(BFM Bourse) - Une récente étude du cabinet Finexsi montrait qu'à fin 2024, la décote de référence pour les foncières françaises s'était résorbée pour s'approcher des 30%, bien moins que leur moyenne sur cinq ans. Les réductions des taux directeurs de la Banque centrale européenne ont permis de réduire un peu cette décote qui reste cependant encore élevée. Mais elle pourrait encore diminuer dans les prochains mois.
Les groupes immobiliers cotés ont connu une passe difficile ces dernières années en Bourse, plombés par une série de facteurs extérieurs, tels que la pandémie puis l'inflation et la remontée des taux d'intérêt.
Une foncière cotée comme Gecina accuse une baisse de 47% de son cours de Bourse sur cinq années, depuis 2019, période qui a précédé la crise sanitaire. Pour l'exploitant de centres commerciaux Unibail-Rodamco-Westfield, la chute s'inscrit à 43% sur la même période.
Mais un autre thermomètre que la chute du cours de Bourse est peut-être plus pertinent: la décote d'ANR (actif net réévalué). Cette décote traduit l'écart entre l'ANR (plus exactement "l'ANR EPRA NTA" pour les foncières, qui correspond aux normes établies par l'association européenne du secteur immobilier) et la valeur en Bourse de la société.
Une décote qui a plusieurs explications
Pour simplifier, cette décote d'ANR traduit en quelque sorte la différence entre la valeur comptable de la société (en excluant la dette nette) et sa valeur en Bourse .
Historiquement, cette décote a souvent été présente même si, selon la Sfaf (société française des analystes financiers) des "surcotes" ont existé, c'est-à-dire que les cours de Bourse des foncières étaient supérieurs à leurs ANR par action. Cela a été le cas en mars 2015.
Mais généralement il y a une décote d'ANR pour les foncières. Cette différence de valeur a plusieurs explications. Elle peut notamment être due aux délais liés à la cession des actifs immobiliers en question, aux taux de vacances de ces actifs, ou aux perspectives des différents marchés immobiliers, liste le cabinet Finexsi.
La Sfaf évoque également les problèmes de liquidité (c'est-à-dire pour simplifier le fait qu'il n'y a pas forcément des acheteurs pour acquérir un bien immobilier en question). "Plus généralement, le décalage entre les ANR publiés et la perception du marché, ainsi que la volatilité des marchés financiers, sont susceptibles d’avoir une incidence sur les niveaux de décotes observés", explique Finexsi.
La BCE en soutien
Le cabinet a publié mi-juillet une étude examinant l'évolution de cette décote d'ANR depuis décembre 2019 jusqu'en décembre 2024. Pour cela, Finexsi a pris 10 grandes foncières françaises cotée, à savoir Unibail-Rodamco-Westfield, Klépierre, Gecina, Icade, Mercialys, Covivio, Carmila, Altarea Cogedim, Paref et Société Française Lyonnaise.
Le cabinet a identifié la décote à chaque publication de l'ANR (tous les six mois donc, à fin décembre et à fin juin). Pour mesurer cette décote, Finexsi a retenu la moyenne des cours de clôture de chaque groupe sur les cinq séances qui ont suivi la publication de leur ANR. Il a ensuite retenu une moyenne sur cet échantillon de 10 actions par période.
Plusieurs phases s'observent (voir le graphique ci-dessus). De décembre 2018 à décembre 2019, la décote est assez stable et limitée. De décembre 2019 à décembre 2020, la décote progresse fortement en raison de la pandémie.
Avec la crise sanitaire et les mesures de distanciation sociale, les cours de Bourse des foncières ont, en effet, chuté plus fortement que leur ANR par action. Entre juin 2020 et juin 2021, la décote se réduit sensiblement car les cours de Bourse remontent, soutenus par les politiques budgétaires et monétaires accommodantes tandis que l'ANR par action se stabilise.
De juin 2021 à juin 2022, la décote remonte, parce que les cours de Bourse replongent, "dans un contexte d’inflation, de tensions géopolitiques et de remontée des taux d’intérêts", explique Finexsi. Cette décote ne s'est pas forcément résorbée entre juin 2022 et décembre 2023.
Une décote qui se résorbe encore un peu plus
Mais depuis juin 2024, la Banque centrale européenne a abaissé huit fois son principal taux directeur. Ce qui a aidé a relancer le compartiment des foncières en Bourse.
En 2024, l'action Unibail Rodamco-Westfield a par exemple gagné 8%, Klepierre un peu plus de 13% quand Altarea a pris plus de 19% sur la période. Mercialys (+1,7%) et Covivio (+0,8%) Carmilia (+2,7%) ont quant à eux connu des progressions moins flamboyantes. Seules Gecina (-18%), Icade (-38%) ont échappé à ce mouvement de revalorisation l'an dernier.
Cette progression de plusieurs des titres de cet échantillon a contribué à ce que la décote moyenne se réduise de huit points en un an, passant de 40% fin 2023, à 32% en décembre 2024.
Cette bonne tendance s'est poursuivie sur l'ensemble de 2025. "Le secteur en Bourse va mieux, les foncières cotées en zone euro ont progressé de 15% cette année et on est à environ 13% de baisse par rapport aux plus hauts de 2021. La stabilisation des taux est un élément favorable à ce secteur", a rappelé Laurent Saint-Aubin, directeur de la gestion actions de Sofidy dans l'émission BFM Bourse, ce jeudi 7 août.
