé par des stocks élevés aux États-Unis que le groupe a réduit dans la douleur sur la fin de l'année dernière, Stellantis a perdu des parts de marché ces derniers trimestres et a connu des lancements de nouveaux produits qualifiés de "difficiles" par Oddo BHF. Au premier trimestre, le chiffre d'affaires a encore chuté de 14% et les volumes de 9%. En sus, la société est très exposée aux droits de douane américains.
Le luxe dans le dur
Le groupe a néanmoins nommé un nouveau directeur général fin mai, à savoir Antonio Filosa, un vétéran de la société. Jefferies est récemment repassé à l'achat sur le titre, jugeant que Stellantis a posé les premiers jalons pour rebondir, en réalignant ses prix sur ceux de la concurrence et en réduisant ses stocks. "Stellantis commence à combler les lacunes de son portefeuille en Amérique du Nord, en commençant par le Cherokee (un modèle de Jeep, NDLR) au troisième trimestre, qui sera suivi du Compass et d'un pick-up de taille moyenne, probablement en 2026", explique également la banque.
Ubisoft (-30,69%) complète "le flop 5". L'éditeur de jeux vidéo a manqué de peu son objectif de revenus sur son exercice 2024-2025, clos en mars dernier. Le groupe a surtout livré des perspectives pour l'exercice en cours qui avaient glacé la Bourse, la société ayant décidé de se donner davantage de temps pour développer ses prochains gros titres. Oddo BHF avait évoqué "une année de transition" avec des "risques opérationnels".
Nexity (-25,04%) continue de souffrir d'une activité commerciale compliquée. Les réservations de logements ont encore chuté de 28% au premier trimestre, même si le promoteur immobilier souligne que cette tendance ne sera pas représentative de l'ensemble de l'exercice. Le groupe table sur un retour à un résultat opérationnel courant positif cette année. Mais TP ICAP Midcap est moins optimiste, tablant sur une remontée plus lente des résultats en "raison d'hypothèses plus prudentes sur l'évolution de l'activité commerciale".
À noter que le luxe, compartiment phare de la Bourse de Paris, souffre. LVMH accuse le septième plus fort repli du SBF 120 (-24,89%) tandis que Kering ferme la marche de ce "flop 10" (-16,84%).
LVMH a déçu lorsqu'il a livré son activité du premier trimestre, pénalisé par le sévère coup de frein que connaît le marché du luxe depuis maintenant plusieurs mois. Le groupe a accusé un repli de ses ventes de 3% en données comparables au premier trimestre quand les analystes espéraient une croissance de 1%, selon Stifel. Un tel écart s'avère rarissime chez le numéro un du luxe.
Kering, qui peine à redresser sa marque phare Gucci et qui a décidé de débaucher Luca de Meo, futur ex-directeur général de Renault, pour se relancer, voit encore ses revenus fondre (-14% au premier trimestre).
L'inquiétude a grandi du côté du marché et des analystes pour le deuxième trimestre, sur le luxe. UBS évoque une saison des résultats qui ne "sera pas inspirante" pour ce secteur, même si cela est désormais bien compris par les investisseurs.
LVMH et Kering ont toutefois retrouvé des couleurs cette semaine, aidés notamment par des indicateurs économiques encourageants en Chine.
Goldman Sachs invite à se projeter au-delà du deuxième trimestre. La banque américaine a confirmé mardi son opinion à l'achat sur le titre LVMH et a ajouté la valeur à la liste de ses convictions les plus fortes en Europe. La banque voit un fort potentiel de hausse sur le titre, arguant que les pressions qu'il subit sont cycliques et non pas structurelles. L'établissement perçoit par ailleurs des catalyseurs pour l'action, comme un nouvel élan artistique chez Dior ainsi que le lancement de la gamme beauté chez Louis Vuitton, prévu à l'automne.