(BFM Bourse) - L'arrivée de la candidate du Rassemblement national au deuxième tour pour la deuxième fois avait été largement anticipée par les investisseurs.
Pas de surprise pour le deuxième tour de l'élection présidentielle. Comme prévu par les sondages, c'est le président sortant Emmanuel Macron (LREM) qui est arrivé en tête des suffrages lors du premier tour de l'élection présidentielle (avec 27,85% des voix), suivi par la candidate du Rassemblement national Marine Le Pen (23,15%). Si la poussée de Jean-Luc Mélenchon, qui arrive juste derrière (21,95% des voix), était moins attendue, s'agissant des têtes d'affiche appelées à s'affronter au second tour c'est le scénario pressenti qui s'est concrétisé. Et de fait, les marchés digèrent la nouvelle ce lundi sans broncher.
Après avoir un peu hésité dans la matinée, la Bourse de paris a repris de l'élan, avec une progression du CAC 40 de 0,86% vers 13h00 à 6.604 points.
Même constat lorsqu'on regarde les taux d'intérêt des obligations souveraines. Toujours vers 13h, les taux de l'OAT française à 10 ans se tendent très légèrement (+1,06%) à 1,282%. La hausse n'est donc pas spectaculaire. Certes, ce taux est désormais au plus haut depuis 2014. Mais sa remontée a commencé en décembre dernier (le taux tournait alors autour de 0%) et est surtout à mettre sur le compte du dérapage de l'inflation un peu partout dans les pays développés et du resserrement accéléré des politiques monétaires des grandes banques centrales. Pour l'instant donc, un éventuel "effet Le Pen" semble très limité.
Réduction de l'écart avec l'Allemagne
On notera que le spread avec l'Allemagne (autrement dit l'écart constaté entre le taux souverain français et celui du Bund allemand, lequel fait office de référence) s'est même un peu réduit et atteint 49 points de base (ou 0,49 point de pourcentage), contre 53 points de base en fin de semaine dernière (comme le souligne L'Agefi). D'ailleurs, le taux du Bund allemand progresse lui nettement (pratiquement de +10%) pour atteindre 0,78%.
"Les marchés apparaissent modérément soulagés à l’idée de ne pas avoir deux candidats de formations politiques radicales au second tour mais ne sont pas pour autant rassurés à l’idée d’avoir un second tour indécis", résume Guillaume Dejean, Senior macro & FX strategist pour Western Union. "Nous sommes quand même assez loin d’une phase de détente massive sur les marchés européens même si quelques signaux de court terme ont pointé vers un petit "soulagement"", analyse de son côté Alexandre Baradez, responsable de l’analyse marchés chez IG France.
"Il ne faut pas perdre de vue que les marchés jugent à court terme les résultats de ce premier tour mais que l’actualité mondiale reste dominée par la crise ukrainienne avec ses répercussions sur l’ensemble des marchés mondiaux, que ce soit les devises, les matières premières ou encore les indices. Sans oublier une situation sanitaire toujours tendue en Chine dont les confinements font à nouveau craindre un accroissement des tensions logistiques et donc des pénuries accompagnées de tensions inflationnistes. L’actualité française, qui est aussi une actualité clairement européenne, va donc continuer de se mêler aux questions géopolitiques, monétaires et sanitaires dans les 15 jours qui viennent", explique Alexandre Baradez.
"En Europe, et plus particulièrement en France, l’actualité demeure politique, le CAC 40 demeure stable ce matin à l’issue du 1er tour des présidentielles, malgré le fait que le président sortant ne dispose que d’une courte avance face à sa rivale du Rassemblement national. Marine Le Pen n’a jamais été aussi proche de l’emporter. Réputée anti-européenne et pro-Poutine, sa victoire pourrait engendrer une onde de choc sur les marchés, comparable à celle provoquée par la victoire du Brexit ou de Trump en 2016", juge pour sa part Antoine Fraysse-Soulier, responsable de l'analyse de marchés pour eToro.
Les secteurs de la défense et de la construction surperforment
Du côté des changes, autre élément important à regarder quant à une éventuelle nervosité des marchés pour l'élection présidentielle, l'euro grignote quelques points face au dollar, avec une parité à 1,0905 vers 13h15. "L’euro pourrait connaître un certain soulagement (momentané) après la victoire d’Emmanuel Macron au premier tour cependant, c’est la guerre en Ukraine qui fait évoluer ces derniers temps la monnaie unique", anticipait dans sa note matinale John Plassard, directeur adjoint de l'investissement chez Mirabaud.
Du côté des secteurs à surveiller ce lundi, le gérant distingue en fonction des programmes des candidats les secteurs "pro-Macron" qui bénéficieraient davantage des réformes envisagées (à savoir les secteurs "financiers, industriels, défense, matériaux de construction") et les secteurs "pro-Le Pen" ("immobilier, biens de consommation, opérateurs télécoms").
En regardant l'évolution des valeurs ce lundi, le constat n'est pas net. Certes, les leaders de l'immobilier et des matériaux de construction ont tendance à faire mieux que le marché par exemple: +3,23% pour Vinci, +1,85% pour Bouygues, +1,65% pour Saint-Gobain ou encore +1,29% pour Nexity (contre +0,76% à la même heure pour le CAC 40). Mais à l'inverse, ceux de la distribution sous-performent: +0,69% pour Carrefour et même -1,45% pour Casino.
De son côté, le secteur de la défense est effectivement plutôt recherché ce lundi: +3,29% pour Thales, +5,96% pour Dassault Aviation.
Il faudra sans doute attendre quelques jours, que les sondages du deuxième tour se précisent, pour observer des mouvements plus nets. Pour l'instant, les sondages annoncent un match beaucoup plus serré qu'en 2017, avec Emmanuel Macron devançant d'une courte tête Marine Le Pen (52% contre 48%, selon notre sondage Elabe pour BFMTV et L'Express avec notre partenaire SFR). Si l'écart se réduit voire si Marine Le Pen renverse la tendance, les marchés pourraient davantage se tendre, même si la candidate du RN a largement adouci son programme vis-à-vis de l'Union européenne, l'un des points qui inquiétaient le plus les gérants lors de la précédente présidentielle.