Connexion
Mot de passe oublié Pas encore de compte ?

CAC 40

PXI - FR0003500008
7 743.93 +0.44 % Temps réel Euronext Paris

Cac 40 : Pourquoi les lourdes punitions se multiplient à la Bourse de Paris

samedi 4 novembre 2023 à 07h00
Beaucoup de réactions violentes ont eu lieu à la Bourse de Paris

(BFM Bourse) - De nombreux plongeons vertigineux ont été enregistrés sur le CAC 40 et sur d'autres sociétés de taille importante. La liquidité des marchés plus faible, la concurrence des obligations ainsi que le contexte géopolitique sont autant d'éléments qui favorisent la nervosité du marché. Et amplifient donc ces sanctions.

La saison des résultats de cet automne 2023 a quelque peu des allures de "musée des horreurs" ou de train fantôme, c'est selon.

Au sein du CAC 40, Alstom a plongé début octobre de près de 38% sur une séance, après avoir lancé un lourd avertissement sur sa génération de trésorerie. Worldline a perdu 59% sur une journée la semaine dernière, après avoir sabré ses objectif 2023 et mis de coté ses perspectives à l'horizon 2024. Ces deux groupes constituent, certes, deux des capitalisations les moins importantes du CAC 40. Mais Sanofi a ensuite démontré que les poids lourds ne sont pas à l'abri de lourdes sanctions de la part du marché. Le groupe pharmaceutique a sombré de 19% la semaine dernière, à la suite de résultats inférieurs aux attentes couplés à des indications très décevantes sur son bénéfice pour l'an prochain et un abandon d'une cible de marges pour 2025.

N'oublions pas non plus les chutes hors CAC 40: le spécialiste des principes actifs pour l'industrie pharmaceutique Euroapi a perdu 59% sur une séance à la suite d'un avertissement sur résultats qui a vraisemblablement coûté son poste à son directeur général, Karl Rotthier, remercié la semaine dernière. Plastic Omnium, un équipementier automobile pourtant solide, a perdu 22,8% sur une séance, à la suite de l'abaissement de ses perspectives annuelles.

Précisons aussi qu'il ne s'agit pas d'un mal français: le groupe de paiements néerlandais Adyen avait chuté de plus de près de 40% à la Bourse d'Amsterdam à la suite de résultats décevants, cet été. L'allemand Siemens Energy a lui perdu à deux reprises plus de 30% cette année, en raison d'un problème technique sur des composants d'éoliennes, en juin, puis, en octobre, à la suite d'informations de presse rapportant que la société cherchait une aide sous forme de garanties bancaires, ce que le groupe a ensuite confirmé. Dans le même secteur le danois Orsted s'est effondré mercredi de 25,7% après avoir abandonné un projet de fermes éoliennes offshore aux Etats-Unis et annoncé une lourde dépréciation d'actifs.

Si les déceptions méritent sanction, ces dégringolades posent la question de la nervosité du marché et d'une certaine exagération.

Le bureau d'études indépendant AlphaValue a ainsi jugé "injustifié" le plongeon de Sanofi, le groupe étant selon lui victime d'une panique boursière. Ce constat a été partagé, mardi, par la banque HSBC. Le directeur général de Worldline, Gilles Grapinet, qui ne commente d'ordinaire pas les réactions des investisseurs, a assuré à L'Agefi et aux Echos que la chute de l'action de son entreprise revenait à "complètement oublier à la fois les fondamentaux de (sa) société comme de son marché".

"On a aujourd'hui peut-être un peu d'exagération, 'un overshooting' ", a convenu Mabrouk Chetouane, responsable de la stratégie globale de marché pour Natixis Investment, dans BFM Bourse.

A quoi peuvent être dues cette nervosité du marché et la dureté des sanctions infligées aux entreprises qui déçoivent? Voici quelques éléments d'explication.

