(BFM Bourse) - Le groupe au losange a enchaîné les mauvaises nouvelles en quelques dizaines de jours avec le départ de son emblématique directeur général, Luca de Meo, puis un lourd avertissement sur résultats. Le groupe table sur une amélioration de ses résultats au second semestre. Mais peut-il y arriver dans un environnement de marché si compliqué?
Jusqu'à présent, l'été s'est avéré bien cruel pour Renault. En quelques semaines, le constructeur au losange a dû faire face à deux annonces qui ont grippé le marché.
Le 15 juin, un dimanche, le groupe automobile a officialisé le départ de son emblématique directeur général, Luca de Meo, l'artisan du spectaculaire redressement de la société qui avait enchaîné auparavant les tempêtes (affaire Ghosn, Covid-19, crise des semi-conducteurs, sortie de la Russie, son second marché). Le dirigeant italien a décidé de partir diriger Kering, maison-mère de Gucci, en septembre prochain. Au lendemain de cette annonce, l'action a plongé de 8,7%.
Un peu plus d'un mois plus tard, le conseil d'administration Renaut a opté pour une candidature interne pour lui succéder, à savoir le discret François Provost.
Réputé proche de Luca de Meo, ce polytechnicien de 57 ans occupait auparavant le poste de directeur des achats, des partenariats et des affaires publiques, affichant 23 années d'ancienneté chez Renault. Le dirigeant reste assez peu connu de la communauté financière et du grand public, même s'il était apparu aux cotés de Luca de Meo en février dernier, lors d'auditions parlementaires.
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François Provost, le choix de la continuité dans le changement
Le président du conseil d'administration Jean-Dominique Senard a justifié ce choix devant les analystes lors de la présentation des résultats semestriels de Renault. Le dirigeant a évoqué sa "manœuvrabilité stratégique" qui sera "essentielle" au groupe "pour les prochains mois et années" et sa volonté de voir Renault "garder des standards élevés en termes de performances".
Jean-Dominique Senard a aussi souligné que la nomination de François Provost reflétait "la continuité avec ce que nous avons vécu au cours des cinq dernières années (c'est-à-dire le mandat de Luca de Meo, NDLR)" même si le dirigeant français "a les yeux ouverts sur ce qui doit être changé ou maintenu".
Lors de sa première intervention, François Provost a, en effet, tenu un discours en phase avec celui de son prédécesseur italien. Le nouveau directeur général a déclaré que la société devait être "obsédée par la compétitivité" et a assuré que Renault continuerait de privilégier "la valeur aux volumes", le mantra de Luca de Meo. "Chaque véhicule que nous vendons doit renforcer nos marques, notre rentabilité et les bénéfices du groupe", a-t-il assuré.
La véritable première annonce qu'a réservée François Provost au marché reste toutefois le report au premier trimestre 2026 de la présentation de "Futurama", le prochain plan stratégique de Renault. Luca de Meo, qui avait commencé à élaborer ce plan, comptait initialement le présenter à la fin de 2025. François Provost a expliqué qu'il lui fallait le temps d'établir son diagnostic et de prendre en compte un marché automobile qui subit "des disruptions (des perturbations, NDLR) sans précédents".
Un lourd avertissement sur résultats
Entre l'officialisation du départ de Luca de Meo et la nomination de François Provost, Renault avait livré une deuxième annonce au marché qui a malmené son cours de Bourse. Le groupe a émis dans la soirée du 15 juillet un lourd avertissement sur résultats.
La société avait été contrainte d'abaisser ses perspectives pour 2025, ramenant sa cible de marge opérationnelle autour de 6,5% contre au moins 7% précédemment, et celle de flux de trésorerie libre à une fourchette comprise entre 1 milliard et 1,5 milliard d'euros, contre plus de 2 milliards d'euros auparavant.
Le constructeur automobile avait invoqué plusieurs motifs justifiant l'abaissement de ces perspectives. "Ces résultats ont été pénalisés par une performance plus faible qu'anticipé en juin, avec des volumes légèrement inférieurs aux attentes, une pression commerciale de plus en plus forte due au recul continue du marché 'retail (le canal des particuliers), et la sous-performance de notre activité de véhicules utilitaires dans un marché en fort repli", avait listé le directeur financier, Duncan Minto, qui a pris ses fonctions en mars dernier. La concurrence accrue des rivaux du groupe a également pesé.
L'action avait dévissé de 18,5% le 16 juillet, au lendemain de cet avertissement, accusant son plus fort repli sur une séance depuis mars 2020, lors de l'éclatement de la pandémie. Sur l'ensemble de 2025, Renault chute désormais de 31,1%, la pire performance du CAC 40 derrière Stellantis (-36,05%).
Des "leviers" à actionner pour rebondir
Renault compte inverser la tendance au second semestre. C'est d'ailleurs ce qu'impliquent ses objectifs puisque la marge opérationnelle est tombée à 6% au premier semestre (contre donc 6,5% visé en 2025) et que la société n'a dégagé que 47 millions d'euros de flux de trésorerie (contre une cible de 1 milliard à 1,5 milliard d'euros sur l'année), pénalisée notamment par des reports de facturations.
François Provost a mentionné un certain nombre de "leviers" que la société actionnera pour accélérer sur la seconde partie de 2025, avant de livrer, donc, son plan stratégique début 2026. Le dirigeant a expliqué que l'entreprise s'attendait à de meilleurs volumes au second semestre qu'au premier, période au cours de laquelle les volumes avaient eu un impact positif de 1,1 point de pourcentage sur les revenus.
