(BFM Bourse) - L'éditeur de jeux vidéo plonge une nouvelle fois en Bourse après avoir prévenu qu'il ne dégagerait probablement pas de croissance et brûlerait du cash sur l'exercice en cours. Ubisoft a décidé d'allonger le temps de développement de ses jeux, aidé par la future injection de cash de Tencent qui lui octroiera du temps.
Une "machine à baffes" en Bourse. Voilà comment un spécialiste de marché décrivait récemment Ubisoft auprès de BFM Bourse.
L'action a subi, ces dernières années, nombre de corrections boursières à la suite de reports de jeux et de plusieurs avertissements sur résultats.
En 2018, la valeur cotait au-dessus de 100 euros, la capitalisation boursière dépassait les 11 milliards d'euros et la question d'une intégration au CAC 40 se posait. Sept ans plus tard, le titre est tombé à moins de 10 euros, la capitalisation à 1,2 milliard d'euros. La publication de la société de mercredi soir n'arrange en rien les choses, pour manier l'art de la litote.
L'entreprise contrôlée par la famille Guillemot a publié ses résultats pour l'ensemble de l'exercice 2024-2025 clos en mars dernier et livré ses perspectives.
Le marché n'apprécie guère l'ensemble de ces annonces: l'action Ubisoft subit une nouvelle correction ce jeudi et s'effondre de 17,2% vers 11h50.
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Enfin du cash
Quelques points positifs sont à noter. La société a presque tenu ses objectifs de revenus et de résultat opérationnel non-IFRS. Les "net-bookings" – le chiffre d'affaires retraité de certains revenus différés – s'est établi à 1,85 milliard d'euros contre 1,9 milliard d'euros visé par la société. Le résultat opérationnel non-IFRS s'est inscrit à -15,1 millions alors qu'Ubisoft comptait parvenir à l'équilibre.
Ubisoft a bénéficié, en toute fin d'exercice, de la sortie du très attendu Assassin's Creed Shadows, un jeu d'aventure/exploration à l'esthétique léchée et se déroulant à l'époque du Japon féodal. Ce titre a reçu un accueil critique assez favorable et est disponible depuis le 20 mars, soit onze jours avant la clôture des comptes de la société. Si Ubisoft n'a pas fourni de chiffre de ventes, Deutsche Bank estimait que le jeu s'était vendu à trois millions d'exemplaires la semaine suivant sa sortie.
Les ventes d'Assassin's Creed Shadows ont permis à Ubisoft de dégager des "net bookings" record au quatrième trimestre, à 902,3 millions d'euros. "Le lancement réussi d’Assassin’s Creed Shadows en mars 2025 a permis de contenir les pertes opérationnelles", résume Oddo BHF. La société a, pour la première fois depuis trois exercices, dégagé un cash dans le vert, à hauteur de 127,7 millions d'euros. Le groupe espérait arriver à un chiffre positif, ce qui constituait peut-être son objectif le plus important.
Tous les objectifs déçoivent
Mais, en Bourse, le passé n'a souvent d'intérêt que s'il permet de se projeter sur l'avenir. Or, en sus de ces résultats, Ubisoft a livré des perspectives à des années-lumières des anticipations des analystes.
L'éditeur a indiqué tabler pour le trimestre en cours, sur des "net bookings" de 310 millions d'euros, soit 13% de moins que le consensus des analystes, note Deutsche Bank.
Surtout, pour l'ensemble de son exercice 2025-2026, la société anticipe des "net bookings" stables sur un an, un résultat opérationnel non-IFRS "proche de l'équilibre", et un flux de trésorerie négatif. Sur ce dernier point, la direction de la société a précisé aux analystes que cette consommation de cash dépasserait les 100 millions d'euros.
Deutsche Bank évoque des cibles "légères" dans la mesure où les analystes anticipaient une croissance des "nets bookings" de 13% pour l'exercice 2025-2026, un résultat opérationnel non-IFRS de 209 millions d'euros et un flux de trésorerie positif à hauteur de 154 millions d'euros.
