(BFM Bourse) - Les prix de l'or noir ont été lestés par l'incertitude autour des droits de douane et les hausses de production des pays producteurs. Pour 2026, la plupart des bureaux d'études ne sont pas optimistes, à l'exception peut-être d'UBS.
L'année 2025 n'a guère souri aux cours du pétrole. Le Brent, grande référence internationale des prix de l'or noir, abandonne 19,5% (*) depuis le 1er janvier. Le "pic" en termes de cours a été atteint en janvier (un peu plus de 82 dollars le baril). Le pétrole a ensuite chuté, malgré un bref sursaut en juin.
Deux facteurs ont principalement tiré vers le bas les prix du brut. L'annonce des droits de douane américains réciproques, qui ont plombé les perspectives économiques à compter de début avril, la demande de pétrole étant très sensible à la conjoncture, et les hausses de production.
Selon UBS, les membres de l'Opep+, c'est-à-dire les pays appartenant à l'Organisation des pays exportateurs de pétrole (Opep) et leurs alliés, ont augmenté de 2,8 millions de barils par jour leur production, cette année.
Pour rappel, la demande mondiale s'élève à peu près autour de 100 millions de barils par jour (103,8 millions pour 2025 et 104,5 millions pour 2026, selon les prévisions de la Banque mondiale).
"Le Brent a baissé en 2025 alors que la guerre commerciale des États-Unis et la guerre des prix de l'Opep+ se sont heurtées, avec une moyenne d'environ 69 dollars le baril jusqu'à présent", résume Bank of America.
Les différentes sanctions prises à l'encontre de la Russie par les pays occidentaux ainsi que le conflit de douze jours entre Israël et l'Iran en juin ont ponctuellement soutenu les cours, rappelle UBS.
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Surplus en vue
La donne peut-elle changer l'année prochaine? La très grande majorité des bureaux d'études en doutent.
Bank of America s'attend à ce que les cours du Brent s'inscrivent en 2026 autour d'une moyenne de 60 dollars le baril (son cours actuel se situe justement autour de 60 dollars) avec un creux à 59 dollars au début de l'année.
La logique demeure simple: avec une offre qui progresse plus vite que la demande l'année prochaine, le marché sera en surplus.
L'établissement anticipe une hausse de la demande de 1 million de barils par jour tandis que, côté offre, les pays non membres de l'Opep+ augmenteraient de 800.000 barils par jour leur production.
Les membres du cartel continueraient, eux, de hausser leur propre production pour regagner les parts de marché perdues ces dernières années au bénéfice des pétroliers de schiste américains.
Il en résulterait un surplus d'au moins 2 millions de barils par jour, projette Bank of America. La banque prévient que les tensions géopolitiques constituent un facteur d'incertitudes à la hausse, au contraire d'une potentielle paix en Ukraine.
"Trois facteurs pourraient plafonner les prix du Brent autour de 50 dollars le baril si les risques baissiers se matérialisent. Premièrement, il n'est pas dans l'intérêt de l'Opep+ de faire baisser les prix beaucoup plus en raison de l'augmentation des besoins d'emprunt" de ses membres, avance la banque.
"Deuxièmement, la production de pétrole de schiste aux États-Unis est sur le point de stagner à 60 dollars le baril de Brent et pourrait se contracter considérablement si les prix baissent de 10 dollars par baril supplémentaires. Troisièmement, il existe encore une capacité de stockage suffisante et la Chine devrait continuer à constituer des réserves stratégiques de brut jusqu'en 2026", développe-t-elle par ailleurs.
Une demande faiblarde, selon Deutsche Bank
Deutsche Bank anticipe de son côté un Brent à 55 dollars le baril en 2026, avec un surplus quasi identique à celui de Bank of America, d'au moins 2 millions de barils par jour.
