(BFM Bourse) - La banque est passée de "conserver" à "acheter" sur l'action ce mercredi 25 juin. Jefferies estime que le groupe a du champ pour se relancer en comblant les vides de son portefeuille produits et évoque la possibilité pour la société de repositionner voire supprimer des marques.
En un peu plus d'un an, Stellantis est passé du statut de superstar de l'automobile avec des marges insolentes à celui de grand homme malade du secteur.
Plombé par des stocks élevés aux États-Unis que le groupe a réduit dans la douleur sur la fin de l'année dernière, Stellantis a perdu des parts de marchés ces derniers trimestres et a connu des lancements de nouveaux produits qualifiés de "difficiles" par Oddo BHF.
Ce qui s'est logiquement traduit par un plongeon de ses revenus de 17% en 2024. Sa marge opérationnelle courante est elle passée de 12,8% en 2023 à 5,5% en 2024 et le constructeur issu de la fusion de Peugeot SA avec Fiat Chrysler était même en perte sur la seconde partie de 2024.
Toutes ces difficultés ont fini par rattraper Carlos Tavares, qui a démissionné de son poste de directeur général fin 2024. Après une vacance de six mois, son successeur, l'Italien Antonio Filosa, un vétéran de Fiat Chrysler qui a notamment dirigé les régions "Amériques" de Stelllantis, a été nommé fin mai.
Le nouveau pilote du groupe a d'ailleurs présenté lundi sa nouvelle équipe dirigeante, avec quelques changements par rapport à l'époque de Carlos Tavares.
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Un signal de confiance
La nouvelle équipe dirigeante a en tout cas fort à faire pour reconquérir un marché qui a pris Stellantis en grippe. D'autant qu'en sus de ses problèmes internes, le groupe automobile fait face à la menace des droits de douanes américains sur les importations de produits automobiles ainsi que sur l'acier et l'aluminium. Sur un an, l'action plonge de 55,6%. Le titre perd même 70% par rapport à ses plus hauts atteints en mars 2024.
Au vu de ce parcours boursier calamiteux, revenir sur l'action requiert de la hardiesse. C'est pourtant ce que recommande Jefferies, qui est passé de "conserver" à "acheter" sur le titre, ce mercredi 25 juin, avec un objectif de cours relevé à 11,5 euros contre 9 euros auparavant. Cette cible accorde un potentiel de 44% par rapport au cours de clôture de mardi.
Cet important signal de confiance propulse l'action Stellantis qui regagne 4,1% ce mercredi à la Bourse de Paris, signant la plus forte hausse du CAC 40.
Certes, les prochains jours seront encore difficiles pour le groupe aux 14 marques automobiles. "Le premier semestre 2025 semble marquer un point bas en termes de résultats et de flux de trésorerie, avec l'Amérique du Nord qui devrait être juste au-dessus du seuil de rentabilité, une marge pour les activités en Europe autour de 2%, et 1,4 milliard d'euros de cash brûlé" énumère Jefferies. L'établissement anticipe des revenus en baisse de 7,5% et une marge opérationnelle courante de 2,8%.
Pour autant, Jefferies considère que des premières données "encourageantes" suggèrent que la dynamique du groupe est sur le point de s'inverser. Même s'il faudra du temps à l'entreprise pour regagner les parts de marché perdues.
Depuis la fusion entre Fiat Chrysler et Peugeot SA, effective en janvier 2021, Stellantis a perdu entre cinq et six points de part de marché en Amérique du Nord. Ce qui s'explique par "des décisions en termes de produits trop souvent prises en fonction des coûts (élimination de la Jeep Cherokee), d'une différenciation insuffisante des marques (...) et d'une politique de prix excessive, faussée par l'expérience du Covid", pointe Jefferies.
La banque attribue ces décisions au fait que Carlos Tavares était intolérant aux pertes et obsédé par les coûts et avait moins "le sens du produit". Ce qui a rendu compliqué sinon impossible pour lui la bonne gestion et la bonne coordination de 14 marques dont beaucoup restent généralistes.
