(BFM Bourse) - Le portefeuille de participations cotées de l'Agence des participations de l'État affiche une performance largement supérieure à celle de l'indice parisien. Ce qui s'explique par le fait que l'État détient les participations sur des secteurs en vogue depuis le début de l'année.
Depuis le début de l'année, le CAC 40 signe une performance mi-figue mi-raisin. L'indice phare de la Bourse de Paris s'adjuge 5,03%.
C'est à la fois bien mieux que le S&P 500, le plus important baromètre de Wall Street, qui prend seulement 0,57%, mais bien moins que le DAX 40 de Francfort (+20,53%). Même si dans ce cas précis, il convient de prendre le CAC 40 GR, c'est-à-dire avec dividende réinvesti, pour avoir la même base de comparaison avec l'indice allemand. Mais même dans ce cas de figure, le DAX est largement devant, le CAC 40 GR ne prenant que 8,2%. Le FTSE Mib de Milan bat également le CAC 40, avec une hausse de 17,26%.
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Au-delà des autres indices européens, un portefeuille éclipse totalement le CAC 40: celui de l'État français. L'Agence des participations de l'État (APE) possède 10 participations dans des entreprises cotées (et un peu plus de 70 dans des groupes non cotés).
Au dernier pointage publié par l'APE, le 24 avril dernier, ce portefeuille de 10 participations cotées était valorisé à 60,74 milliards d'euros et affichait une performance de 13,13% entre le 1er janvier et le 24 avril, contre une hausse de seulement 1,65% pour le CAC 40 sur cette période, soit donc huit fois plus.
Un calcul sur la simple base des capitalisations boursières de ces 10 groupes au 28 mai montre que la valeur de ce portefeuille a encore progressé depuis.
Selon ce calcul simplifié effectué par nos soins, le portefeuille de l'APE était valorisé à cette date à 67,2 milliards d'euros, ce qui traduit une performance brute d'un peu plus de 25% depuis le 1er janvier (contre 5% pour le CAC 40 donc).
Thales et la défense, la bonne pioche
Comment expliquer que le portefeuille de participations cotées de l'État surperforme à ce point le CAC 40? La réponse est en réalité assez simple.
Une grande partie des actions présentes dans ce portefeuille appartiennent à des secteurs qui ont eu le vent en poupe depuis le début de l'année, c'est-à-dire l'aéronautique et la défense, mais aussi les télécoms et les "utilities" (les services aux collectivités, comme la fourniture d'électricité, gaz ou traitement des déchets). Ces entreprises évoluent sur des marchés locaux et ont ainsi résisté aux turbulences de marché causées par les droits de douane américains.
Dans le détail, le portefeuille de l'APE comprend l'une des deux stars du CAC 40 sur cette première partie de 2025, à savoir Thales (l'autre étant Société Générale avec une hausse de 76,2% depuis le 1er janvier). Le groupe de technologies et de défense s'adjuge 92,9% depuis le début de l'année. Avec cette progression, Thales est désormais la plus importante participation de l'État dans une société cotée, les quelque 26,6% que détient l'APE au capital étant valorisés à environ 14,9 milliards d'euros.
Thales a bénéficié de la ruée des investisseurs vers les groupes de défense européens, cette année. En témoignent les performances de Dassault Aviation (61,7%) et surtout de l'allemand Rheinmetall (+207%), qui fournit notamment des blindés à l'armée allemande.
Depuis le début de l'année, les dirigeants européens ont multiplié les annonces visant à réarmer l'Europe, l'Allemagne en tête. Au vu des déclarations parfois provocatrices de l'administration américaine sur l'engagement des États-Unis au sein de l'Otan (Organisation du traité de l'Atlantique du Nord), les Européens ont compris qu'ils devraient davantage compter sur eux-mêmes et moins sur les États-Unis pour assurer leur sécurité. À l'heure actuelle, les États-Unis représentent environ 70% des dépenses de l'Otan, selon le bureau d'études indépendant Alphavalue.
