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Marché : Pourquoi le marché boursier de la Suède est une exception en Europe (et pourquoi la France devrait grandement s'en inspirer)?

samedi 19 juillet 2025 à 07h00
La Bourse de Stockholm exemple à suivre ?

(BFM Bourse) - La Suède n'est que la huitième économie de l’Union européenne. Et pourtant, la Bourse de Stockholm compte le plus grand nombre de sociétés cotées du Vieux continent. Comment expliquer que ce pays qui compte moins d’habitants que l’Île-de-France ait une telle profondeur de marché?

Quand on évoque les marchés financiers, le quidam ou les plus initiés ont pour références les Bourses de New York, de Londres, Tokyo ou bien évidemment Paris. Et non pas la Bourse de Stockholm, qui fait office de nain.

Pourtant, la place de Stockholm regorge de sociétés qui sont connues du grand public ou dont leurs produits sont utilisés au quotidien.

Volvo, H&M et Assa Abloy

Volvo en est le parfait exemple. Le groupe automobile qui s’est recentré sur les poids lourds et les engins industriels est la troisième plus grosse capitalisation de la Bourse de Stockholm, avec une capitalisation boursière (soit la valeur de la totalité de ses actions) de près de 50 milliards d’euros, selon des données de companiesmarketcap.com.

Juste en dessous, on peut citer Assa Abloy qui est le leader mondial des solutions d’ouverture de portes et d’accès pour les marchés grand public et professionnels. Cette société qui est aux portes des 30 milliards d’euros de capitalisation est plus connue en France pour sa marque Vachette, qui a été intégrée au groupe suédois en 1997.

Autre exemple: le géant suédois du prêt-à-porter H&M (Hennes & Mauritz), qui détient quelques marques plus locales comme Monki, Weekday, & Other Stories ou Cheap Monday. Malgré sa notoriété mondiale, le groupe pèse seulement 19 milliards d'euros en Bourse, soit un peu moins que la capitalisation de Veolia.

Le service suédois de musique en ligne par abonnement Spotify revendique quant à lui une capitalisation boursière de 126 milliards d’euros. Mais la plateforme suédoise ne fait pas partie de ce classement des valeurs les plus importantes cotées à Stockholm, la société ayant privilégié une cotation à la Bourse de New York en avril 2018.

À titre de comparaison, la Bourse de Paris compte neuf sociétés dépassant ce seuil des 100 milliards d'euros de capitalisations (Hermès, LVMH, L'Oréal, Schneider Electric, Essilorluxottica, Totalenergies, Safran, Air Liquide, Sanofi).

Un renouvellement de la cote

Mais ce ne sont pas tant les grandes capitalisations boursières qui font la force de la place suédoise que le nombre de ses pensionnaires. À fin 2024, 953 sociétés étaient cotées à la Bourse de Stockholm, selon un rapport de l’OCDE consacré au marché financier suédois. À titre de comparaison, la France ne compte que 686 sociétés cotées en Bourse et l’Allemagne 767.

Proche des 1.000 milliards de dollars, la capitalisation boursière totale de la Bourse de Stockholm représente 159% du produit intérieur brut (PIB) de la Suède. Ce qui est nettement supérieur aux grandes économies du Vieux continent telles que la France (102 %), le Royaume-Uni (88%), les Pays-Bas (81%) et l'Allemagne (50%).

Autre chiffre parlant: plus de 16% des entreprises suédoises de plus de 250 salariés sont cotées, contre seulement 3 % dans l’Europe des 27. Le chiffre est de 3% dans l’Hexagone et tombe même à moins de 2% en Allemagne, rappelle la lettre mensuelle Vernimmen qui a récemment fait un focus sur l’attractivité des marchés financiers européens.

"Dès lors, il n’est pas surprenant que le nombre des cotations nouvelles sur la Bourse de Stockholm depuis 2013 (501) dépasse sur la même période le montant cumulé des introductions en Bourse à Paris, Francfort", avancent les auteurs de la lettre.