Cette progression séquentielle sera portée par les importantes commandes du mois de juin (+6% sur un an), la montée en puissance des nouveaux lancements, comme le Bigster, le SUV de Dacia, et une augmentation des ventes aux partenaires, avec notamment la production de la Nissan Micra, d'un SUV pour Mitsubishi, ainsi que du Polestar 4 (du constructeur suédois Polestar) en Corée du Sud, avait-il détaillé.
Les analystes s'avèrent quelque peu partagés sur le potentiel rebond de la société au second semestre.
"D'après nos conversations avec les investisseurs, nous constatons que la stratégie en termes de modèles et les changements en matière de coûts qui ont transformé Renault au cours des cinq dernières années continuent d'être reconnus", écrit Bernstein.
L'intermédiaire financier note que les derniers lancements d'automobiles de la société dans l'électrique se portent bien.
La R5 était le septième véhicule électrique le plus vendu en Europe au premier semestre, et le premier sur le segment B, celui des petites citadines. La Renault 4 commence tout juste à être livrée à ses clients, avec un temps d'attente de quatre mois contre trois mois pour la R5, observe Bernstein. "La 'product story' (l'atout du groupe que constituent les nouveaux véhicules commercialisés, NDLR) reste intacte", tranche le bureau d'études.
Une action qui restera "sur la touche"?
Pour autant, l'intermédiaire financier se montre prudent. "Avec un nouveau directeur général qui a jusqu'à présent fait profil en termes de notoriété publique, un nouveau directeur financier en la personne de Duncan Minto qui doit désormais réparer les dégâts causés par l'avertissement sur résultats de juillet, un nouveau responsable des relations avec les investisseurs, Florent Chaix, qui occupait auparavant le deuxième poste dans l'équipe (derrière Philippine de Schonen, qui quittera le groupe en septembre, NDLR), et le report de la journée dédiée aux investisseurs initialement prévue au quatrième trimestre 2025 à une date indéterminée au premier trimestre 2026, le niveau de risque pour les investisseurs sur Renault a inévitablement augmenté", développe Bernstein. Le bureau d'études a abaissé lundi son objectif de cours à 42 euros contre 65 euros précédemment.
UBS s'avère relativement circonspecte. "Renault dispose de quelques leviers exploitables pour améliorer ses performances au second semestre. Mais dans le secteur automobile, lorsqu'il y a une inflexion, il est généralement difficile d'inverser le début d'une tendance, qui peut même être amplifiée dans un premier temps (voir les précédents récents avec d'autres constructeurs)", prévient la banque suisse, dans une récente note.
En conséquence, l'établissement helvétique estime que les investisseurs attendront avant d'accorder le bénéfice du doute à Renault et à sa nouvelle direction.
UBS avance également que les actions des groupes automobiles ne connaissent généralement pas de "re-rating" (une amélioration des multiples boursiers) lorsque les marges "se normalisent", comme c'est le cas de Renault. "Pour toutes ces raisons, nous prévoyons que le titre (Renault, NDLR) continuera à rester sur la touche au cours des prochains mois, mais nous reconnaissons également que le risque de baisse est limité après la forte correction du cours de l'action", conclut la banque suisse.
Oddo BHF se veut constructif. "Nous pensons que le nouveau directeur général apportera la visibilité dont l'entreprise a tant besoin, et nous continuons de croire en la capacité de Renault à se redresser rapidement sur le plan financier après ce premier semestre difficile, sans parler de sa valorisation très intéressante", avec un ratio cours de l'action sur bénéfice par action attendu à 4,8, a écrit le courtier dans une note publiée le 31 juillet au matin..
Alphavalue s'avère également optimiste. "Nous estimons que la réaction du marché à l'avertissement sur les résultats et au départ de Luca de Meo a été excessive. Les fondamentaux de Renault restent solides", fait valoir le bureau d'études indépendant.
"Le processus mis en place par le nouveau directeur général pour regagner la confiance des investisseurs pourrait s'avérer long compte tenu du contexte difficile, mais la journée dédiée aux investisseurs de 2026 devrait lui permettre de tirer parti de son expérience en tant qu'initié (au sein de l'entreprise, NDLR) pour s'attaquer aux opérations et à la stratégie", poursuit-il.
"Nous prévoyons une exécution opérationnelle efficace et un portefeuille de véhicules solide, soutenu par le lancement de nouveaux produits, notamment la Dacia Bigster, qui permettront à Renault de maintenir ses performances au cours de l'exercice 2025, de gagner des parts de marché en Europe et de dépasser la croissance du marché", anticipe Alphavalue.
Le bureau d'études indépendant cite d'autres facteurs d'amélioration des résultats, notamment des pertes réduites chez Ampere, la division de technologies et véhicules électriques de Renault, grâce à une proportion croissante de véhicules électriques dans la répartition des ventes de la société. Il cite aussi une reprise progressive chez Alpine ou encore une amélioration de la performance hors Europe, notamment en Inde et en Amérique latine.
Alphavalue table également sur un "fort rebond" de l'effet 'mix-prix' (l'impact de la répartition des ventes et de la politique tarifaire) sur la marge au second semestre, après une contribution négative sur les six premiers mois de l'année.
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