>> Une liquidité qui se réduit et accentue les variations

La liquidité reste un facteur déterminant qui a peut-être tendance à être négligé, alors qu'elle permet de modérer les mouvements d'un actif donné. Sur le marché des changes, probablement le marché le plus liquide au monde (on parle de 7.500 milliards de dollars par jour de transactions), les grandes paires, comme l'euro-dollar ou la livre-dollar ne connaissent que rarement des variations de plus de 1%. A contrario, sur les très petites capitalisations, des mouvements de 50% - même sur une journée sans aucune actualité - sont monnaie courante.

Or la liquidité baisse sur les marchés. "Depuis quelques mois la liquidité de marché se réduit, tout simplement parce que les banques centrales comme la Banque centrale européenne et la Réserve fédérale américaine (Fed) ont mis en place des politiques monétaires restrictives et commencent à réduire leur bilan, ce qui diminue (cette) liquidité du marché. Les actions ont dans ce contexte moins de support", développe Vincent Juvyns, global market strategist chez JP Morgan.

Si ce mécanisme affecte l'ensemble des marchés actions, les places européennes semblent plus durement touchées. Barclays notait ainsi fin octobre que si, sur l'ensemble de l'année, les marchés actions enregistrent des flux positifs et donc une collecte, le chiffre global est lesté par une décollecte en Europe.

"Il y a effectivement un marché qui est peut-être en train d'être déserté", expliquait la semaine dernière sur BFM Bourse, Romain Daubry responsable marchés dérivés et membre de la cellule info d'Experts chez Bourse direct.

"On l'évoque depuis septembre, il n'y a plus d'intérêt sur l'Eurostoxx (l'indice paneuropéen, NDLR) avec 3 millions de contrats ouverts contre de plus de 4 millions en moyenne habituellement, cela veut dire que les carnets d'ordres sont vides. Après, il y a le constat de ce qui se produit valeur par valeur, mais des écarts aussi brutaux cela traduit des carnets d'ordres vides, cela traduit de la spéculation qui intervient et qui amplifie ces mouvements, et cela traduit le désintérêt complet des opérateurs pour le marché", développait-il.

>> La concurrence des obligations et les taux élevés qui ne pardonnent pas

Les violentes chutes des titres s'inscrivent dans un contexte de hausse des rendements des obligations, notamment souveraines (celui du bon du Trésor américain à 10 ans a dépassé les 5% avant de refluer cette semaine), qui crée plusieurs effets de nature à tendre les investisseurs sur les marchés actions. Tout d'abord, des taux plus élevés sont synonymes de financements plus onéreux ou plus compliqués à obtenir.

Ce qui met sous pression les entreprises endettées et pousse le marché à opérer une distinction parfois radicale entre les sociétés. Mais ces taux plus hauts signifient également que les obligations offrent des valorisations peu onéreuses avec des rendements attrayants, concurrençant par là même les actions.

"Les actions font face à une concurrence accrue du marché obligataire devenu bien plus attractif dans ce contexte d'incertitude, avec par ailleurs des rendements élevés sur les obligations", abonde Vincent Juvyns.

"J'ai l'impression que les marchés actions sont pris en otage par un univers de taux qui leur est extrêmement défavorable. Nous n'aurions pas eu cette configuration avec des taux très faibles. Les déceptions arrivent mais" les sanctions récentes du marché sont "à mettre en parallèle avec cet environnement taux défavorable", estime de son côté Mabrouk Chetouane, de Natixis. Selon lui, cette pression obligataire "polarise" les réactions de marché, et ce sans faire de distinction au niveau de la taille des entreprises cotées.

>> La géopolitique, l'absence de visibilité économique et des raisons structurelles

La géopolitique et la macroéconomie, qui sont toujours passées au peigne fin par le marché, sont particulièrement tendues depuis le milieu de l'été. La conjoncture chinoise ne cesse de préoccuper les investisseurs et chaque indicateur américain publié semble pouvoir être lu de diverses manières par le marché, tantôt comme une bonne nouvelle tantôt comme une mauvaise.

