(BFM Bourse) - La taxation à outrance des échanges commerciaux va-t-elle précipiter l'économie en récession, ou à tout le moins entraîner un ralentissement ? La question a amené les investisseurs à prendre leurs distances ce mois ci envers les actions, face à levée des barrières douanières de la part des Etats-Unis. Au final le CAC 40 a signé sa plus mauvaise performance mensuelle depuis octobre 2018.
La Bourse de Paris a cédé 0,79% vendredi à 5207,63 points dans un volume d'échanges de 3,6 milliard d'euros déjà échangés. Ce faisant l'indice tricolore a quelque peu limité son repli par rapport à la mi-séance (où la baisse atteignait -1,6%) mais n'enregistre pas moins une nette baisse hebdomadaire (-2,05%). Et le mois de mai se solde par une chute de 6,78%, certes après quatre mois consécutif dans le vert depuis le début de l'année. L'indice n'avait pas autant baissé en un mois depuis octobre 2018.
Déjà en pleine altercation douanière avec la Chine depuis le 5 mai dernier, le président américain a tout à coup dégainé contre le Mexique. Le président américain a annoncé qu'il entendait appliquer dès le 10 juin une surtaxe de 5% sur les produits venus du Mexique, au motif que le voisin des USA n'en fait pas assez pour limiter l'émigration illégale (l'Amérique est envahie par des centaines de milliers d'intrus, à l'entendre). Et "si la crise persiste", le taux sera augmenté de 5% tous les mois jusqu'à atteindre 25% en octobre.
Or ce pays voisin des Etats-Unis n'est autre que le quatrième exportateur mondial d'automobiles, abritant de nombreuses usines de la plupart des constructeurs et équipementiers mondiaux.
Selon Paul Donovan, économiste chez UBS, l'application de taxes supplémentaires sur les produits mexicains pourrait être doublement pénalisante. En effet le Mexique avait pris des parts de marché à la Chine ces derniers mois. Si les biens mexicains sont à leur tour davantage taxés, il deviendra difficile aux consommateurs américains d'échapper à un renchérissement des produits de grande consommation. De plus, l'économie (y compris celle des Etats-Unis) repose depuis ces 25 dernières années sur une logistique mondialisée. Si les chaînes d'approvisionnement soigneusement bâties sont perturbées, les entreprises devront réévaluer entièrement leurs modèles.
Craignant de voir ainsi sapée la compétitivité d'un maillon essentiel de l'industrie automobile, les investisseurs se détournent donc du secteur automobile vendredi. Du côté français par exemple, Faurecia qui compte 15 usines au Mexique a cédé 3,6%. Plastic Omnium et Valeo qui en comptent plus d'une dizaine chacun ont reculé de 1,8% et 2,1% respectivement.
Renault a lâché 4,6%, le titre souffrant davantage que Peugeot (-0,6% seulement à la clôture) compte tenu de ses liens avec Nissan, l'un des constructeurs les plus largement implantés au Mexique. De plus, un possible achoppement des discussions avec Fiat Chrysler est apparu jeudi sur le sujet du prix dans le cadre de la proposition de mariage soumise par l'italo-américain.
Parmi les autres baisses notables du jour, le dégonflement de la spéculation a freiné Europacorp (-11,4%). Enfin le secteur bancaire a subi la révision en baisse des objectifs de Jefferies sur la plupart des titres dont BNP Paribas (-1,15%) ou Crédit Agricole (-0,9%).
Il fallait une nouvelle fois se tourner vers le secteur biotech (généralement gouverné par des facteurs non corrélés à la conjoncture), pour trouver une hausse notable comme celle d'Innate Pharma (+2%). La société a profité de la publication dans la très (très) prestigieuse revue scientifique Cell de données, obtenues par ses équipes en collaboration avec l'Université Aix-Marseille et le cluster Marseille Immunopôle, démontrant le potentiel de cellules tueuses multifonctionnelles dans le traitement des cancers.
Sur le marché des changes, l'euro parvenait à reprendre 0,22% à 1,1155 dollar en fin de séance européenne. Au contraire, les cours du pétrole flanchaient avec les craintes sur le commerce mondial. Le WTI perdait 2,7% à 55,06 dollars et le Brent 3,21% à 63,23 dollars.