Pour donner un ordre d'idée, par rapport à leurs ANR par action à fin juin publiés lors de la saison des résultats semestriels, Gecina accusait une décote de 35%, quand elle atteignait 33% pour Covivio à fin juin 2025 (sur la base du cours de Bourse au 30 juin 2025). L'écart s'est donc résorbé puisque ces décotes étaient respectivement de 38% et 40% à fin juin 2024.
Pour Unibail-Rodamco-Westfield, elle n'est plus que de 23% quand elle dépassait les 50% à fin juin 2024. La foncière spécialisée dans les centres commerciaux commence a bénéficié d'un dynamisme de l'activité locative, et d'un assainissement de sa situation financière avec la cession d'actifs identifiés comme non stratégiques, couplée, donc, à une baisse des taux d’intérêt. La société à d'ailleurs relevé sa cible pour 2025 de résultat net récurrent ajusté par action lors de la publication de ses résultats, la semaine dernière, rappelle Jefferies.
Pour autant, le bureau d'études indépendant AlphaValue rappelle qu'Unibail-Rodamco-Westfield "est proportionnellement moins exposé aux régions qui contribuent actuellement au succès de Klépierre, telles que l'Espagne".
L'investissement immobilier, clé d'une revalorisation du secteur
Unibail-Rodamco-Westfield souffre, en effet, toujours de la comparaison avec sa rivale Klépierre, qui se paie avec une infime décote, de seulement 2,5% au 30 juin 2025. L'autre grand exploitant de centres commerciaux de la Bourse de Paris a relevé il y a quelques semaines plusieurs de ses objectifs annuels.
"Dans le secteur de l’immobilier commercial, où le ralentissement est clair, Klépierre réalise de bonnes performances, notamment en Espagne et aux Pays-Bas. Le cours de l'action Klépierre est revenu à son ANR, ce qui est rare sur le marché de l'immobilier commercial", note aussi le bureau d'études indépendant. À date*, Klépierre cote légèrement au-dessus de son ANR par action au 30 juin 2025.
Laurent Saint-Aubin rappelle que Klépierre a fait l'acquisition l'an dernier des centres commerciaux O'Parinor en banlieue parisienne et RomaEst à Rome. Ces deux actifs achetés à des "conditions tout à fait exceptionnelles", ont créé beaucoup de valeur, abonde-t-il.
Altarea Cogedim est l'autre société cotée à la Bourse de Paris qui évolue aussi avec une légère prime par rapport à son ANR par action à fin juin 2025. La particularité de cette société est qu'elle est à la fois une foncière, puisqu'elle gère des centres commerciaux mais aussi un promoteur, avec sa marque Cogedim, spécialisée dans l'habitat résidentiel.
Et la filiale Cogedim a enregistré plus de réservations en volumes que le numéro du secteur, Nexity, avec 4.610 réservations, en hausse de 16%, représentant un montant total dépassant le milliard d'euros. Sur l'activité de centres commerciaux, Altarea a fait valoir, lors de ses résultats semestriels que ses indicateurs opérationnels étaient "favorablement orientés", ce qui l'autorise à confirmer sa feuille de route 2025.
"Les résultats semestriels publiés par les foncières donnent du relief à cette tendance favorable visible sur le secteur. Pour regarder les performances d'une foncière, il faut se pencher sur l'évolution de la valorisation de leur patrimoine, et aussi celle des cash-flows qui préfigurent de l'évolution des dividendes. Et la création de valeur d'une foncière ce sont ses dividendes qui sont élevés. Le rendement moyen du secteur en termes de dividendes est supérieur à 5%", explique Laurent Saint-Aubin.
"Sur ces deux éléments (valorisation du patrimoine, et cash-flows), on observe des choses positives dans les résultats du premier semestre, avec des hausses de valeur du patrimoine de 2%. Cette revalorisation est confortée par la reprise des transactions physiques, ce qui crédibilise la valorisation assignée par les experts", remarque-t-il également.
Il rappelle que les transactions ont progressé de 11% en Europe depuis le début de l'année par rapport à la même période de l'année passée.
"Commence-t-on à percevoir la lumière au bout du tunnel?", s'interrogeaient de leur coté les experts de Rothschild Asset Management en juin.
Selon eux, la reprise, même progressive à ce stade, de l’investissement immobilier devrait faire bouger les lignes. "D’une part, elle valide l’atteinte du point bas de la valorisation du patrimoine des foncières (qui, en soit, aurait déjà dû provoquer une réduction de la décote), mais surtout elle va permettre d’accélérer la phase de rotation du capital et permettre l’amorçage d’un nouveau cycle de croissance", avancent-ils.
Les experts de Rothschild & Co Asset Management rappellent que plusieurs foncières telles WDP, Montea, Wereldhave ont réalisé des acquisitions depuis le début de l’année. En France, Mercialys a par exemple annoncé en juin le rachat de Saint-Genis 2, le plus grand centre commercial de l'Ouest de l'agglomération lyonnaise.
Cette acquisition représente 5% du patrimoine de la foncière d'immobilier commercial, rappelle Rothschild & Co Asset Management. Cet actif devrait extérioriser un rendement proche de 8%, ce qui rend "l’opération particulièrement attractive", considère la société de gestion.
Selon elle, la reprise du marché de l’investissement immobilier ouvre des perspectives, en plus de confirmer la fin du cycle de dévalorisation des actifs, d’un retour progressif à la croissance du secteur.
"Sans nouvelle hausse significative des taux longs, cet état de fait devrait trouver écho dans la valorisation des foncières cotées", conclut-elle.
* Variation arrêtée au jeudi 6 août
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