(BFM Bourse) - Vinci, Bouygues, Saint-Gobain mais aussi l'allemand Heidelberg signent des performances boursières enviables depuis le début de l'année. Le plan d'investissement allemand dans les infrastructures a joué, de même que de bons résultats ou encore le prix de la coke de pétrole.
Le dicton veut que "quand le bâtiment va tout va". Le secteur du BTP n'est, certes, pas encore tiré de l'ornière en France.
Mais, en Bourse, les groupes de construction signent des hausses enviables depuis le début de l'année. Vicat (+50,6% sur l'ensemble de 2025) Eiffage (+33,6%), Bouygues (+29,8%), Vinci (+22%) et Saint-Gobain (+10,6%) surperforment tous les quatre le CAC 40 (+2,83%).
Spie (+49%) peut être associé à ce groupe de valeurs, car Vinci, Eiffage et Bouygues (avec sa filiale Equans) possèdent certaines activités très similaires à celles du spécialiste du génie civil. Cette tendance ne se limite pas à la France puisque l'allemand Heidelberg Materials bondit de 49% sur la même période.
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Le coup de pouce de l'Allemagne
Comment expliquer l'engouement des investisseurs pour ces titres pourtant cycliques? Un dénominateur commun apparaît: les annonces allemandes. Berlin a mis en place au printemps un fonds de 500 milliards d'euros dédié aux infrastructures, qui s'inscrit plus largement dans son plan de relance destiné à dynamiser la croissance.
"Le secteur a clairement bénéficié des dépenses allemandes en infrastructures annoncées juste après les élections générales", notait le bureau d'études indépendant Alphavalue dans une note publiée en mai.
"Le plan de relance dans les infrastructures stimule tous les secteurs des matériaux et les valeurs françaises bénéficient de cet effet puisque le plan de relance allemand bénéficiera aussi aux acteurs voisins", a abondé, début juin sur BFM Bourse, Philippe Ferreira, responsable adjoint de la stratégie chez Képler Cheuvreux.
Pour donner quelques ordres d'idée, Bank of America estime que l'Allemagne représente 10% des revenus d'Eiffage. Du côté de Spie, l'Allemagne est, à la suite de plusieurs acquisitions, sur le point de devenir le premier marché du groupe, devant la France, avec un tiers des revenus. Cette proportion a vocation à croître dans les prochaines années, selon le groupe, pour qui ce pays sera "un moteur de croissance puissant".
"Flight to quality"
Un autre phénomène a joué: le "flight to quality". C’est-à-dire la ruée vers les valeurs refuge. Avec l'incertitude provoquée par les droits de douane américains, les investisseurs ont recherché des entreprises ayant des activités locales et/ou travaillant sur des contrats de long terme, avec de la visibilité, pour s'abriter de la tempête. Ce qui correspond au profil des entreprises de construction.
Un groupe comme Eiffage affiche un carnet de commandes dans sa division "travaux" de près de 30 milliards d'euros à fin mars, ce qui représente pas très loin du double des revenus de cette même division (19,5 milliards en 2024). Stifel pense, au passage, que ses activités de "contracting" (construction, infrastructures) devraient connaître une accélération au second semestre 2025.
Dans les cas spécifiques de Vinci et Eiffage, un analyste spécialiste du secteur de la construction note que le risque politique lié à une potentielle fin ou renationalisation des sociétés de concessions autoroutières s'est calmé. La mesure figurait dans le programme du Rassemblement national en 2022.
Ce risque était réapparu en 2024 avec la dissolution de l'Assemblée nationale et l'instabilité politique qui a suivi. Ces craintes se sont ensuite apaisées après que le gouvernement Bayrou a survécu à plusieurs motions de censure.
Vinci Autoroutes représente 37% environ du résultat opérationnel sur activité de Vinci tandis que le résultat opérationnel courant des concessions (qui incluent les aéroports mais sont archi-dominées par les autoroutes) d'Eiffage représente 67% du total.
De son côté, Bouygues, via sa filiale Bouygues Telecom, a pu être porté par une accalmie de la concurrence sur le marché des télécoms en France, alors que les investisseurs redoutaient une guerre des prix intense, fin 2024. Les espoirs autour d'une consolidation de ce même marché, qui a d'ailleurs porté Orange en Bourse, ont aussi pu jouer.
Bouygues a, par ailleurs, vu ses derniers résultats être portés par le redressement des marges d'Equans, sa filiale de services multi-techniques (ventilation, chauffage, protection incendie) rachetée à Engie en 2022 pour plus de 6 milliards d'euros.
Lecture croisée et "coke de pétrole"
L'analyste anonyme mentionné plus haut estime que Bouygues, Vinci et Eiffage ont aussi bénéficié par ricochet de la bonne santé de Spie, dont les métiers correspondent, donc, à certaines activités de ces trois groupes. Le marché a ainsi pu opérer une lecture croisée.
Spie, à proprement parler, a été propulsé par "une conjonction de facteurs", souligne cet analyste. "La société avait déçu sur son activité au troisième trimestre 2024, ce qui avait pénalisé son cours de Bourse. Les résultats annuels ont ensuite démontré qu'il ne s'agissait que d'un accident de parcours, puis la société a réussi sa journée dédiée aux investisseurs", énumère-t-il.
À l'issue de ce dernier évènement, organisé en mars, Stifel jugeait que Spie avait "rassuré le marché" avec des cibles de moyen terme légèrement supérieure au consensus.
Saint-Gobain, pour sa part, a été soutenu par de bons résultats (une habitude chez la société doyenne du CAC 40) avec notamment des volumes plus importants qu'attendu au premier trimestre.
Comme d'autres entreprises de son secteur la société a aussi été portée "par un environnement favorable sur le coût des matières premières, notamment sur la coke de pétrole, un combustible utilisé dans les fours à ciment", souligne un intermédiaire financier.
Cet expert explique aussi que les investisseurs ont commencé à anticiper une reprise dans la construction en Europe sur la base de quelques signaux encourageants. Ce même si cette reprise "n'aura pas de retombée avant fin 2025 voire 2026", précise-t-il.
Vicat a également pu bénéficier des mêmes éléments. Alphavalue évoque par ailleurs, une activité "résiliente" du cimentier au premier trimestre.
Il conviendra de surveiller, si, au second semestre, ce rallye peut se poursuivre alors que, du côté des matériaux de construction, certains groupes commencent à afficher des multiples de valorisation exigeants. Le risque politique chez Vinci et Eiffage demeure par ailleurs une épée de Damoclès qui pourrait se faire plus menaçante si l'exécutif français venait à être fragilisé.
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