(BFM Bourse) - L'année 2025 sera marquée par le retour de Donald Trump à la Maison Blanche et ses conséquences tant pour l'économie que pour les bourses mondiales. Globalement, les bureaux d'études sont bien plus optimistes pour les États-Unis que pour l'Europe.
"L'exceptionnalisme américain". Ce concept renvoie à l'idée que les États-Unis possèderaient des standards uniques et supérieurs par rapport aux autres pays, ce qui les pousserait à jouer un rôle prépondérant dans le concert des nations.
En Bourse, cette notion "d'exceptionnalisme" des États-Unis a été récemment mentionnée dans plusieurs commentaires de marché. Elle fait tout simplement référence à l'impressionnante surperformance de Wall Street sur les marchés actions.
Selon les données du gérant d'actifs Schroders, les États-Unis ont (en dollars) éclipsé l'Europe, le Japon, le Royaume-Uni et les pays émergents sur dix des 14 dernières années.
Encore en 2024, le S&P 500, avec sa progression de 24,5% (*) depuis le 1er janvier, va très certainement battre à plate couture le Stoxx Europe 600, un indice paneuropéen, qui ne prend pour l'heure que 5,9%. L'indice américain devrait également surpasser le Nikkei 225 de Tokyo (+20,4%) et le CSI 300 chinois (+16%).
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L'agenda de Trump, grande question de 2025
Qu'en sera-t-il pour 2025? Un chose est certaine: les États-Unis seront plus que jamais sur le devant de la scène.
Ne serait-ce que parce que Donald Trump fera son grand retour à la Maison-Blanche, le 20 janvier. Les simples nominations de certains membres de son administration ont provoqué des remous sur les marchés. Cela a été le cas, notamment, du secrétaire à la Santé, le vaccinosceptique Robert Francis Kennedy Jr, dont la désignation avait engendré un repli des groupes pharmaceutiques en Bourse.
"Le président élu Trump a plusieurs objectifs de politique économique potentiellement contradictoires, et la manière dont il les pondérera pendant son mandat influencera la croissance mondiale et les prix des actifs (boursiers, NDLR) en 2025 et au-delà", résume Deutsche Bank.
"À l’échelle nationale, il est presque certain que le nouveau président introduira davantage de mesures de relance budgétaire, ce qui signifie que les gouvernements d’autres pays, notamment en Europe et en Chine, n’auront d’autre choix que de suivre le mouvement pour compenser tout effet économique négatif découlant d’une politique commerciale agressive", exposent de leur côté les stratégistes de JP Morgan AM.
Donald Trump a notamment promis d'abaisser le taux d'impôt sur les sociétés à 15% contre 21% actuellement, ce qui devrait, toute chose égale par ailleurs, soutenir les bénéfices des entreprises américaines.
Mais le flou demeure sur l'application concrète de la politique anti-immigration prônée par le milliardaire ainsi que sur sa volonté d'instaurer des tarifs douaniers (60% pour la Chine et 10% à 20% pour les autres pays).
Les stratégistes de JPMorgan AM pensent que les droits de douanes à l'encontre de la Chine seront mis en œuvre car il existe un consensus bipartisan aux États-Unis pour considérer ce pays comme "un commerçant déloyal". Mais ils jugent que les autres pays auront des marges de négociations.
Divergence de politique monétaire
"Il n’est pas certain que le président puisse imposer un droit de douane universel par décret. Il est habilité à appliquer des droits de douane unilatéraux ciblés, mais l’application de droits de douane généralisés semble nécessiter l’intervention du Congrès, ce qui prendra du temps", expliquent-ils.
"Les droits de douane généralisés sont également plus risqués sur le plan économique. Au cours des dernières années, on a pu observer à quel point l’électorat n’aime pas l’inflation et qu’un droit de douane de 10% à 20% sur les importations en provenance de toutes destinations est susceptible d’avoir un impact plus important sur les pressions inflationnistes aux États-Unis", ajoutent-ils.
Niveau conjoncture, les États-Unis devraient encore afficher une croissance robuste en 2025, Deutsche Bank retenant une progression du PIB de 2,5%, Bank of America de 2,4%. En face la zone euro ferait trois fois moins bien, la banque allemande tablant sur 0,8% et sa consoeur américaine sur 0,9%.
L'atonie de l'économie pourrait amener la Banque centrale européenne (BCE) à accélérer les baisses de taux en 2025, là où la Réserve fédérale américaine (Fed) devra jouer les équilibristes avec les impacts inflationnistes des politiques de Donald Trump.
"Aux États-Unis, avec une administration perçue comme pro-business et un programme économique jugé inflationniste, le cycle de baisse des taux de la Fed pourrait s’avérer plus court que prévu", résume Raphaël Thuin, de Tikehau Capital.
"Contrairement à la Fed, il est peu probable que la BCE soit gênée par des inquiétudes quant à une reprise de l’inflation. Nous prévoyons donc toujours de multiples baisses des taux d’intérêt de la part de la BCE au cours de l’année 2025", écrivent, de leur côté, les stratégistes de JPMorgan AM.
