(BFM Bourse) - Déjà aux prises avec un flot d'incertitudes (politiques, économiques, sanitaires), les marchés se réveillent avec la gueule de bois vendredi matin, l'annonce du test positif de Donald Trump au Covid-19 ajoutant une nouvelle dose d'incertitudes dont ils n'avaient clairement pas besoin.
L'annonce, véritable coup de tonnerre à un mois de l'élection présidentielle américaine, a laissé le marché tokyoïte "stupéfait", selon Rikiya Takebe de Okasan Online Securities. Environ une heure avant la clôture des marchés japonais, Donald Trump, 74 ans, a en effet lâché une bombe sur Twitter, faisant savoir qu'il avait été testé, tout comme sa femme, positif au Covid-19.
Au lendemain d'une panne matérielle qui a paralysé les échanges sur la place nippone, première paralysie totale du système pendant une journée complète depuis l'installation de celui-ci en 1999, la Bourse de Tokyo a accusé le coup en fin de séance et terminé dans le rouge, entraînant les places européennes dans son sillage - les principaux indices ayant ouvert en baisse de 1% (Dax) à 1,2% (CAC 40 et FTSE 100).
"Beaucoup trop d'incertitudes"
Si le médecin de la présidence américaine a dit s'attendre à ce que Donald Trump "continue à assumer ses fonctions sans perturbations pendant sa convalescence", les analystes sont unanimes: ce test positif ajoute une couche d'incertitudes dont les marchés se seraient bien passés. Cette annonce apporte "une contingence nouvelle dans un environnement déjà compliqué, la prudence monte d'un cran sur les marchés", commente Hervé Goulletquer, stratégiste à la Banque Postale Asset Management dans sa note matinale.Cette nouvelle "entraîne beaucoup trop d'incertitudes, en pleine campagne présidentielle", estime pour sa part Jochen Stanzl, analyste pour CMC Market. "Si l'état de santé [de Donald Trump] s'aggrave, la situation pourrait nettement se compliquer", abonde Milan Cutcovic, analyste pour Axitrader. "Nous sommes déjà inquiets du résultat très incertain de l'élection présidentielle et cela ajoute de l'incertitude", ajoute Masayuki Kichikawa, responsable de la stratégie chez Sumitomo Mitsui Asset Management. Or, c'est un fait, les marchés détestent l'incertitude.
Ruée vers les valeurs refuges
En conséquence, les opérateurs devraient faire preuve de prudence et privilégier ce jour les valeurs refuges aux actions, selon Fiona Cincotta, analyste de City Index : "L'annonce que le président Trump a été testé positif au Covid-19 a accéléré la quête de sécurité sur les marchés. Les investisseurs se délestent de leurs actifs les plus risqués, des actions et des monnaies comme l'euro et le dollar australien, pour préférer les valeurs refuges comme le dollar américain, le yen et l'or" estime-t-elle. Les principaux indices américains sont pour l'heure attendus en recul, entre -1,2% pour le Dow et le S&P, et -1,7% pour le Nasdaq. Les fameuses valeurs "refuges", elles, profitent de l'appétit des investisseurs pour s'apprécier (+0,10% à 1.908 dollars pour l'once d'or à 11h20, tandis que le billet vert s'apprécie de 0,30% face à la monnaie unique, à 1,1712 dollar).La séance du jour pourrait être d'autant plus agitée que les investisseurs attendent les chiffres de l'emploi américain en septembre, les derniers avant le scrutin présidentiel américain du 3 novembre, qui "devraient logiquement soulever de sérieux doutes sur la qualité et la force de la reprise économique américaine", prévient Christopher Dembik, responsable de la recherche économique chez Saxo Banque. Ce rapport mensuel arrive au lendemain des données meilleures que prévu diffusées mercredi par la firme ADP, jugées cependant moins fiables que les chiffres officiels.
Les investisseurs restent aussi à l'affût d'avancées sur un nouveau plan d'aide aux ménages et entreprises pour lequel démocrates et républicains sont en quête d'un compromis, qui pourrait offrir un bol d'air bienvenu aux marchés. Analyste pour FXTM, Han Tan juge toutefois que "la contamination de Donald Trump pourrait ralentir l'adoption d'un nouveau paquet de mesures de relance aux Etats-Unis".
À 11h10, le CAC 40 a effacé la majeure partie de ses pertes à l'ouverture, n'affichant plus qu'un recul limité de 0,30% à 4.809 points, c'est bien la prudence qui domine le marché ce vendredi, comme l'indique le volume de transactions resserré de tout juste 550 millions d'euros à ce jour. Dans l'attente d'en savoir plus sur l'évolution de l'état de santé du président américain, les investisseurs vont sans doute s'abstenir de toute prise d'initiative (et de risque).
Korian et Elior dévissent
Si l'actualité est phagocytée par l'annonce de Donald Trump, la cote parisienne est également animée par quelques annonces, à commencer par celle de Korian d'une augmentation de capital de 400 millions d'euros pour s'offrir l'opérateur psychiatrique Inicea, qui permet au groupe de se renforcer dans la psychiatrie mais pèse sur le cours (-7,5%) du spécialiste des soins au service des personnes âgées et fragiles.De son côté, le n°3 mondial de la restauration collective Elior flanche (-5%) après l'annonce de 1.888 suppressions de postes pour faire face à une réduction de son activité notamment due au recours massif des entreprises au télétravail.
Au sein de l'échantillon principal, Engie évolue à l'équilibre avant de réunir vendredi un conseil d'administration pour désigner son nouveau directeur général, qui sera très probablement une femme: Catherine MacGregor, une ancienne du géant des services pétroliers Schlumberger, fait figure de favorite. Total cède 0,8% après avoir suspendu par précaution ses opérations sur un champ de gaz naturel dans le sud-est de la Bolivie, où des feux de forêts et de pâturages faisaient rage. Dans le sillage du lancement d'une négociation avec les organisations syndicales "pour adapter l'emploi", voulant cependant "éviter les licenciements", Thales lâche 0,6%.
Le titre Lagardère reprend son souffle et rétrocède 2,3% (après un rallye impressionnant de 57% depuis vendredi dernier, en réaction à la montée au capital de Bernard Arnault) alors que Vivendi a annoncé avoir porté sa participation à 26,7% du tour de table (et 20,2% des droits de vote).