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Elliott Management, ce fonds qui fait trembler les Etats et les multinationales depuis 45 ans

dimanche 12 juin 2022 à 07h00
Le fonds d'investissement Elliott Management fait peur

(BFM Bourse) - Fondé en 1977, Elliott Management est l'un des plus vieux "fonds d'investissement alternatif" au monde. Depuis 45 ans, le fonds piloté par Paul Singer livre des combats sans pitié contre des États fortement endettés, des entreprises au management défaillant ou plus récemment des institutions à l'image de la Bourse des métaux de Londres. Elliott Management lui réclame plus de 456 millions de dollars et compte bien faire plier l’institution londonienne avec l'appui des tribunaux, conformément à son mode opératoire.

Eliott Management a intenté une action en justice contre la Bourse des métaux de Londres (LME). Le fonds activiste accuse l’institution londonienne d'avoir annulé des transactions en plein chaos sur le marché du nickel le 8 mars dernier, soit 11 jours après l'éclatement du conflit entre l'Ukraine et la Russie. Les prix du nickel ont en effet explosé depuis le début du conflit en raison de l'importance de la Russie dans la production du métal blanc argenté.

Mais le 8 mars dernier, le prix du métal indispensable à la production de batteries pour les voitures électriques s'était emballé à plus de 100.000 dollars contre 20.000 au début de l'année 2022. Devant l'emballement des cours, des spéculateurs qui avaient parié sur une baisse du métal blanc argenté se sont précipités pour liquider leurs positions en achetant des contrats à terme. Dont le géant chinois du nickel Tsingshan. D'autres investisseurs qui ont également misé sur un repli des cours du nickel annulent leurs paris, amplifiant la panique à bord et la hausse des prix. Pour éteindre l'incendie, le LME fait usage de son court-circuit et annule purement et simplement les ordres passés entre le 7 et le 8 mars, arguant qu'il était de son devoir d'agir pour éviter la faillite de certains investisseurs.

Elliott Management est insensible à l'argument présenté par la Bourse des métaux de Londres. Le fonds activiste fondé par Paul Singer lui réclame plus de 450 millions de dollars de dommages et intérêts pour avoir fait un usage d'une méthode illégale destinée à interrompre les échanges.

Le sauveur aux deux visages

Le hedge fund n'en est pas à son coup d'essai. Connu pour son approche agressive et coutumier des procédures judiciaires, Elliott Management - baptisé ainsi d'après le deuxième prénom de son fondateur - est craint par les intervenants de marché. La méthode Elliott Management est simple: le fonds d'investissement a bâti sa réputation de fonds vautour sur l'achat pour une bouchée de pain de créances d'Etats en difficulté. Ensuite, accompagné de son équipe d'avocats, il met en marche l'appareil judiciaire pour forcer les Etats débiteurs à rembourser intégralement leurs dettes. Elliott ne se contente pas des miettes qui peuvent être obtenues lors des renégociations de dettes proposées par les Etats. L'Argentine en a fait l'amère expérience en se plaçant en défaut de paiement en juillet 2014, pliant sous le joug de Paul Singer. Le patron d'Eliott Management s'était présenté comme le sauveur de la troisième économie d'Amérique Latine en proie à sa plus grave crise économique à la veille de Noël 2001.

Le pays s'était déclaré en défaut de paiement devant l’impossibilité de rembourser la colossale dette de près de 100 milliards de dollars, héritée de la dictature des généraux (1976-1983) et du financement de l'arrimage du peso argentin sur le dollar dans les années 1990. Les Argentins ne pouvaient plus retirer d’argent de leurs comptes en banque et le pays changea cinq fois de président en quelques jours... Ce qui fut un épisode dramatique pour tout un pays apparaît comme une incroyable opportunité pour Paul Singer de s'offrir une dette souveraine à vil prix d'une Argentine au bord de la banqueroute.

Dans le cas argentin, le patron d'Elliott Management aurait réalisé une culbute de 1.600% au terme d'une procédure qui aura duré 14 ans. L'Argentine a plié sans quoi, le pays n'aurait pas pu avoir accès aux marchés financiers pour se financer à nouveau. Le très patient fonds s'était déjà exercé quelques années auparavant avec des pays exsangues comme le Pérou, la Zambie ou le Congo qui ont plié face à l'intransigeance d'Elliott Management. En 1996, il a fait main basse sur des emprunts péruviens payés à prix cassé avant de récupérer près de 60 millions de dollars du Pérou... après les avoir acquis pour 11 millions de dollars quelques années plus tôt. Plus tard, il répéta le succès péruvien en mettant cette fois-ci à genoux la République démocratique du Congo après avoir acheté pour une bouchée de pain la dette du pays.

Le loup dans la bergerie

Les Etats en difficulté ne sont plus le seul terrain de jeu d'Elliott Management. Le fonds activiste s'invite au capital de sociétés affaiblies ou montrant des failles dans leur organisation pour engager ensuite un bas de fer avec leur direction afin d'obtenir gain de cause. C'est sa marque de fabrique. Il faut dire qu'avant de semer la terreur sur les places financières, Paul Singer, diplôme de Harvard en poche, a exercé ses talents comme avocat d'affaires à Wall Street.

Parmi les proies de ce fonds d'investissement, on peut citer eBay. Elliott Mangement avait demandé à la célèbre plateforme de e-commerce, dont il détenait 4% du capital, de réorganiser ses activités et d'en vendre certaines afin de doubler sa valeur en Bourse dans les deux ans qui viennent. Fin 2018, le fonds dirigé par Paul Singer s'était invité au capital de Pernod Ricard à hauteur de 2,5%. Le fonds jugeait décevants les résultats des plans d’amélioration de la performance opérationnelle lancés en interne dans la mesure où Pernod Ricard affiche "une marge opérationnelle de cinq points inférieure à celle de Diageo, le plus proche concurrent."

Le but est toujours le même: mettre la pression sur la direction des sociétés ciblées tant que les résultats ne sont pas à la hauteur des attentes d'Elliott Management. Si nécessaire, le fonds d'investissement ne s’embarrasse à faire preuve de douceur avec son interlocuteur. En Italie, il est parvenu à avoir la tête de Vincent Bolloré qu'il a évincé du conseil d'administration de Telecom Italia en mai 2018. Le roi des raids boursiers s'est retrouvé cette fois-ci dans la position de l'arroseur arrosé... pour le plus grand plaisir de l'ogre américain.

Sabrina Sadgui - ©2025 BFM Bourse
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