(BFM Bourse) - L'Italien de 51 ans a été nommé ce mercredi 28 mai à la tête du constructeur automobile dont l'action a été divisée par plus de deux en un an. Le temps dira si cet ex-protégé de Sergio Marchionne était l'homme de la situation. Mais les premières réactions d'analystes sont plutôt encourageantes.
Le long conclave de Stellantis a finalement abouti à une fumée blanche. Antonio Filosa, un Italien de 51 ans qui travaille depuis 26 ans chez le constructeur (il a rejoint Fiat en 1999), a été nommé directeur général du constructeur automobile né en 2021 de la fusion entre Fiat Chrysler et Peugeot SA.
Il succède ainsi à Carlos Tavares, qui avait démissionné de son poste il y a six mois, de manière fracassante. John Elkann, président du conseil d'administration de Stellantis et héritier de la famille Agnelli, qui possède 15,5% du capital de Stellantis,, s'était donné jusqu'à fin juin pour trouver un successeur à l'emblématique dirigeant portugais. Promesse tenue, donc.
Originaire de Naples, Antonio Filosa a occupé différents postes chez Stellantis, notamment celui de directeur général de la marque Jeep, directeur des opérations en Amérique latine, et, depuis fin 2024, directeur des Amériques (du Nord et du Sud, donc).
Est-ce la bonne pioche pour redresser Stellantis, groupe qui a vu son cours de Bourse fondre de 56% sur un an et sa marge opérationnelle courante passer de 12,8% en 2023 à 5,5% l'an passé?
Dans l'immédiat, l'action Stellantis ne réagit guère à la Bourse de Paris, reculant de 0,5% vers 16h, un mouvement anodin. Plusieurs articles de presse l'avaient désigné comme grand favori pour prendre le poste de directeur général. Il n'y a donc aucune surprise.
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Le choix de l'interne, au contraire de Ferrari
Le dirigeant devra évidemment apprivoiser un marché qui ne le connaît pas forcément très bien, les analystes étant davantage habitués à échanger avec les directeurs généraux et les directeurs financiers. "Pour l'heure, l'interaction de Monsieur Filosa avec la communauté financière a été limitée à la journée dédiée aux investisseurs (de Stellantis, NDLR) de l'an dernier", écrit UBS ce mercredi.
Bernstein estime que certains investisseurs peuvent être déçus par le fait que Stellantis a choisi un candidat interne plutôt qu'externe, pour tourner la page de l'ère Tavares. Des informations de presse avaient précédemment rapporté que la société songeait à choisir Luca Maestri, ex-directeur financier d'Apple, ce qui avait été toutefois démenti par le constructeur.
Le marché avait en tête l'exemple de Benedetto Vigna chez Ferrari. La famille Agnelli est également actionnaire de référence du constructeur italien via sa holding Exor. En 2021, Ferrari, sous l'impulsion de John Elkann, avait nommé ce dirigeant qui était alors étranger au monde de l'automobile, Benedetto Vigna occupant précédemment la tête d'une division du groupe de semi-conducteurs STMicroelectronics. Cette nomination surprenante avait été un succès, l'Italien ayant porté Ferrari à des sommets insoupçonnés.
Mais la donne est différente chez Stellantis. "Nommer un dirigeant extérieur aurait constitué un pari trop risqué au vu de la situation du groupe, Filosa, lui, a l'avantage d'avoir déjà les mains dans le cambouis. Avec un 'outsider il aurait fallu du temps pour constater l'ampleur des dégâts alors que lui est prêt tout de suite et sait quels sont les problèmes", explique un analyste du secteur.
Ce dernier juge plutôt positivement ses actions passées chez le groupe. "C'est un 'car guy' qui connaît bien le secteur qui a opéré un redressement en Amérique latine, une région très profitable (l'an dernier, l'Amérique du Sud a dégagé une marge opérationnel courant de 14,3% et était la région qui a le mieux résisté au sein de Stellantis, NDLR) et a bien développé la marque Jeep, peut-être la seule qui marche à peu près partout chez Stellantis. Certains voulaient peut-être un nom plus rutilant mais sa nomination est plutôt rassurante", poursuit cet analyste.
