(BFM Bourse) - Le marché mondial des introductions en Bourse est resté atone en 2024. En Europe, la reprise a été quelque peu perturbée par le contexte politique quand le marché américain a repris la première place mondiale en termes de montants levés.
Après deux années compliquées, c'est encore un millésime au bilan peu flatteur pour le marché mondial des introductions en Bourse , avec des dynamiques divergentes, remarque EY dans son dernier rapport "EY Global IPO Trends 2024".
En 2024, le nombre d'introductions en Bourse dans le monde a certes encore reculé, à 1.215 opérations, pour un montant total levé de 123,2 milliards de dollars. Cette activité s'inscrit en baisse de 10% en volume et de 4% en valeur par rapport aux 126,1 milliards de dollars levés en 2023.
Rappelons qu'en 2023 le nombre d'opérations s'était contracté de 8% après avoir déjà chuté de 45% à 1.333 unités, en 2022 en raison d'un contexte macroéconomique et géopolitique qui n'avait pas incité pas les entreprises à se jeter dans le grand bain boursier.
Les États-Unis: numéro un mondial en montant levés
Pour revenir à 2024, le marché des introductions en Bourse s'est effondré en Asie-Pacifique. Cette zone a comptabilisé 488 introductions en Bourse en 2024 pour un montant total de 39,4 milliards de dollars, et enregistre ainsi des baisses de 35% en volume et 51% en valeur.
"Les incertitudes économiques, politiques et géopolitiques, ainsi que les politiques monétaires restrictives à l'échelle mondiale, se sont combinées pour former une 'tempête parfaite', entraînant l'activité d'introduction en Bourse dans la région Asie-Pacifique à son niveau le plus bas depuis 11 ans", avance EY.
"Le resserrement des liquidités, les valorisations difficiles, la sous-performance après l'introduction en Bourse et l'affaiblissement de la confiance ont incité de nombreuses entreprises à retarder ou à reconsidérer leurs introductions en Bourse, en particulier au début de l'année 2024", ajoute le cabinet.
Par contre, le marché américain a repris la première place mondiale en montants levés pour la première fois depuis le pic de 2021 avec 205 opérations réalisées pour un montant de 33,1 milliards de dollars levés. Ce qui traduit une hausse de 37% en volume et 45% en valeur, remarque EY, le marché américain "continuant de se démarquer comme le plus dynamique et le plus attrayant pour les investisseurs mondiaux".
Sur les 205 entrées en Bourse réalisées sur le sol américain, 101 ont été pilotées par des entreprises étrangères. "Ces sociétés viennent pour trouver une base d'investisseurs plus importante, qui peut mieux comprendre leur activité, avec des titres plus comparables, et qui est souvent prête à payer une évaluation plus élevée", expliquait en 2023 Ben Laidler, global market strategist chez Etoro.
"L'augmentation de l'activité d'introduction en bourse en 2024 s'est traduite par une plus grande confiance des candidats à l'introduction en bourse dans la préparation de la cotation en Bourse", note Rachel Gerring spécialiste des introductions en Bourse chez EY pour la région Amériques.
Un millésime mi-figue mi-raisin Europe
En Europe, le marché des introductions en Bourse montre quelques signes d'amélioration, bien que cette reprise soit en demi-teinte. En 2024, EY a dénombré 125 introductions en Bourse qui ont permis de lever 19,1 milliards d'euros, soit une contraction de 16% en nombre, mais une augmentation de 41% en valeur.
Pourtant, le marché des introductions en Bourse avait repris de la vigueur sur les premiers mois de 2024. Le terrain a été favorable pour mener avec succès ce type d'opération, à la faveur d'indices au plus haut et d'anticipations de baisses de taux d'intérêt. D'ailleurs, le cabinet remarque que cette zone géographique a été le théâtre de six des dix plus grandes introductions en Bourse au niveau mondial. Le cabinet cite l'entrée en Bourse du groupe familial de mode Puig qui a réalisé la plus grosse opération de l'année sur le Vieux Continent avec 2,9 milliards de dollars levés, et celle du spécialiste des soins dermatologique suisse Galderma, qui a lui a permis de lever 2,3 milliards de francs suisses.
