(BFM Bourse) - La compagnie aérienne a décidé d'avoir recours à une "pilule empoisonnée" pour repousser les assauts du fonds activiste Eliott Management.
Peu connue du grand public français, Southwest Airlines est pourtant la plus grande compagnie aérienne à bas coûts au monde. Créée dans le début des années 70, cette compagnie américaine s'est distinguée dans l'univers du transport aérien par ses hôtesses surnommées les "Love Birds" et par son slogan "Quelqu'un d'autre qui vous aime". Son logo est accompagné d'un petit cœur aux trois couleurs bleu, rouge et jaune.
Ce qui a d'ailleurs inspiré le code mnémo - un code unique permettant de désigner une action par quelques lettres seulement - de cette entreprise cotée en Bourse. Il s'agit du code "LUV", soit love en phonétique ou amour en bon français.
Or, l'histoire du jour est très loin de figurer dans la catégorie romance. Southwest Airlines a dû monter au créneau pour repousser les avances d'un prétendant un peu trop insistant. Le prétendant en question est un sérieux client puisqu’il s'agit du puissant fonds activiste Eliott Management, qui a annoncé avoir pris 11% du capital de la compagnie aérienne dans une lettre adressée au conseil d'administration en juin dernier. Cela représente une participation de 1,9 milliard de dollars.
Fidèle à son mode opératoire, Eliott s'invite au capital de sociétés affaiblies ou montrant des failles dans leur organisation pour engager ensuite un bas de fer avec leur direction afin d'obtenir gain de cause
Dans cette même missive, le fonds activiste a pointé plusieurs axes d'améliorations. Il souhaite par exemple une refonte de l'équipe dirigeante, et un changement drastique de la stratégie commerciale de la compagnie aérienne. Eliott Management relève à ce titre la sous-performance de Southwest Airlines en Bourse, avec une action qui a perdu plus de la moitié de sa valeur au cours des trois dernières années. Elle se négocie désormais à des niveaux inférieurs à ceux de mars 2020, soit légèrement au-dessus des 30 dollars. Selon le fonds activiste, ces diverses recommandations auraient pour vertu de redonner du carburant au titre, et donc de le faire décoller de 77% sur un an, détaille Marketwatch.
Une "pilule empoisonnée"
Pour se protéger de l'assaillant, le conseil d'administration a annoncé ce mercredi qu'elle avait en effet adopté un plan de droits des actionnaires pour une durée limitée. Ce programme a pris effet immédiatement et devrait expirer dans un an.
"À la lumière de la possibilité pour Elliott d'augmenter considérablement sa position dans Southwest Airlines, le conseil d'administration a déterminé qu'il était prudent d'adopter ce plan afin de remplir ses obligations envers tous les actionnaires", a déclaré Gary Kelly, président exécutif du conseil d'administration de Southwest Airlines.
Ce plan est aussi connu sous l'expression "poison pill", un terme inventé par le célèbre avocat américain Martin Lipton. Ces mécanismes anti-OPA (offre publique d'achat) qui prennent la forme d’options ou d’instruments - comme des bons de souscriptions en actions (BSA) – et qui permettent à des actionnaires autres que l’assaillant d’acquérir des actions à des conditions avantageuses et donc d’augmenter le capital en cas d’OPA hostile.
Ce qui par définition dilue le pouvoir du potentiel acquéreur et rend la prise de contrôle plus onéreuse, contraignant potentiellement l’assaillant à négocier avec sa cible. Et c'est exactement la stratégie recherchée par Southwest Airlines.
Dans le cas de la compagnie aérienne, le recours à ce mécanisme de "poison pill" donne la possibilité aux actionnaires actuels de Southwest Airlines d'acheter des actions nouvelles avec une décote de 50% dans le cas où Eliott ou un autre actionnaire, parviendrait à mettre la main sur au moins 12,5% du capital dans le cadre d'une opération non approuvée par le conseil (renchérissant potentiellement le coût d'acquisition du solde du capital dans le cadre d'une offre "hostile").
Salesforce, eBay...
Southwest Airlines n'est pas la seule entreprise à figurer au tableau de chasse de ce fonds d'investissement. Fondé en 1977, Elliott Management est l'un des plus vieux "fonds d'investissement alternatif" au monde. Depuis 45 ans, le fonds piloté par Paul Singer livre des combats sans pitié contre des États fortement endettés ou des entreprises au management défaillant.
Parmi les proies de ce fonds d'investissement, on peut citer le spécialiste de l'informatique dématérialisée Salesforce ou eBay. En 2019, Elliott Mangement avait demandé à la célèbre plateforme de e-commerce, dont il détenait 4% du capital, de réorganiser ses activités et d'en vendre certaines afin de doubler sa valeur en Bourse dans les deux ans qui viennent.
Les sociétés françaises ne sont pas épargnées par le fonds activiste. Fin 2018, Eliott Management s'était invité au capital de Pernod Ricard à hauteur de 2,5%. Le fonds jugeait décevants les résultats des plans d’amélioration de la performance opérationnelle lancés en interne dans la mesure où Pernod Ricard affiche "une marge opérationnelle de cinq points inférieure à celle de Diageo, le plus proche concurrent."