(BFM Bourse) - L’an passé, plusieurs locataires de l’indice phare du marché parisien ont enregistré des baisses vertigineuses, comme Alstom ou Worldline. Le gendarme des marchés financiers s'est penché sur ce phénomène de plus en plus récurrent ainsi que sur les causes de ces décrochages en Bourse sur la période 2013-2023.
L'an dernier, les investisseurs ont eu des sueurs froides à l'occasion d'une saison automnale des résultats particulièrement mauvaise. Plusieurs pensionnaires du CAC 40 ont enregistré de nombreux plongeons vertigineux, sanctionnés pour avoir déçu soit sur leurs comptes ou leurs perspectives.
À titre d'exemple, Alstom avait plongé en octobre 2023 de près de 38% sur une séance, après avoir lancé un lourd avertissement sur sa génération de trésorerie. Worldline avait lâché 59% sur une journée, après avoir sabré ses objectifs 2023 et mis de côté ses perspectives à l'horizon 2024.
Ces variations de cours spectaculaires n'ont pas échappé à l’Autorité des marchés financiers (AMF) qui s'est donc penchée sur ce phénomène. Dans une étude couvrant la période 2013-2023, le gendarme des marchés financiers est revenu sur les caractéristiques du phénomène et ses possibles causes.
Des sanctions plus spectaculaires qu'il y a 10 ans
Le constat est sans appel, l'étude met en évidence une fréquence plus importante en 2023 des cas de variations significatives à la baisse, c'est-à dire des replis de 10% et plus. Pour 7 d’entre elles, l'AMF a recensé 9 variations à la baisse de 10 % et plus, après 3 variations en 2022 et 6 en 2021.
À titre de comparaison, sur la période 2013-2017, le gendarme financier n’a observé que 1 à 4 cas similaires par an. Par ailleurs, l'analyse de l'AMF montre des décrochages de cours plus violents qu’auparavant.
Et surtout, l'AMF remarque que pour les 7 valeurs concernées par ces violentes baisses, elles ne sont pas revenues à leurs niveaux d’avant décrochage dans les semaines qui suivent.
"En revanche, la liquidité des titres n'apparaît pas dégradée : les volumes échangés n’affichent pas de baisse significative lors des séances suivantes et la profondeur du carnet d'ordres (nombre de titres offerts à l’achat et à la vente) ainsi que l’écart entre les prix offerts à l’achat et ceux offerts à la vente restent stables", poursuit l'étude.
Aussi, ce phénomène, qui reste encore rare, n’est pas propre au marché parisien rappelle l'AMF, et concerne aussi les autres valeurs cotées en Europe et aux États-Unis. Effectivement, il ne s'agit pas d'un mal français: le groupe de paiements néerlandais Adyen avait par exemple chuté de plus de près de 40% à la Bourse d'Amsterdam à la suite de résultats décevants, à l'été 2023.
À quoi peuvent être dues cette nervosité du marché et la dureté des sanctions infligées aux entreprises qui déçoivent? L'AMF avance des éléments d'explication.
Des valorisations élevées et une concentration de la performance
Pour déterminer les causes de ces décrochages boursiers, l'AMF a tout d’abord étudié le comportement des différents intervenants sur le marché parmi lesquels les vendeurs à découvert, les sociétés de gestion et les investisseurs individuels. Et elle en vient à la conclusion suivante qu'aucune de "ces catégories d’intervenants n’apparaisse comme la cause principale des décrochages observés". Puis le gendarme des marchés financiers s'est penché sur le niveau de valorisation et à la performance du marché.
L'étude a constaté que les ratios cours/bénéfices estimés par action en France, comme aux États-Unis, sont revenus en 2023 à des niveaux proches de plus hauts historiques. "En conséquence, les mauvaises nouvelles, comme la publication de résultats financiers jugés décevants, ont pu être davantage sanctionnées par le marché", avance l'étude.
Aussi ,l'AMF pointe depuis plusieurs années, une concentration de la performance sur quelques valeurs vedettes au sein des indices. Ce qui explique que les investisseurs semblent récompenser davantage les valeurs jugées performantes et qu'ils sanctionnent plus sévèrement celles qui déçoivent.
En 2023, par exemple, 11 valeurs de l’indice paneuropéen Stoxx Europe 600 ont représenté à elles seules 50 % des gains de l’indice, rappelle l'étude. De fait, cette tendance se traduit par une décorrélation des valeurs au sein d’un même indice, conclut l'AMF.