EY mentionne aussi l'introduction en Bourse du fonds d'investissement CVC qui est parvenu à lever en avril 2024, au moins 2 milliards d'euros, ce qui constituait à l'époque la plus grande introduction en Bourse sur le sol européen depuis le début de l'année.
A Paris, l'année n'a pas été faste, le contexte politique ayant refroidi les candidats à se lancer en Bourse. Seules 5 entreprises ont tenté leur chance cette année pour un montant total de 291,3 millions de dollars, note EY.
Seules deux entreprises non issues d'une scission ont tenté leur chance sur Euronext Paris depuis le début de l'année. La première étant l'éditeur de logiciels pour la gestion de projets Planisware en avril, suivie de l'arrivée de la pépite de la défense Exosens en juin. Rappelons que Sodexo a inauguré les opérations parisiennes de l'année 2024 en pilotant avec succès début février, la mise en Bourse de Pluxee, sa division de titres restaurants.
En revanche du côté des petites et moyennes capitalisations, le compteur s'est enfin débloqué à partir du mois de novembre, avec l'entrée en Bourse de Lighton, un spécialiste de l'intelligence artificielle générative pour les entreprises , suivie de celle d'Odyssée Technologies en décembre.
Ces deux sociétés ont été rejointes par Louis Hachette Group - issue de la scission de Vivendi - qui a aussi fait aussi ses premiers pas sur Euronext Growth le mois dernier.
Une prudence pour 2025
Point de satisfaction, EY a remarqué un dynamisme du marché des introductions en Bourse en fin d'année, avec 343 opérations réalisées et 43 milliards d'euros de levés sur les trois derniers mois de 2024. C'est 10% en volume et 69% en valeur de plus qu'au trimestre précédent.
Un léger espoir est donc permis pour 2025. EY s'attend à ce que "le marché des IPO reste sur une trajectoire solide pour 2025, soutenu par un environnement économique prudemment optimiste, des politiques monétaires de plus en plus accommodantes, une liquidité accrue, des niveaux de valorisation élevés et une confiance renforcée des investisseurs".
Le cabinet affiche sa confiance plus particulièrement pour le marché américain, qui devrait bénéficier des mesures de dérégulation du marché financier. "L'environnement économique actuel notamment aux États-Unis, laisse présager de meilleures performances pour l’année à venir. Le marché sera soutenu par des thématiques sectorielles de plus en plus favorables comme l'IA, les transformations numériques et environnementales et des niveaux de liquidité et de valorisation accrus sur certains marchés", commente Cédric Garcia, associé chez EY.
Aux États-Unis, plusieurs sociétés ont déjà manifesté leur souhait de rejoindre les marchés financiers en 2025. Le géant suédois du paiement fractionné Klarna a choisi Wall Street pour se coter en Bourse. Il déposé en ce sens un projet d'introduction en Bourse confidentiel auprès de la Securities and Exchange Commission (SEC), le gendarme américain de la Bourse à l'automne dernier.
Skims, l'entreprise de vêtements de Kim Kardashian, reste une candidate potentielle à une entrée en Bourse pour 2025 tout comme la fintech Chime qui vise aussi une arrivée sur les marchés financiers américains cette année, rapporte Bloomberg citant des sources proches du dossier.
En Europe en revanche, EY se montre "prudemment optimiste". Les perspectives de croissance sur le Vieux continent restent ternes, avec une hausse modeste du PIB attendue pour 2025. La hausse des tarifs douaniers souhaitée par l'administration Trump pourrait aussi entraver la timide reprise des introductions en Bourse en Europe. "Ces droits de douane pourraient entraver l'expansion économique et introduire de la volatilité sur le marché des introductions en Bourse", tient à prévenir EY.
Golden Goose pourrait cependant retenter sa chance en 2025 pour entrer à la Bourse de Milan. La marque italienne de baskets de luxe avait jeté l'éponge peu avant l'été 2024, en raison du climat politique sur le Vieux Continent.