Un autre question importante demeure: l'action des autorités chinoises face au ralentissement économique. Pékin sortira-t-il le bazooka pour relancer l'activité? UBS table sur des mesures représentant 2 points de produit intérieur brut. Deutsche Bank mise sur plus de 2,5 points de PIB et une croissance chinoise de 4,8% en 2025.
De l'optimise sur les marchés américains
Maintenant que le cadre économique et monétaire est posé, comment peuvent évoluer les marchés actions? Les bureaux d'études sont optimistes pour les actions américaines.
Alors que le S&P 500 se situe actuellement autour de 5.940 points (*), UBS voit l'indice américain grimper à 6.400 fin 2025, Bank of America s'amuse avec une cible à 6.666 (référence au chiffre du diable) et Deutsche Bank a retenu un cours à 7.000. Ce qui accorde des potentiels respectifs de 8%, 12% et 18%.
UBS, qui a pourtant la cible la moins optimiste, recommande d'acheter les actions américaines face au reste du monde, citant les politiques économiques bénéfiques de Donald Trump, comme les baisses d'impôts mais aussi la dérégulation. "Actuellement la dynamique économique et des résultats d'entreprises est plus favorable aux États-Unis'", avance-t-elle.
Deutsche Bank table sur une amélioration des bénéfices par action des sociétés composant le S&P 500 de 11,6% à 282 dollars en 2025, voire 17% si la croissance mondiale accélère plus que prévu.
Bank of America estime par par ailleurs que l'économie américaine générera des gains de productivité qui soutiendront les actions américaines.
"La surpondération des actions américaines est un consensus massif qu’il est aujourd’hui impossible de contester", conclut Edmond de Rotschild AM.
L'Europe dans le dur?
En comparaison, les avis sont bien plus divers et surtout moins optimistes pour les actions européennes. Deutsche Bank pense que le Stoxx Europe 600 atteindra 590 points fin 2025, contre 507 environ à l'heure actuelle, ce qui accorde un potentiel de 16,4%. La banque allemande estime que les marchés actions européens intègrent déjà beaucoup d'éléments défavorables et voit "beaucoup de potentiel", même si, selon elle, l'Europe ne surperformera pas les États-Unis.
UBS, elle, estime que le Stoxx Europe tombera à 470 fin 2025 (soit une baisse d'environ 7%). Bank of America détaille, de son côté, un peu plus sa projection. Elle voit le Stoxx Europe 600 reculer à 470 mi-2025 avant une remontée à 500 en fin d'année (ce qui donnerait une baisse de 1,3% sur un an).
L'établissement note, sans trop de surprise, que l'incertitude sur les tarifs douaniers américains risque de peser sur la performance du Vieux Continent.
"Les marchés actions européens devraient évoluer en dents de scie dans l'attente d'une évaluation des impacts économiques réels d'un premier semestre riche en évènements structurants", notamment des annonces en provenant des États-Unis, projette Ostrum AM.
Les stratégistes de JPMorgan AM invitent toutefois à "remettre en question la décote" dont pâtissent les actions européennes par rapport aux américaines (environ 35%) en soulignant que l'Europe a l'avantage d'avoir "beaucoup moins d'obstacles à surmonter pour dépasser les attentes".
"Les bénéfices du S&P 500 devraient augmenter de 14% au cours des 12 prochains mois, et l’indice se négocie à un multiple de 22 fois ces bénéfices. En revanche, les bénéfices du MSCI Europe ex-UK (un indice centré sur l'Europe continentale, NDLR) devraient augmenter de 8% au cours des 12 prochains mois, et l’indice se négocie à un multiple de 14 fois ces bénéfices", développent-ils. "Par conséquent, les cours ont déjà intégré une part importante de la sous-performance européenne", concluent-ils.
À voir si, dans ce contexte assez peu engageant, le CAC 40 pourra quand même rattraper le retard qu'il a accumulé sur les autres grands indices européens. L'indice parisien a sous-performé à peu près tout ce qu'il était possible de sous-performer en 2024, lesté par les incertitudes politiques et l'impact du ralentissement de la Chine sur le luxe, compartiment phare de la Bourse de Paris.
Dans une note publiée mi-décembre, Goldman Sachs n'était guère optimiste, jugeant que malgré sa contre-performance le CAC 40 n'était pas attrayant pour autant. Bank of America voit un potentiel pour le marché français compris entre une hausse 4% et une baisse 2% sur douze mois.
"Il est probable que la contre-performance du CAC 40 subsiste sur les premiers mois de 2025, tout comme un écart de spread (la différence sur le rendement de l'obligation souveraine à 10 ans, NDLR) important face à l’Allemagne", a de son côté jugé Christopher Dembik, conseiller en investissement chez Pictet AM.
"Le CAC 40 n'est pas cher et présente un bon rendement au niveau des dividendes (3% environ). Comme il a sous-performé le marché américain et les autres indices européens, je ne pense pas qu'il peut s'effondrer. Mais il n'est pas sur le point de rebondir fortement non plus. Les investisseurs attendent des gages supplémentaires du côté de la Chine et du gouvernement français", tranche pour sa part Alexandre Baradez, responsable de l'analyse de marché chez IG France.
(*) Les cours ont été arrêtés vendredi après la clôture européenne.