(BFM Bourse) - L'opérateur de satellites a annoncé jeudi soir une augmentation de capital d'un montant total d'1,35 milliard d'euros. Malgré l'important afflux de titres qui seront émis, l'action monte. Selon un intermédiaire financier, des vendeurs à découvert peuvent déboucler leurs positions.

Le marché peut parfois s'avérer (très) paradoxal. L'opérateur de satellites Eutelsat a annoncé, jeudi soir, après la clôture du marché, une importante recapitalisation, avec un projet d'augmentation de capital en deux temps d'un montant d'1,35 milliard d'euros.

Cette somme correspond à la capitalisation boursière (la valeur totale de ses actions) de la société à la clôture de jeudi.

L'augmentation de capital se traduira en conséquence par un afflux important de titres qui devrait créer une importante dilution pour les actionnaires minoritaires qui ne participeraient pas à l'augmentation de capital.

La plupart du temps dans ce type de situation, l'action se retrouve sous pression à la Bourse de Paris. Ce n'est pas le cas ce vendredi. Le titre Eutelsat s'envole de 31,5% en milieu d'après-midi.

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Un montant assez limité à chercher sur le marché

Rappelons que l'augmentation de capital prévue par Eutelsat s'articule en deux étapes. Le groupe va mener une augmentation de capital réservée de 716 millions d'euros qui sera souscrite par l'État français via l'Agence des participations de l'État (APE), Bharti Space Limited, filiale du conglomérat indien Bharti, le groupe de transport maritime CMA CGM (propriétaire de BFM et RMC) et le Fonds stratégique de participation (FSP), qui rassemble de grands assureurs français.

Cette première augmentation de capital réservée serait souscrite par l’État français via l’APE pour 526,4 millions d’euros, Bharti Space Limited pour 31,4 millions d’euros, CMA CGM pour 100,4 millions d’euros et le FSP pour 57,8 millions d’euros.

Cette première opération doit être effectuée au prix de 4 euros par titre, traduisant une prime de 40% par rapport au cours de clôture de jeudi soir.

Eutelsat lancera ensuite une seconde augmentation de capital plus large de 634 millions d'euros. L'APE, Bharti, CMA CGM et le FSP y participeront à la hauteur de leurs participations respectives qui résulteront de la première augmentation de capital.

In fine, l'opération est structurée de telle manière que le montant à chercher sur le marché s'avère en réalité assez limité. "Ce qui se passe c'est que le montant à aller chercher du côté du marché n'est qu'à peu près de 250 millions d'euros. Or il y avait encore pas mal de 'shorts' (des vendeurs à découvert, qui vendent l'action sans la posséder, en l'empruntant, NDLR) sur le titre. Au vu de l'annonce, ils ont pu considérer qu'il était temps de déboucler leurs positions et donc de racheter l'action. Cela peut être un facteur d'explication de la hausse", explique un intermédiaire financier.

Le poids des particuliers

Les vendeurs à découvert prennent position sur un titre lorsqu'ils sentent que des évènements négatifs peuvent survenir sur une action. Une augmentation de capital de la part d'Eutelsat était pressentie depuis plusieurs semaines par le marché, dans la mesure où Eutelsat fait face à d'importants investissements tout en brûlant du cash, en raison des pertes de sa constellation de satellites à basse orbite terrestre OneWeb.

Maintenant que l'annonce est tombée et qu'elle est moins "mauvaise" qu'attendue, les vendeurs à découvert ne perçoivent plus d'évènement négatif à venir et solde donc leurs positions. Ce qui se traduit par des achats d'actions.

L'intermédiaire financier précédemment cité estime également que le titre peut être soutenu par des achats d'investisseurs particuliers, qui se sont beaucoup intéressés à l'action, cette année. "Les particuliers sont très actifs et ils voient les choses sous un certain angle, achetant la valeur parce qu'elle rentre dans la thématique de la défense (avec la connectivité permise par les satellites, NDLR) et qu'ils attendent des contrats. Ils regardent moins les comptes, les résultats financiers", explique-t-il.

"Je pense toutefois que vu le nombre d'actions à émettre, la logique de l'augmentation de capital finira par prévaloir", ajoute cet intermédiaire financier.

Eutelsat a fait partie de ces actions (avec les allemands Renk et Hensoldt) qui ont été parfois qualifiées d'équivalent européens des "meme stock", ces titres sur lesquels les particuliers américains se sont ligués sur des forums boursiers pour faire monter leurs cours, comme Gamestop.

Les petits porteur avaient conduit le titre Eutelsat à connaître une hausse invraisemblable. Au plus fort de son aberrant rallye, en mars, le titre affichait une progression de plus de 200% sur l'ensemble de 2025 avec trois séances consécutives de fortes hausses (+68% puis +77% et +119,8%). Avant de perdre par la suite le gros de cette hausse.

Méga-contrat

Outre les achats d'investisseurs particuliers, ce mouvement avait été alimenté par des spéculations liées aux tensions diplomatiques entre les États-Unis et l'Europe, et à la proximité d'Elon Musk avec le président américain, Donald Trump. Le marché a anticipé un surcroît de commandes pour les opérateurs européens de satellites pour contourner le système Starlink d'Elon Musk en Europe.

"Au cours des deux derniers jours, le cours de l'action Eutelsat est passé de 1,20 euro à 3,57 euros (+197 %), étant donné qu'Eutelsat (avec ses homologues européens) pourrait fournir une connectivité satellitaire supplémentaire en Ukraine et constituer une alternative crédible à Starlink", remarquait début mars Deutsche Bank.

"Les tensions géopolitiques actuelles ont créé une brèche pour que la constellation OneWeb d'Eutelsat soit fortement utilisée pour les services de communication de défense, et les gouvernements européens ont mis davantage l'accent sur ce sujet", remarquait de son côté Alphavalue.

Jeudi, Eutelsat a annoncé avoir signé un contrat d'un montant maximum d'1 milliard d'euros sur 10 ans avec le ministère de la Défense. Le groupe français va fournir à l'armée française des ressources spatiales à accès prioritaire, sur sa constellation OneWeb.