(BFM Bourse) - Si une majorité de biotechs françaises devraient à nouveau finir 2019 en repli, les signaux d'un renversement majeur de tendance se multiplient pour le secteur. Alors que depuis 2015 les échecs n'ont fait que s'enchaîner, on assiste depuis quelques séances à une floraison de bonnes nouvelles. Et vu la débâcle boursière des dernières années, l'écart de valorisation à combler est patent.
La traversée du désert entamée par les biotechs françaises en 2015 touche-t-elle à sa fin ? Au-delà d'une performance globale qui devrait rester négative à l'échelle de 2019, il est permis d'espérer en de meilleurs lendemains. Les frémissements observés sur certaines valeurs à partir d'octobre s'accompagnent désormais d'un certain nombre de réussites cliniques, y compris en phase avancée, c'est-à-dire à un stade de développement proche de la mise sur le marché. Dans un contexte d'extrême faiblesse de la valorisation des entreprises françaises de biotechnologies en comparaison non seulement des acteurs américains mais aussi de leurs homologues européennes, les ingrédients d'un rebond significatif semblent converger.
Remontons quelques années en arrière. Après plus d'une décennie de présence sur la cote parisienne pour les plus anciennes biotechs cotées, le secteur sortait de l'enfance au milieu des années 2010. Les investisseurs n'hésitaient pas à valoriser généreusement des projets au potentiel commercial attrayant quoi qu'encore en stade de développement intermédiaire. Plusieurs d'entre elles à l'image de Genfit et DBV Technologies atteignaient le statut de "licorne", avec une capitalisation supérieure au milliard d'euros (voir plus de 2 milliards). Et sans aller jusqu'au CAC 40, plusieurs avaient tout de même rejoint l'indice SBF 120.
Des échecs récurrents lors des essais cliniques
Premier coup de semonce en 2015 avec l'échec de Genfit à atteindre de façon statistiquement significative le critère d'efficacité prédéfini pour la phase 2b (essais cliniques intermédiaires) de son composé phare élafibranor dans la NASH (la maladie du foie gras humain), sanctionné par un effondrement de 44% de sa valeur en une séance. L'autre ex-licorne DBV a chuté à son tour de son piédestal en 2017, abandonnant 45% également en raison d'un manque de puissance statistique à la lecture des résultats de phase 3 (dernière phase des essais cliniques avant une éventuelle commercialisation) pour son traitement de l'allergie à l'arachide Viaskin Peanut. Et le tableau parmi les biotechs moins en vue était de la même eau avec des échecs cliniques, des retards majeurs ou des ruptures de partenariats également à déplorer chez Cerenis, Onxeo, Adocia, AB Science, Erytech, Theranexus, Biophytis, Valneva, Hybrigenics (liste hélas non exhaustive).
En affectant les valorisations, ces déceptions ont directement grevé la capacité des biotechs à se refinancer. Ceci alors que les besoins tendent à augmenter au fur et à mesure des essais cliniques (les dernières étapes étant les plus coûteuses). La plupart en stade de R&D, ces entreprises, dépourvues de tous revenus en dehors de quelques exceptions comme Oncodesign, dépendent donc de l'appétit des investisseurs pour leurs actions. Avec des valorisations au tapis, elles ont dû recourir à des financements "alternatifs", comme les lignes de financement en fonds propres, ne faisant que dégrader davantage leur valorisation à cause de leur effet dilutif, etc.
Une valorisation par molécule famélique
Mais le mouvement baissier est semble-t-il enfin arrivé au bout de sa logique. L'indice BiotechBourse France, un indice équipondéré conçu par le spécialiste du secteur Sacha Pouget, a touché début octobre 2019 un plus bas pluriannuel. Cet indice, destiné à illustrer la tendance globale du secteur tricolore, accusait déjà à cette date un repli à 2 chiffres depuis le début de l'année, comme lors des deux dernières années. "Si bien qu'on assistait alors à une distorsion (anomalie de marché) entre la valeur des projets et la valeur boursière", explique Sacha Pouget. Selon ses calculs, la valorisation moyenne par molécule en développement était tombée à 35 millions d'euros en France contre 150 millions en moyenne ailleurs en Europe.
Pour donner un autre exemple de cette distorsion, le spécialiste a aussi noté qu'à elles seules, les deux plus grandes biotechs belges, Galapagos et Argenx (composantes de l'indice phare bruxellois BEL20) valaient encore récemment.... quatre fois plus que l'ensemble des biotechs tricolores. "Le nombre d'essais menés en clinique par les deux Biotechs belges (13 essais en cours pour Galapagos et 7 pour Argenx) est pourtant cinq fois inférieur à ceux menés par les 38 biotechs françaises (104 essais en clinique)".
Rebond des biotechs aux Etats-Unis
Depuis octobre cependant, une vague de fusions-acquisitions outre-Atlantique a entraîné une vigoureuse accélération du Nasdaq Biotech Index, l'indice de référence américain, en hausse de plus de 25% en deux mois et demi. En retour, le mouvement a entraîné dans son sillage bon nombre de valeurs françaises malmenées, explique Sacha Pouget.

"Le rebond est parti des très petites capitalisations (en dessous de 50 millions d'euros). Il s'est maintenant étendu aux titres valant plus de 200 millions d'euros (DBV, Cellectis, Genfit, AB Science, Abivax)", détaille-t-il.
Par ailleurs, si l'actualité récente n'a pas été totalement exempte de déceptions, force est de reconnaître qu'on a eu "de nombreuses annonces positives (Gensight, AB Science, DBV et encore plus récemment Inventiva, Poxel, Nicox) qui ont fait oublier les quelques déconvenues (Innate, Sensorion, Transgene)".
Désormais, "la moitié de nos biotechs sont en bull market", observe encore le spécialiste ; c'est-à-dire que la moitié des 38 valeurs composant le bataillon français du secteur ont désormais repris 20% et plus par rapport à leur précédent plancher. "Je table sur un rattrapage significatif sur le secteur", conclut Sacha Pouget. "D'ailleurs, les volumes sont repartis à la hausse (passant de 10-15 millions d'euros à 20-25 millions d'euros au global), ce qui est un excellent signe pour la suite".