(BFM Bourse) - Les banques françaises font partie des titres qui souffrent le plus à la Bourse de Paris. Vinci et Eiffage, de leur côté, chutent, car la renationalisation des sociétés concessionnaires d'autoroutes figurait dans le programme du Rassemblement national en 2022.
Emmanuel Macron a provoqué une onde de choc politique en choisissant de dissoudre l'Assemblée nationale. Le locataire de l'Elysée l'a annoncée dimanche soir à la suite des résultats des élections européennes, qui ont acté la très nette victoire du Rassemblement national en France.
Cette décision a pris les observateurs politiques à revers. Le marché aussi. Le CAC 40 abandonne 2% vers 11h40 ce lundi.
Mais certaines valeurs souffrent plus que d'autres. Quels sont ces titres et pourquoi reculent-ils le plus? Voici un tour d'horizon.
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Les banques toujours en première ligne
Les banques sont aux premières loges. Société Générale abandonne 7,5%, BNP Paribas cède 5,1% tandis que Crédit Agricole SA, la structure cotée de la banque Crédit Agricole, abandonne 4,8%.
Les établissements bancaires réagissent très souvent plus que le marché lors de l'éclatement de tensions géopolitiques (cela a notamment été le cas lors de la crise de la dette souveraine de la zone euro), en raison notamment de leur caractère cyclique, c'est-à-dire que ce sont des titres davantage exposés à la conjoncture.
"La réaction du marché sur les banques est pavlovienne et épidermique. Les banques sont un secteur dit "high beta", c'est-à-dire que les banques réagissent plus que les autres valeurs aux mouvements de risques systémiques ou politique sur le marché", explique Jérôme Legras, directeur de la recherche chez Axiom AI.
"Mais dans l'absolu, en dehors des marchés actions, le marché ne prend pas peur sur les banques. Les taux des CDS (une assurance contre le risque de défaut des banques cotées sur le marché) bougent à peine. La perception du risque est faible", poursuit l'expert.
Reste à savoir si cette nervosité se confirmera dans les semaines à venir. "La prochaine étape sera, pour le marché, de mieux comprendre le programme économique du Rassemblement national, et savoir ainsi si ce programme peut infléchir nettement la trajectoire des finances publiques. Ce alors que des interrogations sur le déficit français sont récemment survenues, notamment avec la dégradation de S&P. Mais cela se fera dans un second temps et dépendra des sondages. De savoir si une majorité pour le Rassemblement nationale se dessine à l'Assemblée nationale", développe Jérôme Legras.
Frédéric Rozier, gérant de portefeuille chez Mirabaud, estime que le recul des banques peut aussi s'expliquer par les récentes déclarations d'Emmanuel Macron. En mai, le président de la République avait déclaré qu'il ne s'opposerait pas au rachat d'une banque française par une consoeur européenne, si une telle opération devait survenir.
"On n'imagine pas qu'une telle opération pourrait survenir aujourd'hui (avec potentiellement le Rassemblement national au pouvoir, NDLR)", estime l'expert. Autrement dit, une légère prime spéculative (lorsque le marché accorde davantage de valeur à une société pouvant être rachetée) peut se tasser sur les banques ce lundi.
Frédéric Rozier cite également les légères tensions sur la dette française, avec un écart entre les rendements de titres français et allemands à 10 ans qui se creuse un peu, pour expliquer la baisse des banques.
Vinci et Eiffage, l'ombre de la renationalisation des sociétés d'autoroutes
En dehors des banques, deux valeurs chutent particulièrement: les groupes de BTP et de concessions Eiffage (-7,4%) et Vinci (-5,6%).
Ces deux groupes exploitent plusieurs sociétés de concessions autoroutières, qui s'avèrent très rentables. Pour donner un ordre d'idée, la marge brute d'exploitation de Vinci Autoroutes s'inscrit à environ 74%, un taux dû aux importants investissements qui ont dû être effectués par les concessionnaires sur ces infrastructures. Le résultat brut d'exploitation (Ebitda) des autoroutes françaises pèse pour environ 40% du total de Vinci. Chez Eiffage, la marge d'Ebitda chez ses filiales APPR-Area est grosso modo la même (74,2% en 2023). Goldman Sachs a souligné la semaine dernière qu'APRR (détenue à 52% par Eiffage) constituait environ la moitié de la génération de cash d'Eiffage.
Or, la renationalisation des sociétés concessionnaires d'autoroutes figurait dans le programme du Rassemblement national en 2022. Le marché craint donc que Vinci et Eiffage soient potentiellement expropriés de cet actif.
"Pour Vinci et Eiffage, la chute sur le marché s'explique par la crainte d'une remise en question de la privatisation des concessions autoroutières", confirme Frédéric Rozier.
La fin des concessions autoroutières s'étalent entre 2031 et 2036 pour les plus importantes d'entre elles, selon l'Autorité de régulation des transports.
Reste que, à supposer qu'une telle mesure soit mise en œuvre, la renationalisation immédiate des concessions d'autoroutes constituerait une expropriation, et il faudrait ainsi indemniser Eiffage, Vinci mais aussi Abertis, groupe espagnol propriétaire de Sanef. Les services du ministre de l'Economie et des Finances, Bruno Le Maire, avaient chiffré entre 40 milliards et 50 milliards d'euros le coût d'une telle opération.
Engie pâtit aussi du risque politique
Le groupe énergétique Engie recule lui aussi nettement, perdant 4,7%. Frédéric Rozier cite cette fois "le discours du Rassemblement national sur le contrôle des prix de l'énergie et notamment du gaz" pour expliquer ce recul. La Commission de régulation de l'énergie (CRE) a annoncé la semaine dernière une hausse de 11,7% des tarifs du gaz en France au 1er juillet par rapport à juin.
Le Rassemblement national a plusieurs fois évoqué cette hausse lors de la campagne européenne pour justifier sa volonté de sortir des règles du marché européen de l'électricité.
Le parti d'extrême-droite a par ailleurs un ton résolument pro-nucléaire et peu favorable aux énergies renouvelables sur lesquelles Engie s'est énormément développé ces dernières années.
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