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Marché : Les investisseurs activistes sont de retour et n'ont jamais autant ciblé l'Europe

dimanche 22 janvier 2023 à 07h00
Les fonds activistes reprennent du service

(BFM Bourse) - Avec 235 nouvelles campagnes menées l'an dernier dans le monde, les investisseurs activistes n'ont jamais été aussi engagés depuis 2018, selon le décompte annuel de la banque Lazard. En Europe, 60 campagnes ont été réalisées l'an dernier. Du jamais-vu.

Après trois années marquées par une décrue du nombre de campagnes, les investisseurs activistes n'ont jamais été aussi actifs! Sur l'ensemble de 2022, 235 nouvelles campagnes ont été lancées au niveau mondial contre 173 en 2021, selon un rapport de la banque Lazard. Sur un an, ces campagnes - qui consistent pour un actionnaire minoritaire à entrer au capital d'une société cotée en vue d'influer sur sa gouvernance ou sa stratégie - ont ainsi augmenté de 36% par rapport à 2021, portées par un premier semestre record. Les records de 2018 ne sont plus très loin. Ce millésime avait alors compté 249 entreprises qui avaient fait l'objet d'un intérêt d'investisseurs activistes.

Outre la reprise des campagnes, les entreprises visées sont de plus en plus importantes. En 2022, c'était donc l'année de l'audace pour ces activistes partis en quête de cibles de choix à leur tableau de chasse. Les sociétés pesant plus de 25 milliards de dollars sur les marchés boursiers ont suscité un vif intérêt de ces investisseurs et ont représenté 18% des cibles en 2022.

Les Etats-Unis : eldorado des activistes

Sans surprise, les Etats-Unis ont été le terrain de jeu favori des activistes. L'an dernier, 135 nouvelles campagnes y ont été menées, soit une augmentation de 41% par rapport à l'année précédente.

Les entreprises technologiques américaines ont été les plus ciblées sur l'année 2022. Les entreprises évoluant dans cet écosystème ont représenté 27% de toutes les campagnes. La banque Lazard indique dans son étude qu'il s'agit de la proportion la plus élevée jamais enregistrée. La raison est toute trouvée : les valorisations à la casse des sociétés de la tech américaine ont créé un "environnement propice" aux actions des investisseurs activistes. Les géants de la tech comme Alphabet ou Meta ont par exemple été inquiétés l'an dernier.

Parmi les batailles les plus emblématiques de l'année, on peut citer les divers assauts d'Eliott, qui à chaque campagne livre des combats sans pitié contre ses adversaires. Le fonds, qui fait trembler les Etats et les multinationales depuis plus de 45 ans, est parvenu à faire plier la pétrolière canadienne Suncor afin qu'elle revoit sa stratégie. D'ailleurs, avec 11 campagnes à lui seul à son actif, Eliott est l’un des assaillants comptant le plus de batailles en 2022.

Mais le grand maître en la matière reste encore Carl Icahn. Très actif avec 13 campagnes lancées cette année, l'homme d'affaires multimilliardaire a fait par exemple pression pour que la chaîne McDonald's se fournisse auprès d'entreprises plus respectueuses dans l'élevage de porcs. L'investisseur aurait également pris une importante position de vente à découvert sur le titre GameStop depuis janvier 2021. Carl Icahn aurait jugé que la valeur du célèbre "meme stock" - les actions qui profitent d'un élan boursier grâce aux médias sociaux et aux forums - ne serait pas en adéquation avec "ses fondamentaux", auraient rapporté à Bloomberg des sources proches du dossier.

Certains activistes aimeraient aussi marcher sur les traces du pape de l'activisme actionnarial ainsi que de celles de Jana Partners, Land and Buildings, Starboard Value ou Third Point. D'ailleurs, le nombre d'activistes à piloter leur première campagne en 2022 a également atteint un record avec 55 nouveaux acteurs.

Un nombre record de sociétés visées en Europe

En Europe, l'intérêt grandissant des activistes pour les sociétés du Vieux Continent s'est aussi confirmé. Le nombre de campagnes y a progressé de 20% pour s'établir au niveau record de 60 en 2022, contre 50 un an plus tôt. Par pays, le Royaume-Uni est de loin le pays le plus ciblé en Europe, devant l'Allemagne et les Pays-Bas. Et sur le front sectoriel, l'énergie ou les biens de consommation sont en tête des champs de bataille préférés des activistes.

En France, les compagnies pétrolières sont régulièrement dans le viseur des investisseurs activistes. En septembre dernier, le fonds Ciam s’est attaqué au pétrolier Esso en France, détenu par le géant américain Exxon. L'actionnaire minoritaire pointe du doigt les relations commerciales entre les deux sociétés qui pénaliseraient Esso au profit seul de son propriétaire américain. Totalenergies a quant à lui été visé par l'investisseur Clearway Capital quelques semaines après l'éclatement du conflit ukrainien. L'investisseur activiste a demandé au géant pétrolier français de cesser ses activités en Russie ou de consulter ses actionnaires sur son maintien dans le pays.

L'investisseur activiste milliardaire Nelson Peltz a pour sa part demandé un changement à la direction d'Unilever, précipitant le départ à la retraite de son PDG Alan Jope. De son côté, le fonds Third Point, de l'investisseur activiste Daniel Loeb, a pris une importante participation au capital de Shell et a poussé le groupe pétrolier à se scinder en deux sociétés distinctes.

De nouveaux acteurs

Les coups retentissants réalisés par certains ténors de l'activisme actionnarial donnent des vocations à de nouveaux acteurs. Lazard remarque la venue de fonds de capital-investissement, de family offices (ces sociétés créées en vue de gérer le patrimoine d'une ou plusieurs familles), ou même des investisseurs individuels. Leur part dans les campagnes a progressé de 23% en 2022 contre une moyenne de 13% sur 2018-2021.

Les motifs d'attaque restent sensiblement les mêmes. Plus de 40% - 41% exactement - des requêtes concernent les opérations de fusions et acquisitions (opposition à une opération de rapprochement) quand 30% des demandes sont liées à une représentation aux conseils d’administration. A ce sujet, les activistes parviennent être convaincants puisqu'ils ont gagné 108 sièges aux conseils d'administration des sociétés visées, soit une hausse de 21% par rapport à 2021. Cette exigence de représentation est suivie par celles concernant l’allocation du capital (exiger des rachats d’actions massifs, le versement de dividendes...) (16%) et la performance opérationnelle des sociétés visées (12%).

Une fois l'assaut lancé, quid de l'effet sur les cours des sociétés concernées? L'annonce d'une intervention des fonds activistes stars fait mouche en Bourse. "Un mois après l'annonce de la campagne, 70% des cibles des fonds activistes de premier plan ont surperformé le marché contre 65% des cibles de tous les autres investisseurs", relève Lazard. Les investisseurs anticiperaient donc un redressement des performances financières des entreprises visées par ces activistes stars. Mais cette lune de miel ne dure pas. La tendance s'inverse même. Le semestre suivant l'initiative, 58% des sociétés visées par des activistes moins connus, surperformaient le marché, contre 52% pour les entreprises qui font l'objet d'une campagne lancées par les figures de proue de l’activisme actionnarial.

Sabrina Sadgui - ©2025 BFM Bourse
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