Ubisoft a expliqué que l'expérience d'Assassin's Creed Shadows l'avait convaincu d'augmenter le temps de développement accordé à ses grosses productions.
Afin de ne pas reproduire l'erreur de "Star Wars Outlaws", un jeu sorti l'an passé et mal reçu, notamment en raison de problèmes de finitions, Assassin's Creed Shadows avait été repoussé deux fois.
La décision d'Ubisoft de donner davantage de temps pour produire les prochains jeux phares explique en partie sa prévision "faible" pour 2025-2026, car les très gros titres arriveront plus tard.
Pour l'exercice 2025-2026, le catalogue de lancement de nouveaux jeux s'avère ainsi assez pauvre, à l'heure actuelle. Ubisoft prévoit notamment de sortir "Anno 117: Pax Romana", un jeu de gestion à l'époque de l'antiquité romaine et un remake de "Prince of Persia: The Sands of Time", initialement sorti dans le milieu des années 2000.
"Les exercices 2026-27 et 2027-28 devraient afficher une croissance significative par rapport à 2025-26, grâce à du contenu significatif provenant des principales franchises du groupe", assure toutefois Ubisoft. La société précise par ailleurs tabler sur un retour à un résultat opérationnel et un flux de trésorerie positifs sur l'exercice 2026-2027.
Mais dans l'immédiat, Ubisoft s'oriente "vers une année de transition" avec "des risques opérationnels" lié à un changement d'organisation, pointe Oddo BHF.
Tencent offre du temps
Ubisoft va, en effet, changer de structure à la suite de l'annonce survenue en mars.
L'entreprise constituera une filiale regroupant ses trois franchises phares, à savoir Assassin's Creed, Far Cry et Tom Clancy's Rainbow Six. Cette filiale disposera de sa propre équipe de direction et intégrera des studios basés au Québec, à Barcelone et en Bulgarie. Tencent, mastodonte chinois du numérique et allié de la famille Guillemot, prendra 25% du capital de cette filiale en échange d'une injection de capital de 1,16 milliard d'euros.
Ubisoft a expliqué, mercredi soir, que cette manne lui permettrait de ramener sa dette nette à zéro et donc de desserrer l'étau financier. Deutsche Bank notait récemment que la société faisait face à 500 millions d'euros de dette parvenant à maturité en 2026.
"Il est clair que l'injection de 1,16 milliard d'euros de Tencent dans le groupe (pour acquérir une participation de 25 % dans la nouvelle filiale) a allégé la pression sur le bilan, ce qui a peut-être facilité la décision de retarder les jeux", explique la banque allemande, ce jeudi.
"Cependant, il est clair que des efforts supplémentaires doivent être faits pour réduire la faible rentabilité, notamment en ce qui concerne les effectifs. Ubisoft emploie 18.000 personnes, soit 2 à 3 fois plus que ses homologues américains, alors qu'elle ne génère qu'une fraction de leur chiffre d'affaires, ce qui met en évidence cette opportunité", poursuit Deutsche Bank.
"En attendant, les investisseurs ont peu de raisons de se réjouir en ce qui concerne le pipeline (le catalogue de sorties, NDLR) pour l'exercice clos en 2026, aucun jeu majeur n'ayant été annoncé. Enfin, un risque de baisse à surveiller sur 2026-28 est le lancement de GTA 6 de Take-Two, étant donné la capacité de ce jeu à évincer de manière significative les dépenses liées aux jeux", développe Deutsche Bank.
Autrement dit, le décalage de GTA 6 à mai 2026 risque de créer un attentisme de la part des joueurs pénalisant les autres sorties.
TP ICAP Midcap déplore de son côté "un nouveau coup de froid" de la part d'Ubisoft. Le bureau d'études a abaissé ce jeudi son conseil à "conserver" contre "acheter" précédemment.
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