(BFM Bourse) - L'absence de sanctions économiques majeures contre la Russie et la possibilité de nouveaux pourparlers évoqués par Moscou ont offert vendredi un solide rebond au CAC 40, qui signe néanmoins une 6e baisse hebdomadaire sur les 7 dernières semaines - séquence inédite depuis avril 2012.
L'impressionnant rebond observé ce vendredi sur le marché parisien (+3,55% pour le CAC à 6.752,43 points) n'a pas suffi à compenser les quatre premières séances de la semaine, toutes bouclées dans le rouge. Loin de là d'ailleurs, puisque le baromètre de la cote tricolore n'efface même pas l'intégralité de ses pertes subies la veille (-3,83%, deuxième plus forte baisse journalière de 2022) en réaction à l'invasion de l'Ukraine par la Russie. S'il met avec la manière un terme ce vendredi à sa séquence -inédite depuis 2018- de six séances consécutives dans le rouge, l'indice phare de la Bourse de Paris recule ainsi de 2,55% en rythme hebdomadaire, dans un volume d'affaires encore nourri de plus de 6,6 milliards d'euros.
Il s'agit donc de la 6e performance hebdomadaire négative du CAC sur les 7 dernières semaines, un enchaînement qui ne lui est plus arrivé depuis... mars-avril 2012. Il limite néanmoins à ce stade son repli à 5,9% depuis le 1er janvier, contrairement aux indices américains (S&P et Nasdaq Composite notamment) qui évoluent en territoire de correction.
Même si toutes les questions que pose l'envahissement d'une nation souveraine aux portes de l'Union européenne sont loin d'être résolues, les opérateurs considèrent que la portée limitée des sanctions annoncées par les puissances occidentales n'est pas de nature à remettre en cause la croissance économique mondiale attendue cette année alors que nombre de pays s'apprêtent à lever l'essentiel des restrictions liées aux Covid et que les contraintes d'approvisionnement commencent peut-être à s'atténuer.
Sanctions légères et possible retour de la diplomatie russo-ukrainienne
"Les marchés ont vivement réagi à l'invasion à grande échelle de l'Ukraine, mais dans les prochains jours, nous devrions avoir une meilleure compréhension des ambitions territoriales de la Russie, des mesures prises pour les entraver et du type de risques pour l'inflation et la croissance qu'elles présentent. La rhétorique de Poutine est peut-être principalement destinée à un public national et ukrainien, mais elle doit être surveillée attentivement pour voir si ce conflit et ses retombées - humaines et économiques - seront contenus à l'Ukraine ou si d'autres barrières seront testées", résume Andrew McCaffery, responsable global de l'allocation d'actifs de Fidelity.Si une partie des réponses apparaîtront en quelques jours (sur le maintien ou non des flux énergétiques entre la Russie et l'occident notamment), le spécialiste juge qu'il existe un risque stagflationniste prolongé dans les prochains mois. "Les prix plus élevés de l'énergie sont susceptibles de se diffuser à d'autres champs de l'économie, agissant comme une taxe sur la consommation, exacerbant la crise du coût de la vie déjà en cours en occident, nous rapprochant potentiellement d'une récession", avertit-il sobrement.
Jeudi, les marchés avaient ainsi surtout paniqué à l'idée de très sévères sanctions économiques contre la Russie, rappelle Neil Wilson, de Markets.com. Mais "l'absence de sanctions sur le pétrole et le gaz russes et la décision de ne pas exclure le pays du réseau de paiements Swift ont permis au marché de pousser un soupir de soulagement" estime-t-il. Si de nombreuses voix s'élèvent pour exclure la Russie de ce réseau interbancaire, rouage essentiel pour la finance mondiale, l'Allemagne craignant de devoir faire face à de sérieuses difficultés, notamment sur les transactions liées au marché du gaz russe, met pour l'heure son veto sur cette option qualifiée d' "arme nucléaire économique" par Bruno Le Maire. Les Bourses mondiales ont par ailleurs salué les prémices d'une éventuelle discussion entre la Russie et l'Ukraine. Vladimir Poutine serait en effet prêt à envoyer une délégation à Minsk, au Bélarus, pour des pourparlers avec l'Ukraine, selon les agences russes, chose systématiquement refusée par le Kremlin jusqu'ici
Vallourec, Bénéteau et Ipsos flambent, Carrefour et Valeo plongent
Parallèlement au conflit qui occupe les esprits et les gros titres de l'actualité, la Bourse de Paris était encore animée par une salve de résultats, qui ont rencontré un accueil des plus contrasté. Supérieurs aux attentes, les comptes 2021 de Vallourec ont en effet entraîné un bond de près de 26% du titre, grâce à un retour aux bénéfices et une réduction de l'endettement. Et sans surprise, le fabricant de tubes sans soudure attend une nouvelle amélioration de ses résultats cette année vu la demande de la part des producteurs d'hydrocarbures, incités à relancer leurs investissements par la hausse des cours. Après quatre séances consécutives dans le rouge, Saint-Gobain a regagné 6,3% en affichant des chiffres 2021 record.Au sein de l'indice phare, la meilleure performance du jouer revenait à ArcelorMittal (+10%), qui profite de la flambée du cours des métaux, notamment du nickel. Airbus (+6,4%) et Safran (+5,9%) étaient également recherchés. Seul Worldline termine dans le rouge (-2,2%) sur fond de prises de bénéfices après son bond de mardi.
En dehors de l'échantillon du CAC 40 Bénéteau grimpe de 8,5% au vu d'une croissance de plus de 80% de son chiffre d'affaires sur la dernière partie de l'exercice écoulé, ce qui amène le groupe à relever son objectif de résultat opérationnel courant, pourtant déjà revu en hausse en novembre. Le géant français des sondages et études de marché Ipsos a pris 7,9%, en affichant une performance financière (chiffre d'affaires, bénéfice et marge) record, au-delà des objectifs qui là aussi avaient été relevés en cours d'année.
Totalement à l'opposé, le cours de Casino trébuche encore de 12,2% à un énième plus bas historique, alors que la pandémie a ralenti l'exécution du plan de cessions et affecté l'activité du groupe, notamment à Paris et dans les zones touristiques. Alors que le distributeur a fait de la réduction de sa dette une priorité, celle-ci s'est encore creusée en 2021. La sanction est presque aussi rude pour Valeo (-10,4%), au prétexte que l'équipementier a formulé pour 2022 des objectifs trop prudents, invoquant le contexte géopolitique et inflationniste actuel.
Sur le marché des devises, l'euro interrompait sa violente baisse des derniers jours et reprenait 0,51% à 1,1258 dollar.
Du côté de l'or noir, les cours s'étaient nettement repliés jeudi en soirée après un pic à plus de 100 dollars en matinée. Et le contrat à terme sur le Brent repart de nouveau à la baisse ce vendredi, soulagé par le (très relatif) apaisement des tensions géopolitiques. À 18h10, le baril de Brent de mer du Nord se négociait à 93,5 dollars, en repli de 2% par rapport à la veille.