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Marché : Comment le gouvernement va taxer les rachats d'actions des grandes entreprises

jeudi 10 octobre 2024 à 20h01
Plusieurs groupes du CAC 40 ont recours aux rachats d'actions

(BFM Bourse) - Le projet de loi de Finances pour 2025 prévoit l'instauration d'une taxation sur ce type d'opérations. L'exécutif n'entend toutefois retirer que 200 millions d'euros de recettes de cette contribution.

Si l'ex-ministre de l'Economie et des Finances, Bruno Le Maire, avait refusé la mesure, l'exécutif actuel va, lui, franchir le pas.

Le gouvernement Barnier a décidé d'instaurer une taxation sur les rachats d'actions, une forme de retour à l'actionnaire pratiquée par les grands groupes cotés en Bourse.

Les rachats d'actions consistent, pour une entreprise en Bourse, à acquérir sur le marché un certain montant de ses propres titres. L'entreprise en question annule ensuite ces actions, ce qui mécaniquement fait remonter le bénéfice par action, toutes choses égales par ailleurs. Pour donner une image simple, cela revient à prendre le même gâteau mais à le couper en moins de parts.

A l'instar des dividendes, dans la pure théorie financière, les rachats d'actions n'enrichissent pas les actionnaires puisque la société ne fait en réalité que redistribuer des liquidités qu'elle possède déjà. Néanmoins, comme le notait une étude de McKinsey de 2005, les rachats d'actions sont souvent bien reçus par le marché car ils envoient un signal de confiance de la part des entreprises.

Les entreprises à plus de 1 milliard d'euros de revenus concernées

Dans le projet de loi de Finances pour 2025, l'exécutif retient un certain périmètre. Seules les sociétés ayant leur siège social en France et dégageant plus d'un milliard d'euros de chiffre d'affaires annuel hors taxes seraient concernées par la mesure. Le prélèvement concernerait les opérations "menées à compter de la date de présentation" du projet de loi en Conseil des ministres, ce jeudi donc.

D'ailleurs le dispositif concerne non pas les rachats d'actions à proprement parler mais les réductions de capital consécutives à ces opérations de rachats d'actions. Une entreprise qui conserverait ses titres sans les annuler après les avoir rachetés ne paierait donc théoriquement pas la taxe.

Des exemptions sont aussi prévues, notamment dans le cas où les rachats d'actions faciliteraient une fusion ou si ces opérations permettraient de compenser certaines augmentations de capital, notamment celles réalisées dans le cadre d'un plan d'actionnariat salarié.

Un calcul complexe

Quant à la taxe à proprement parler elle constituerait, selon le dossier de presse du projet de loi de Finances, 8% "du montant de la réduction de capital résultant de l'annulation des actions achetées".

Une source gouvernementale a précisé que cette taxe aurait pour assiette la somme du "montant du nominal et des primes d'émission".

Le "nominal" de la réduction de capital s'appuierait sur ce que l'on appelle la valeur nominale d'une action. Il s'agit de la valeur comptable inscrite dans les comptes sociaux de l'entreprise et qui peut largement différer de sa valeur de marché de l'action (le cours de Bourse).

Exemple: Totalenergies a un cours de Bourse d'environ 62 euros mais la valeur nominale de son action se situe à 2,5 euros, selon son document d'enregistrement universel.

Passons à la prime d'émission. Une "prime d'émission" correspond à la différence entre le prix d'une action lors d'une opération de capital et le nominal. Par exemple, dans le cadre d'une augmentation de capital, si une société émet de nouvelles actions au prix de 5 euros mais que la valeur nominale de son action dans ses comptes est de 1 euro, cette prime d'émission s'élève à 4 euros par action.

Pour le calcul final de la taxe, nous vous avons mis un exemple volontairement simplifié en fin de papier. Ce qu'il faut retenir c'est que ce calcul est complexe et que les 8% peuvent aboutir à un montant significativement moindre que s'ils étaient appliqués directement au montant du programme du rachat d'action.

Totalenergies, la société du CAC 40 qui a le plus recours aux rachats d'actions

Cette taxation complexe resterait assez peu comparable à la taxe sur les rachats d'actions aux Etats-Unis mise en place par le président américain Joe Biden. Introduite en janvier 2023, cette taxe a été fixée à 1% du total des montants de rachats d'actions et l'exécutif américain a envisagé de multiplier par quatre ce taux.

In fine, le gouvernement ne table que sur des recettes limitées voire symboliques de cette nouvelle contribution. L'exécutif anticipe un montant de 200 millions d'euros.

Les stratégistes actions de Barclays avaient en tout cas senti que l'exécutif instaurerait cette contribution sur les rachats d'actions. La banque listait, dans une note publiée la semaine dernière, une trentaine de groupes cotés à Paris qui avaient débuté des programmes de rachats d'actions avec encore des opérations à exécuter pour les finaliser.

Plus largement, selon une étude de Janus Henderson, les rachats d'actions ont représenté 33,1 milliards de dollars (30 milliards d'euros) en France en 2023 contre 28,9 milliards de dollars en 2022.

D'après la lettre Vernimmen, le plus important contributeur à ces rachats d'actions était, en 2023, Totalenergies pour un montant de 9,2 milliards d'euros, devant BNP Paribas (5 milliards d'euros) et LVMH (1,5 milliard). Et 26 groupes avaient procédé à des rachats d'actions d'au moins 100 millions d'euros.

Exemple simplifié

Imaginons une entreprise dont le cours de Bourse se situe à 20 euros avec 1 milliard d'actions en circulation mais avec une valeur nominale de son action de 1 euro. Supposons, ensuite, que la société veuille racheter pour 500 millions d'euros d'actions à un prix de 20 euros par action.

Elle achète ainsi 25 millions de titres. La "réduction de capital" nominale sur laquelle se baserait la taxe correspondrait ainsi à 25 millions d'euros (25 millions de titres multipliés par un euro de nominal) et non pas 500 millions d'euros.

Passons à l'autre composante, la prime d'émission. La prime par action est de 19 euros (20 euros de prix de rachats d'actions moins un euro de nominal. La prime totale s'élève donc à 475 millions d'euros (20 euros - 1 euro multiplié ensuite par 25 millions de titres).

L'exécutif compte ensuite appliquer une fraction de cette prime qui correspond à la proportion existante entre le montant de la réduction de capital et le montant du capital avant cette réduction. Dans notre cas, cela correspond à 25 millions (la réduction) divisé par un milliard (le capital total). Soit 2,5%.

In fine, la fraction de la prime d'émission liée au capital correspond à: 2,5% multiplié par 475 millions d'euros soit 11,875 millions d'euros. On additionne ensuite ce montant à la réduction du capital (25 millions d'euros) puis on applique la taxe de 8%. Ce qui donne 8% multiplié par 36,875 millions d'euros soit 2,95 millions d'euros. Au final ce montant de 2,95 millions d'euros représente 0,6% du montant du programme de rachats d'actions.

Par Julien Marion

Julien Marion - ©2025 BFM Bourse
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