(BFM Bourse) - Selon une étude de la lettre spécialisée Vernimmen, les pensionnaires de l'indice parisien ont reversé 98,2 milliards d'euros de liquidités à leurs porteurs l'an passé, un record depuis que la lettre réalise cette étude. Les rachats d'actions ont reculé à 25,5 milliards d'euros tandis que les dividendes ont progressé.
C'est un point qui est régulièrement scruté par les investisseurs et les dirigeants politiques: le retour à l'actionnaire. Ce terme regroupe les liquidités dont dispose une société et qu'elle choisit de rendre à ses porteurs, soit sous forme de dividendes, soit sous forme de rachats d'actions.
L'an passé, les pensionnaires du CAC 40 ont décidé de rendre davantage de cash à leurs actionnaires. Selon une étude réalisée par les auteurs de la lettre Vernimmen, Pascal Quiry et Yann Le Fur, professeurs à HEC, les groupes de l'indice parisien ont reversé 98,2 milliards d'euros à leurs porteurs sous formes de rachats d'actions et de dividendes.
Ce chiffre est en hausse de 1% par rapport à 2023 et représente un record depuis que les auteurs réalisent cette étude, soit depuis 22 ans.
Précisons que l'étude a retenu comme périmètre le CAC 40 arrêté à fin décembre dernier, c'est-à-dire avec Bureau Veritas et sans Vivendi.
>> Accédez à nos analyses graphiques exclusives, et entrez dans la confidence du Portefeuille Trading
Des dividendes en hausse
Dans le détail, ce sont les dividendes qui permettent au montant global de progresser. En 2024, les groupes du CAC 40 ont versé des coupons pour un total de 72,8 milliards d'euros selon la lettre Vernimmen, en hausse de 8,5% sur un an.
Ce qui s'avère quelque peu logique. L'essentiel des dividendes versés en 2024 l'ont été au titre des résultats de l'exercice 2023. Or, en 2023, les bénéfices du CAC 40 ont nettement progressé.
Selon un décompte de BFM Bourse, les sociétés du CAC 40 avait dégagé environ 148 milliards d'euros (*) de résultat net part du groupe contre 140 milliards au titre de 2022.
D'ailleurs, l'étude note que le taux de distribution, c'est-à-dire la part du résultat net courant attribué par les entreprises au dividende, est globalement stable, à 42% contre 41% un an plus tôt. Il s'agit toutefois d'un des ratios les plus faibles observés par les auteurs.
Ce taux "s’explique par la viscosité du dividende: en phase haute de conjoncture, avec les résultats de 2023 excellents, les plus grands groupes français se laissent une marge de manœuvre pour le maintenir si les résultats 2024 devaient marquer un coup d’arrêt, voire faiblir", expliquent les auteurs.
Les rachats d'actions reculent
Les rachats d'actions, eux, ont reculé pour s'établir à 25,5 milliards d'euros en 2024 contre 30,1 milliards d'euros en 2023. Comme le soulignent les auteurs de l'étude, il est moins pertinent de comparer les montants sur cette forme de retour à l'actionnaire d'une année sur l'autre que pour les dividendes.
Ce car "les rachats d’actions sont discrétionnaires et n’impliquent, contrairement aux dividendes, aucun engagement implicite de récurrence", rappellent-ils.
Les entreprises peuvent très bien décider d'effectuer des rachats d'actions après avoir obtenu un produit exceptionnel, comme dans le cas d'une cession d'actifs. C'est ce qui s'est passé en 2023 avec BNP Paribas, qui avait racheté pour 5 milliards d'euros de ses propres titres. Sur ce montant, 4 milliards d'euros étaient liés à la cession de sa filiale américaine Bank of The West.
Ces rachats d'actions de 4 milliards d'euros n'ont, logiquement, pas été reconduits en 2024, BNP Paribas ne vendant pas une filiale américaine chaque année par définition.
Au-delà des chiffres à proprement parler, les auteurs de l'étude tordent le cou à une idée qu'ils qualifient de "sophisme" à savoir que les rachats d'actions font monter le cours des sociétés qui lancent ces programmes.
Les auteurs ont pris les 10 pensionnaires du CAC 40 qui ont le plus racheté de leurs propres titres depuis 2012, proportionnellement à leur capitalisation boursière. Par exemple ArcelorMittal a racheté pour 9,4 milliards d'euros d'actions soit 50% de sa capitalisation boursière sur la période. Pour Totalenergies, le montant s'élève à 31,1 milliards d'euros ou 22% de sa capitalisation boursière.
Les auteurs notent que sur ces 10 groupes, quatre surperforment le CAC 40 sur la période tandis que six le sous-performent.
Pas un enrichissement pour l'actionnaire
Rappelons également que les dividendes et les rachats d'actions n'enrichissent pas l'actionnaire puisque la société ne fait en réalité que redistribuer des liquidités qu'elle possède déjà.
"Pas plus qu’un retrait à un distributeur automatique de billets ne vous a jamais enrichi, dividendes et rachats d’actions n’ont jamais enrichi les actionnaires", résument les auteurs de l'étude. Ce qui enrichit l'actionnaire n'est pas le dividende ou le rachat d'actions mais les résultats, rappellent-ils.
En ce sens, pour les entreprises arriver à maturité, il est "plus sain" de reverser des liquidités "à leurs actionnaires, plutôt que de les gaspiller en surinvestissements ou en placements oisifs de trésorerie, et de priver ainsi de capitaux propres d’autres groupes qui en auraient besoin pour se développer", expliquent les auteurs de l'étude.
Ce qui n'empêche pas les dividendes et les rachats d'actions de se retrouver régulièrement dans le collimateur des pouvoirs publics. Le gouvernement Barnier avait, dans son projet loi de Finances pour 2025, prévu ainsi d'instaurer une taxe sur les rachats d'actions. Son calcul complexe revenait toutefois à aboutir un taux assez faible sur le montant (nous avions donné un exemple qui aboutissait à un taux de 0,6%) et l'exécutif ne comptait retirer qu'environ 200 millions d'euros de recettes liées à cette taxe.
La chute du gouvernement Barnier a mis en suspens cette mesure. Le nouveau Premier ministre, François Bayrou, pourrait toutefois reprendre cette taxe sur les rachats d'actions dans son projet de Budget. Le chef du gouvernement prononcera cet après-midi son discours de politique générale.
(*) Ces chiffres étaient basés sur les 38 sociétés du CAC 40 qui publiaient des résultats sur une année calendaire, et ce à fin février 2024. Autrement dit ces données excluaient Pernod Ricard, Accor et Bureau Veritas mais incluaient Vivendi.