La banque allemande se montre assez peu optimiste sur la demande, la voyant progresser de 700.000 barils par jour l'an prochain. Ce chiffre s'avère nettement inférieur à la hausse de 1 million de barils par jour modélisée par plusieurs autres bureaux d'études.
"L'impact de l'électrification des véhicules contribue à cette sous-performance, bien que les préférences des consommateurs soutiennent davantage les hybrides que les véhicules électriques à batterie", formule l'établissement d'outre-Rhin.
"En comparant le premier trimestre 2026 au premier trimestre 2025, les taux de croissance égaux de l'offre de l'Opep+ et des pays non membres de l'Opep+, de 1,4 million à 1,5 million de barils par jour suffiraient chacun à eux seuls à dépasser la croissance de la demande mondiale de 700.000 barils par jour", poursuit-il.
"Additionnés, ils accentuent les préoccupations de surplus que nous voyons déjà se développer dans le stock mondial de stockage flottant", développe par ailleurs Deutsche Bank.
Citi n'attend pas non plus de rebond, tablant sur un Brent à 60 dollars en moyenne le baril au premier trimestre 2026 avant une moyenne de 62 dollars sur le reste de l'année.
L'établissement américain estime qu'un baril à 60 dollars constitue plus ou moins la limite critique. Sous ce seuil, les finances publiques saoudiennes se retrouvent sous pression et les producteurs américains de pétrole de schiste sont contraints de réduire la voilure.
En conséquence, Citi estime que si les prix tombent trop longtemps sous les 60 dollars, les États-Unis achèteront des réserves stratégiques et alourdiront les sanctions prises à l'égard de la Russie tandis que l'Opep+ réduira sa production.
À l'inverse, des prix du pétrole supérieurs à 60 dollars le baril de Brent pousseraient le cartel à utiliser ses capacités inexploitées. Ce qui pèserait ensuite sur les cours de marché.
UBS "constructive"
Par ailleurs, Citi projette un excédent de 0,8 million de barils par jour pour l'an prochain. Ce après avoir intégré deux éléments d'ajustements importants. Citi prend en compte 0,9 million d'achats de stocks stratégiques de la part de la Chine ainsi que des perturbations d'offre à hauteur de 0,5 million de barils par jour.
JPMorgan prévoit, elle, un Brent sous les 60 dollars le baril en 2026 et 2027 et prévient que les cours pourraient tomber dans la région des 40 dollars le baril si l'Opep+ n'intervient pas pour défendre les prix.
UBS est peut-être la seule banque un peu optimiste sur les cours de l'or noir, l'établissement suisse voyant le baril de Brent atteindre 65 dollars fin juin 2026 puis 67 dollars à fin décembre. Ce qui accorde un très léger potentiel à la matière première (+7%) au cours actuel (62,77 dollars à la clôture européenne de vendredi).
La banque suisse se dit "constructive". Si elle reconnaît qu'il y aura encore un surplus et donc un déséquilibre tendant vers l'offre, elle s'attend à ce que la trajectoire s'infléchisse à compter du second semestre 2026, avant de basculer vers un potentiel déficit en 2027.
Cette dynamique s'expliquerait par une accélération de la demande, avec une augmentation de 1,2 million de barils par jour en 2026 après 1 million en 2025, cette hausse étant tirée par les pays émergents (1 million de barils par jour). En face, la production de pétrole des pays non-membres de l'Opep+ ralentirait. UBS table sur 800.000 barils par jour après 1,4 million en 2025.
À noter que Goldman Sachs est, certes, prudente pour 2026, retenant un cours du Brent à 56 dollars le baril et un surplus de 2 millions de barils par jour. Mais à plus long terme, elle voit les cours remonter vers les 80 dollars le baril à la fin 2028, avec un rebond qui s'amorcerait à l'automne 2026. Citi, de son côté, juge que le Brent peut revenir à 65 dollars le baril à la fin de 2027.
(*) Les cours et les variations ont été arrêtés à la clôture européenne de vendredi soir.