Effectivement, la Bourse de Stockholm échappe à l’assèchement des marchés actions, contrairement aux autres places boursières. Dont la Bourse de Paris qui a vu le nombre de ses pensionnaires constamment reculer depuis 2021. En Suède, ce n’est pas le cas Depuis 2014, 1.059 entreprises ont rejoint le marché suédois, contre 537 radiations, soit une augmentation nette de 522 entreprises, selon le décompte de l’OCDE.

À titre de comparaison, les places boursières des pays de l’Union européenne hors Suède ont connu des radiations nettes presque chaque année entre 2014 et 2024, soit une perte nette totale de 773 entreprises.

Carotte fiscale et capitalisation

Pourtant la Suède vient de loin, même de très loin. Au début des années 1980, le pays scandinave n’était même pas un membre de l'Union européenne - il l’intégrera en 1995 - et son marché des capitaux était l'un des plus fermés et des plus réglementés au monde, rappelle The government offices of sweden dans un rapport intitulé "Sweden’s capital markets journey" ou le parcours du marché financier suédois.

L’économie suédoise était donc dans le dur. Le pays a alors procédé à plusieurs réformes économiques et structurelles. Cette mue est passée par des mesures visant à inciter les ménages suédois à placer leur bas de laine dans le marché actions du pays.

Les premières incitations fiscales à l'épargne sur les marchés des capitaux ont été introduites en 1978 avec la mesure "aktiesparfonder" ou "actions pour tout le monde", en langue française.

Ce dispositif avait pour objectif d'élargir l'actionnariat en Suède. En 1984, ces premières mesures ont été remplacées par une forme d'épargne fiscalement incitative similaire "allemansfonder", ou "fonds pour tout le monde". L'effet a été palpable: au début des années 1980, près d'un demi-million de Suédois étaient directement investis sur le marché boursier.

Ils sont désormais plus 2 millions de personnes (près d'un tiers de la population adulte) à détenir directement des actions d'une société cotée en Bourse, selon les données de la Swedish Securities Market Association citées par l’OCDE.

Sans compter leur investissement par l'intermédiaire de fonds de pensions ou d'investissement, qui sont la pierre angulaire du dynamisme du marché boursier suédois. Les fonds de pension suédois gèrent plus de 800 milliards d'euros d'actifs, soit plus d'un cinquième du total de l'Union européenne, selon le rapport de l'OCDE.

La plupart des fonds de pension publics suédois allouent plus de la moitié de leurs portefeuilles totaux aux actions, avec une exposition importante aux entreprises nationales, signale ce même rapport de l'OCDE.

La prépondérance de ces acteurs est la conséquence directe de la conception du système de retraite suédois. Dans les années 1960 puis 1990, la Suède a opéré une réforme majeure de son système de retraite, qui a introduit une part de capitalisation en complément du système par répartition à cotisations définies.

"La Suède favorise depuis longtemps une culture qui encourage le recours au financement par actions, ce qui est visible sur l'ensemble du marché, qu'il s'agisse de la répartition des actifs des différentes catégories d'investisseurs institutionnels, de la composition des actifs financiers des ménages ou de l'utilisation par les entreprises de financements basés sur le marché", détaille aussi ce rapport de l'OCDE.

Ce qui explique une forte appétence des Suédois pour les placements en actions, qui représentent 42% de l'épargne des ménages du pays. Cette part tombe à 23% en France et même à 17% dans l’Europe des 27, détaillent les auteurs de la lettre Vernimmen.

Pédagogie

Or, la forte implication des investisseurs particuliers est bénéfique pour le marché actions suédois, notamment pour les petites entreprises. Au cours des sept premiers mois de 2022, les petits porteurs ont représenté près de 30% du volume total des transactions sur le First North Growth Market (l'équivalent d'Euronext Growth, le compartiment des petites valeurs, à Paris). En outre, ils jouent un rôle clé dans l'apport de liquidités dans le marché lors d'introductions en Bourse.

Par exemple, en 2021, année marquée par une forte activité sur les introductions en Bourse, les investisseurs particuliers ont représenté 35% des transactions dans les 10 jours qui ont suivi l'entrée en Bourse de Volvo Car (l'une des plus grandes offres publiques jamais réalisées en Suède). La participation des particuliers a été encore plus élevée lors de l'introduction en Bourse du leader des batteries CTEK, puisqu'elle a atteint 45%.

