(BFM Bourse) - Le secteur a reculé mardi après que la Commission européenne a décidé de renoncer au 100% électrique en 2035, pour revenir à 90%, sous réserve de compensations via l'usage d'acier bas carbone ou de biocarburants. Le strict minimum pour Citi qui n'y voir guère d'aide à la compétitivité tandis qu'UBS évoque une déception.
La dérégulation de l'économie constitue l'un des grands axes de la politique de Donald Trump. L'automobile est aux premières loges de ce grand mouvement de fond voulu par le président américain.
Ce dernier s'est attelé à détricoter les mesures d'électrification prises par l'administration Biden.
Les crédits d'impôts allant jusqu'à 7.500 dollars pour l'achat d'un véhicule électrique ont été supprimés. De même que les potentiels amendes pour les constructeurs automobile si les seuils d'émission de dioxyde de carbone ne sont pas respectés.
Résultat: les ventes de véhicules électriques ont chuté de plus 40% en novembre aux États-Unis. Ford, de son côté, a annoncé en début de semaine prendre un virage qui ressemble beaucoup à une bataille en retraite sur l'électrique.
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Depuis plusieurs semaines, analystes et investisseurs s'attendent à ce que l'Europe suive le pas.
Les bureaux d'études ont anticipé des annonces fortes, comme l'abandon de la cible de réduction d'émissions de CO2 de 100% à l'horizon 2035 (par rapport à la période 2021-2024).
Cet objectif européen revenait tout simplement à acter le fait que les nouvelles voitures produites en 2035 seraient exclusivement des véhicules électriques à batteries ou à hydrogène (des exceptions existant pour les marques à très faible volumes).
Rappelons que les ventes de véhicules électriques sont bien moins rentables que celles des automobiles à motorisation thermiques.
Un catalyseur en forme de pétard mouillé
Si bien que Bank of America jugeait, dans une récente note, que l'annonce de la Commission européenne pourrait constituer un catalyseur pour le secteur.
L'établissement pensait que l'Europe pourrait retarder de cinq ans l'interdiction des véhicules thermiques. "Dans un scénario extrême, les objectifs de CO2 pour 2035 (qui exigent actuellement une réduction de 100%) pourraient être réduits de 50%", ajoutait Bank of America.
In fine, la Commission européenne a annoncé mardi, en fin d'après-midi, une batterie de propositions pour alléger un peu la pression réglementaire.
Bruxelles compte diminuer les émissions de CO2 non plus de 100% à l'horizon 2035, mais de 90%, permettant ainsi aux ventes d'hybrides et de thermiques de se poursuivre au-delà de cet horizon.
"Les 10% restants devront être compensés par l'utilisation d'acier à faible teneur en carbone fabriqué dans l'Union, ou provenant de carburants synthétiques et de biocarburants", précise la Commission.
Concernant les véhicules utilitaires légers, la cible de réduction des émissions a été abaissée à 50% d'ici 2030 contre 40% précédemment. Certains véhicules électriques de petite taille (4,2 mètres de long) bénéficieront en outre de "super crédits" d'émissions de CO2, avec un coefficient multiplicateur de 1,3 par vente.
Les actions du secteur baissent
Ces annonces n'ont pas emballé le marché, au contraire. Renault, constructeur automobile le plus exposé à l'Europe (70% des ventes, 80% du chiffre d'affaires, selon Bank of America) a perdu près de 2% mardi et recule de 0,3% ce mercredi 17 décembre.
Stellantis a peu bougé mardi (+0,16%) et cède 1,54% tandis que Volkswagen a baissé de 1,2% mardi et redonne encore 2% ce mercredi.
Les analystes spécialisés dans l'automobile se montrent circonspects vis-à-vis des propositions livrées par la Commission européenne.
Citi parle d'un "strict minimum". "Bien que nous considérions tout changement des réglementations de l'Union européenne comme positif, il semble également clair que l'Union européenne maintient son agenda environnemental au détriment de la compétitivité de l'industrie automobile de l'Union et des emplois dans le secteur automobile", souligne la banque.
Et ce "malgré les récentes fermetures plutôt alarmantes de capacités (des usines, NDLR) allemandes par Volkswagen - et en contraste avec le soutien accordé par les gouvernements à leurs homologues américains et chinois", tacle l'établissement.
"Alors que de nombreux investisseurs considèrent déjà l'industrie automobile européenne comme "non investissable" par rapport à ses concurrents américains et chinois, nous pensons que ces changements annoncés par l'Europe ne modifieront pas cette conclusion", épingle encore la banque américaine.
Certes, ces nouvelles règles introduisent davantage de flexibilités pour les constructeurs et sont ainsi synonymes d'impact moins violents sur les marges et les flux de trésorerie.
"De plus, permettre aux constructeurs de proposer des modèles avec des groupes motopropulseurs que les consommateurs souhaitent acheter devrait leur permettre d'éviter des guerres de prix coûteuses et inutiles pendant une période plus longue. Les véhicules hybrides rechargeables (PHEV) à plus grande autonomie sont probablement les grands gagnants de ces changements proposés", poursuit Citi.
Des attentes élevées
Pour autant, les groupes automobiles européens continuent de faire face à un lourd désavantage réglementaire en comparaison avec leurs concurrents chinois et américain, prévient l'établissement.
"Bien que le fardeau net négatif de la législation européenne sur le CO2 puisse être quelque peu réduit grâce aux modifications proposées aujourd'hui, l'Union européenne a de nouveau manqué une occasion de soutenir plus fermement l'industrie automobile vitale de l'Europe", assène la banque.
"Si tous les constructeurs européens continueront à supporter ce fardeau, les coûts élevés sur la compétitivité de cette législation restent probablement les plus importants pour les constructeurs 'mass market' tels que Renault, Stellantis et Volkswagen, alors qu'ils font face à des menaces concurrentielles chinoises croissantes", ajoute Citi.
Pour UBS, l'Europe n'a pas répondu aux espoirs "bullish" (optimistes) du marché.
"Le nouveau paquet (de mesures annoncées, NDLR) est un soulagement modéré par rapport au statu quo, mais pourrait être perçu comme une déception par rapport aux attentes élevées du marché", résume la banque suisse.
"La plupart du contenu n'a une pertinence financière qu'à partir de 2030, par conséquent, l'impact sur les résultats (des constructeurs, NDLR) à court terme est très limité", poursuit l'établissement.
"La partie la moins certaine du paquet (et donc un point positif supplémentaire) est le petit super-crédit pour les véhicules électriques à batterie, qui aidera Stellantis et Renault à atteindre la conformité (en matière d'émissions, NDLR) également à court terme. La bouée de sauvetage fournie pour les vaches à lait des constructeurs allemands haut de gamme après 2035 est un léger point positif à long terme, mais ne change pas les perspectives fondamentales", énumère UBS.
"Au mieux, on pourrait interpréter l'annonce d'aujourd'hui comme un signal que l'Europe n'ignore pas les défis de l'industrie automobile, mais l'Europe a également clairement indiqué qu'un virage à 180 degrés dans la politique climatique n'était pas envisageable", conclut la banque suisse.
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