Un 'car guy' face à un chantier herculéen
"L'Amérique latine est restée une région à forte rentabilité pour Stellantis, malgré les difficultés rencontrées par le groupe en Amérique du Nord et en Europe. Cela a permis à Filosa de prendre un certain recul par rapport à la stratégie ratée" de Carlos Tavares, abonde Bernstein, dans une note publiée ce mercredi.
Remettre d'équerre le groupe italo-franco-américain n'aura évidemment rien d'une sinécure. Plombé par des stocks élevés aux États-Unis que le groupe a réduit dans la douleur sur la fin de l'année dernière, Stellantis a perdu des parts de marchés ces derniers trimestres et a connu des lancements de nouveaux produits qualifiés de "difficiles" par Oddo BHF. Ce qui s'est logiquement traduit par un plongeon de ses revenus de 17% l'an passé. Philippe Houchois, analyste chez Jefferies, faisait d'ailleurs valoir à John Elkann, au début de l'année, que les parts de marché de la société "étaient assez affreuses". Regagner des parts de marché constituait un enjeu "critique pour la confiance" des investisseurs, prévenait-il.
"Il va valoir délivrer, ce ne sera pas une balade de santé. Stellantis doit trouver le 'bon triangle' entre part de marché, prix et stocks, tout en redressant la situation en Amérique du Nord", tranche de son côté l'analyste anonyme précédemment cité.
Un des "kids" de Sergio Marchionne
À ces difficultés opérationnelles se superposent les incertitudes et les dégâts provoqués par les droits de douane américains, tant sur le Canada et le Mexique (les constructeurs américains vendent beaucoup de véhicules aux États-Unis produits dans ces deux pays et importent en plus des composants), que sur les importations d'automobile et de pièces. Stellantis a suspendu ses objectifs annuels le mois dernier en raison de ces surtaxes douanières.
La semaine dernière, Bernstein calculait un impact sur le résultat opérationnel d'1,8 milliard d'euros lié aux droits de douane pour la société, certes bien moindre que pour General Motors (7,3 milliards de dollars selon les calculs de l'intermédiaire financier).
Antonio Filosa a certains atouts pour relever les défis de la société. Les surtaxes douanières et les tensions géopolitiques nécessitent un directeur général qui connaît profondément Stellantis, note Bernstein. Ce qui est, donc, son cas.
"Antonio Filosa apporte également une connaissance approfondie du marché américain, ce que l'association des concessionnaires du groupe a toujours reproché à Carlos Tavares en ignorant leurs préoccupations légitimes", explique Bernstein. "Nous comprenons qu'Antonio Filosa passe déjà beaucoup de temps à rencontrer les concessionnaires pour rétablir la confiance avec eux alors qu'il reste encore beaucoup à faire", poursuit l'intermédiaire financier.
Oddo BHF notait d'ailleurs en décembre que Carlos Tavares avait eu une approche systématique conflictuelle avec "l'ensemble des parties prenantes (employés, syndicats, concessionnaires, équipementiers, investisseurs, gouvernements, etc…)" du groupe.
Autre élément en sa faveur: sa proximité avec Sergio Marchionne, l'emblématique ex-patron de Fiat Chrysler, mort en 2018, et qui était aimé des investisseurs. "Ça c'était un grand patron automobile!", louait, il y a quelques années, un vétéran du secteur auprès de BFM Bourse.
Or "dans les années 2010, Sergio Marchionne, le très apprécié directeur général de Fiat Chrysler, avait l'habitude de qualifier sa (jeune) équipe de direction de 'ses kids' et Antonio Filosa faisait partie de ce groupe de managers affamés et efficaces formés par Sergio Marchionne", rappelle Bernstein.
Au final, "Antonio Filosa est considéré comme une 'safe pair of hands' (une personne sûre, NDLR) et est suffisamment jeune à 51 ans pour avoir un impact de long terme sur le développement du groupe", conclut l'intermédiaire financier.
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