La culture financière est aussi la pierre angulaire du dynamisme du marché suédois. Les auteurs de la lettre Vernimmen, expliquent qu'un réel effort d'éducation et de sensibilisation aux enjeux financiers est initié dès le lycée. Des retraités de l’industrie financière vont dans les lycées du pays, pour enseigner le b.a- ba de la finance.

Or, le développement d’une culture financière dans un pays est indispensable à ses habitants en vue de prendre des décisions financières judicieuses dans des contextes économiques difficiles, rappelle l’OCDE/INFE qui réalise tous les trois ans une étude internationale sur le niveau de culture financière.

Des initiatives en France

Le troisième Rapport French Tech Finance Partners, publié fin janvier louait déjà ce dynamisme du marché boursier suédois, cité en exemple à suivre pour redynamiser la cote parisienne.

"Faciliter la cotation en France permet d’enclencher un cercle vertueux: plus d’entreprises sur la Bourse de Paris signifie plus d’emplois en France, plus d’employés bénéficiant de stock-options, et une possibilité de réinvestissement dans de nouvelles entreprises de la part des fonds de capital-risque", expose French Tech Finance Partners.

La France a déjà mené plusieurs initiatives pour tenter d'améliorer l'attractivité de la Bourse de Paris dans un contexte de forte attrition de la cote tricolore, et d'intense concurrence avec d'autres places internationales.

En mars 2024, l'Autorité des marchés financiers (AMF) avait assoupli les règles en matière d'introductions en Bourse, en levant l'obligation pour les entreprises souhaitant rejoindre la place parisienne de réserver une partie de leurs actions aux investisseurs particuliers. Auparavant, elles étaient obligées de proposer aux petits porteurs un minimum de 10% du montant global de l’opération.

Cette mesure a permis à deux sociétés d'entrer sur Euronext Paris dans les mois qui ont suivi. Le spécialiste de la gestion de projets pour les entreprises Planisware, et l'entreprise de la défense Exosens ont profité de cet assouplissement des règles pour se lancer en Bourse respectivement en avril et juin 2024.

Cette mesure a été suivie quelques mois plus tard du vote en juin de la loi Attractivité, visant à faciliter les introductions en Bourse sur le sol hexagonal. Elle avait échappé de justesse au séisme de la dissolution de l'Assemblée nationale.

Ce texte introduit le principe des actions à droits de vote multiples pour doper les introductions en Bourse. "Cette faculté (les actions à droits de votes multiples, NDLR), ouverte dans la plupart des grandes places financières mondiales (…) présente comme principal avantage de favoriser la cotation de petites et moyennes entreprises (PME) innovantes, en particulier dans le domaine de la tech, en garantissant à leurs fondateurs ou leurs dirigeants qu’ils pourront conserver un contrôle des choix stratégiques de l’entreprise après l’introduction en Bourse, et mener ainsi à bien leur projet de développement", soulignait le rapport du sénateur Louis Vogel.

La mesure doit donc doper les introductions en Bourse à Paris, en incitant davantage les fondateurs et propriétaires d'entreprises à se lancer.

Pour le moment, peu de sociétés ont osé franchir le pas depuis l'été 2024. Elles sont au nombre de...Trois. Ce chiffre inclut le spécialiste de l'intelligence artificielle Lighton, le spécialiste de la mécanique de précision Odyssée Technologies en fin d'année 2024 et plus récemment Semco Technologies, un fabricant de composants dédiés à l'industrie des semi-conducteurs, qui est pour l'heure, la seule entrée en Bourse de l'année 2025 à Paris.

Le renouvellement de la cote passera peut-être par l'arrivée en Bourse d'entreprises de la défense. En mai 2025, Euronext a annoncé plusieurs mesures visant à favoriser le financement des entreprises de ce secteur qui s'est retrouvé sur le devant de la scène avec le regain de tensions géopolitiques.

Sabrina Sadgui - ©2025 BFM Bourse
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