Un portefeuille de produits amélioré
Toutefois, Stellantis a commencé à soigner les "problèmes sur les produits qu'il s'est lui-même infligés", souligne Jefferies. Le groupe a réaligné ses prix, désormais en phase avec la concurrence alors que le groupe a, par le passé, pêché par excès d'orgueil sur le 'pricing power'.
"Le mix produit a été remis en ligne avec la demande du marché, notamment chez Ram avec le lancement de l'Express, un modèle d'entrée de gamme à un prix inférieur à 45.000 dollars pour remplacer le 'Classic', le lancement de l'offre de garantie à 10 ans et le retour des versions supérieures comme le Hemi en Amérique du Nord", explique Jefferies.
Pour la banque, Ram constitue le bon baromètre en termes de redressement des marques de Stellantis, car cette marque a perdu 10 points de part de marché sur son segment par rapport à la période avant Covid et a vu ses ventes reculer de 40% en volumes, contre un repli de 15% chez Ford et une hausse de 9% chez General Motors.
Par ailleurs, "Stellantis commence à combler les lacunes de son portefeuille en Amérique du Nord, en commençant par le Cherokee (un modèle de Jeep, NDLR) au troisième trimestre, qui sera suivi du Compass et d'un pick-up de taille moyenne, probablement en 2026", explique Jefferies.
"En Europe, le défi a consisté à produire et à livrer des modèles construits sur les nouvelles plateformes STLA, comme le Grande Panda de Fiat, dans des segments plus abordables. Les progrès réalisés se traduisent par des gains récents de parts de marché. Nous notons également le retour d'initiatives de produits telles que les GTi (des modèles sportifs, NDLR) chez Peugeot", observe également le bureau d'études.
Des marques menacées?
Jefferies estime au passage que Stellantis pourrait réexaminer la pertinence de ses 14 marques."Les chevauchements entre des marques comme Peugeot/Opel ou Fiat/Citroën semblent avoir limité la couverture du marché aux préférences nationales", pointe notamment la banque.
Pour autant, supprimer des marques n'est pas forcément la meilleure solution. "Mieux les définir et davantage les spécialiser pourrait créer davantage de valeur que de les éliminer et nous nous attendons à ce que Stellantis rationalise son offre sans y perdre en taille", fait valoir la banque. Certaines marques pourraient toutefois disparaître ou se concentrer sur un produit en raison d'éléments extérieurs qui réduiraient leurs débouchés à peau de chagrin, comme les droits de douane.
Jefferies note que Stellantis a identifié rapidement le risque de la concurrence chinoise en Europe. Son partenariat noué en 2024 avec Leapmotor pourrait en ce sens "lui procurer un avantage". Stellantis est chargé de la vente des véhicules du constructeur chinois dans grosso modo tous les pays du monde à l'exception de la Chine. Ce partenariat a "propulsé Stellantis vers le siège avant sur la compétitivité chinoise sans avoir une importante présence locale en Chine", observe Jefferies.
"La collaboration avec Leapmotor pourrait accélérer le développement des véhicules électriques à prolongateur d'autonomie en fonction de l'évolution de la réglementation en Europe et favoriser la conquête de parts de marché dans d'autres régions, notamment en Amérique latine", développe le bureau d'études.
La banque s'attend également à ce qu'Antonio Filosa prenne des décisions rapides. Jefferies considère que réduire les capacités industrielles de la société est certainement "inévitable" et estime que construire une plateforme technologique concurrentielle reste "un chantier en cours" chez Stellantis.
Selon Reuters, le directeur général a déclaré ce mercredi au personnel du groupe qu'il avait commencé à revoir le plan stratégique de long terme de la société, appelé "Dare Forward 2030".
Tout ceci a de quoi inciter à se positionner sur un groupe dont la valorisation est à la casse. À l'heure actuelle, le cours s'échange avec un multiple de quatre fois les bénéfices attendus en 2026 alors que la société jouit d'un bilan financier solide et que de nombreux changements sont attendus, pointe la banque.
Pour l'action, "les risques sont désormais haussiers sur un groupe qui, plus d'une fois, a défié l'adversité et a montré un sens de la valeur et une allocation de capital supérieurs à ceux du secteur", conclut Jefferies.
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