Un réveil brutal s'est ainsi opéré. "L'Europe a clairement changé de paradigme en matière de dépenses de défense. Ce changement a été déclenché par le risque que les États-Unis retirent leur soutien à l'Ukraine dans la guerre en cours et par le sentiment que la protection qu'ils accordent à l'Europe est menacée, en particulier dans le contexte d'un conflit potentiel avec la Russie", expliquait en mars Jefferies.
Orange et Engie, des valeurs défensives
Ce mouvement sur les titres de défense a bénéficié dans une moindre mesure à Airbus (+5,5%) et Safran (+22,4%), deux entreprises au sein desquelles l'APE détient respectivement 10,8% et 11,6% du capital, et qui constituent les deuxième et troisième plus importantes participations de l'agence. Ces deux groupes sont bien moins exposés à la défense que Thales, ce segment représentant autour de 15% à 20% de leurs revenus contre 53,3% pour le groupe dirigé par Patrice Caine.
Safran et Airbus ont par ailleurs livré des publications solides au titre du premier trimestre. Le premier a été soutenu par le dynamisme de ses activités d'après-vente, notamment les ventes de pièces de rechange, tandis que le second a largement dépassé les attentes et a rassuré sur l'impact des droits de douane sur sa chaîne logistique.
Quatrième plus importante participation de l'État, Engie prend 24% depuis le début de l'année. Comme dit précédemment, le groupe a bénéficié du regain d'intérêt du marché pour les "utilities", secteur qui a constitué un bassin de valeurs refuges pour les investisseurs face à l'incertitude provoquée par les droits de douane. Engie a également ravi par deux fois la Bourse en publiant d'abord ses résultats annuels, en mars, puis ses comptes du premier trimestre. La première fois, le groupe avait livré des perspectives engageantes. La seconde fois, le groupe avait dépassé les attentes des analystes grâce notamment à la bonne performance de sa division d'infrastructures de gaz et de réseaux électriques.
Orange, sixième plus importante participation de l'APE, s'adjuge pour sa part 36,4% depuis le début de l'année. Comme nous l'expliquions dans un récent article le groupe s'offre un réveil boursier assez insoupçonné. En résumé, Orange a livré des objectifs plus ambitieux que redouté par les analystes pour 2025 en France, a bénéficié de son statut de valeur défensive et a été porté par des spéculations d'une consolidation du secteur des télécoms en France.
Les autres valeurs dans le portefeuille de l'APE connaissent des évolutions, dans l'ensemble, moins flamboyantes. Air France-KLM gagne 19,2%, ADP ne prend que 5,7%, Renault avance de 2%, quand FDJ United et Eramet reculent respectivement de 13,1% et 4,3%.
Ces cinq valeurs ne représentent toutefois que 15% de la valeur totale du portefeuille de l'APE contre donc 85% pour Thales, Airbus, Safran, Engie et Orange.
Évidemment l'État actionnaire n'a pas vocation à investir dans des sociétés comme un actionnaire traditionnel, qui se concentrerait sur la performance pure et dure. "L’État n’est pas un actionnaire comme un autre", jugeait la Cour des comptes dans un rapport de 2017. Les enjeux de souverainetés priment. "La mission de l’APE est de gérer le portefeuille de participations de l’État, investisseur en fonds propres dans des entreprises jugées stratégiques, pour stabiliser leur capital et les accompagner dans leur développement et leur transformation", souligne d'ailleurs l'agence sur son site.
Rappelons également qu'outre l'État, des organismes publics et parapublics possèdent des participations dans des groupes cotés. C'est le cas de Bpifrance, actionnaire de Stellantis, Worldline ou encore Eutelsat, ou plus récemment de Veolia et de la Caisse des dépôts et consignations, présente au capital d'Emeis (ex-Orpea), d'Euronext, d'Icade, ou encore de la Compagnie des Alpes.