"Le marché est caractérisé par un mot qui revient partout : c'est la volatilité", résume Mabrouk Chetouane, qui explique que les statistiques américaines aux Etats-Unis "vont dans tous les sens".

"On est dans un monde où il est très difficile d'avoir une lecture visible" et au regard de cela, les entreprises "qui ne donnent pas des gages de stabilité à leurs actionnaires sont sanctionnées de façon lourde", ajoute-t-il.

Et évidemment la situation au Proche-Orient n'aide pas. "L'environnement international s'avère par ailleurs difficile, ce qui pèse sur l'appétit pour le risque alors que les actions avaient bien performé sur la première partie de l'année. Le conflit entre le Hamas et Israël s'est ajouté à une longue liste qui comprend la guerre en Ukraine", expose Vincent Juvyns. "Dans ce contexte, publier des résultats et/ou des perspectives décevants est doublement sanctionné", ajoute l'expert de marché.

Hervé Goulletquer, conseiller économique au sein du cabinet Accuracy, a expliqué la semaine dernière que des maux de long terme s'ajoutent aux facteurs déjà évoqués."Nous n'avons pas beaucoup d'investisseurs institutionnels, nous n'avons pas de fonds de pension en France", liste-t-il, citant ainsi des éléments "structurels" déjà connus mais qui peuvent constituer "un facteur d'aggravation".

Le marché est dans "le doute", poursuit l'expert de marché, et dans ce contexte les sociétés on intérêt à surprendre "positivement et pas négativement".

>> Des causes spécifiques à chaque entreprise

Si les problèmes de marché expliquent la nervosité des investisseurs, ils ne justifient évidemment pas tout à eux seuls.

Alstom était déjà dans le collimateur du marché avant son lourd avertissement. La banque Barclays avait, quelques semaines avant l'annonce du groupe, pointé son endettement élevé ainsi qu'un risque de dégradation de sa note de crédit. La société était par ailleurs, à la fin de l'an passé, l'action la plus vendue à découvert par les investisseurs sur le SBF 120 et elle avait déjà émis un avertissement sur son cash- certes pour des raisons différentes – lors de l'été 2021. Au point que Stifel soulignait en octobre que les mauvaises surprises à plus de 1 milliard d'euros sur sa génération de trésorerie semblaient devenir "une mauvaise habitude" pour le groupe.

Euroapi de son côté avait déjà échaudé le marché. Son avertissement sur résultats du mois dernier constituait le deuxième en moins d'un an. En décembre 2022, la société avait en effet été contrainte de suspendre sa production et de sabrer ses objectifs annuels pour tenir compte "d'écarts" concernant la fabrication de certaines hormones sur son site de Budapest.

Pour Sanofi, la chute vertigineuse du titre s'explique par un effet de surprise violent et inattendu, avec des écarts très importants par rapport aux anticipations. La société a ainsi indiqué, à titre d'exemple, tabler sur un bénéfice net par action de ses activités en baisse l'an prochain, alors que le consensus anticipait une progression de 6%, selon Oddo BHF.

Quant à Worldline, la chute de 59% peut en effet sembler sévère, malgré le cocktail de mauvaises nouvelles qu'a livré le spécialiste des paiements. Mais en réalité, le secteur des paiements était tombé en disgrâce aux yeux du marché depuis longtemps - depuis la fin 2021 - et avait déjà subi une contraction violente de ses multiples boursiers. Les investisseurs semblaient ainsi attendre des accidents de parcours qui sont donc survenus cet été pour Adyen et cet automne pour Worldline.

Julien Marion - ©2025 BFM Bourse
Forum suspendu temporairement
Portefeuille Trading
+335.60 % vs +55.78 % pour le CAC 40
Performance depuis le 28 mai 2008

Newsletter bfm bourse

Recevez gratuitement chaque matin la valeur du jour