(BFM Bourse) - Le dernier opus de la célèbre franchise de l'éditeur de jeux vidéo sort officiellement ce jeudi 20 mars. Son succès est vital pour que le groupe puisse tenir ses objectifs sur l'exercice clos à la fin du mois. La pertinence de sa stratégie est également en jeu.
Ubisoft n'est guère spécialisé dans les jeux d'argent. Pourtant la sortie, ce jeudi 20 mars, de son dernier jeu, "Assassin's Creed Shadows", ressemble beaucoup à un quitte ou double pour l'éditeur franco-canadien de jeux vidéo. Et par la même pour ses actionnaires, au premier rang desquels le concert formé par la famille Guillemot (15,4%) et le géant chinois du numérique Tencent (9,9%).
Ce nouveau volet de la saga Assassin's Creed, qui a rassemblé environ 230 millions de joueurs depuis ses débuts en 2007, selon Ubisoft, a pour théâtre le Japon féodal. Le joueur pourra contrôler deux personnages, à savoir Naoe, une kunoïchi, c'est-à-dire une femme ninja, et Yasuke, un samouraï d'origine africaine.
Le succès de ce jeu est impératif pour Ubisoft, qui a enchaîné les revers sur ses dernières sorties "AAA" (les blockbusters du jeu vidéo). Star Wars Outlaws notamment. La direction du groupe a reconnu à plusieurs reprises que les ventes n'avaient pas été à la hauteur des attentes sur ce titre. Le jeu de piraterie "Skull and Bones" n'a pas non plus déchaîné les passions, de même qu'"Avatar: Frontiers of Pandora" ou "Prince of Persia: The Lost Crown", pourtant très bien accueilli par les journalistes.
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Des notes encourageantes
L'embargo sur les notes de la presse sur "Assassin's Creed Shadows" a été levé mercredi. Le jeu a obtenu un score Metacritic de 81 (87 sur Xbox, 81 sur PS5 et 78 sur PC), un chiffre qui se compare à celui d'"Assassin's Creed Valhalla", qui avait dégagé plus d'1 milliard de dollars de revenus sur 14 mois, souligne TP ICAP Midcap. Assassin's Creed Odyssey avait de son côté obtenu une note globale un peu plus élevée (84) et s'était vendu à plus de 10 millions d'unités en 18 mois, rappelle aussi le bureau d'études. "Le résultat est très encourageant et augure d’un bon lancement", déduit-il.
"Côté ventes, les signaux sont à ce stade encore limités mais le jeu est numéro 1 des ventes sur Amazon UK, Amazon France et aux États-Unis. Côté PC le jeu est numéro 4 des ventes sur Steam, performance difficile à lire en raison de la puissance de la plateforme propre au groupe, Ubisoft Connect", ajoute TP ICAP Midcap.
"Les notes publiées sur Metacritic sont plutôt bonnes, dans la lignée des précédents jeux de la franchise, et semblent offrir ce que l’on peut attendre d’un titre Assassin’s Creed, sans pour autant révolutionner la série malgré quelques nouveautés. Il est rassurant de voir qu'a priori, il ne présente pas de problèmes techniques ni de bugs", estime, pour sa part, Adrien Brasey, analyste chez le bureau d'études indépendant Alphavalue.
De leur côté, nos collègues de Tech & Co ont apprécié le jeu le qualifiant de "bouffée d'air" pour la saga avec des "nouveautés bienvenues" et une "beauté à couper le souffle".
Dans une note publiée en févier, UBS indiquait s'attendre à 10 millions d'unités vendues, répartis entre 7 millions sur la fin de l'exercice 2024-2025 (qui sera clos fin mars) et 3 millions sur le premier trimestre de l'exercice 2025-2026. La banque suisse rapportait que la direction d'Ubisoft voyait les pré-commandes d'Assassin's Creed Shadows être en ligne avec celles d'Assassin's Creed Odyssey.
Des objectifs à risque
Le marché attend évidemment de voir, mais les investisseurs paraissent quand même un peu nerveux. Mercredi le titre a terminé en baisse de 5,6% à la Bourse de Paris, après que les avis Metacritic, bons mais pas dithyrambiques, ont été publiés.
"Je ne pense pas qu'il faille accorder trop d'importance à la variation du titre de mercredi. Ubisoft reste une valeur assez volatile et a connu un rebond depuis la mi-février, porté par des spéculations sur la création d'une nouvelle société qui rassemblerait ses propriétés intellectuelles et ferait entrer de nouveaux actionnaires. Mercredi, l'action a ainsi pu connaître une baisse technique ainsi qu’une potentielle prise de bénéfices avant la sortie d’Assassin’s Creed Shadows", explique Adrien Brasey.
Les premières tendances seront évidemment importantes tant "Shadows" revêt un caractère crucial pour l'entreprise.
"Assassin's Creed Shadows est le lancement le plus critique de l'histoire récente d'Ubisoft, dont la direction s'est recentrée sur les IP (propriétés intellectuelles) principales en septembre 2022, après des efforts infructueux pour diversifier son portefeuille (c'est-à-dire vers le free-to-play)", prévient Deutsche Bank.
De la bonne réception du jeu dépendra l'atteinte des objectifs de l'entreprise. Pour l'exercice actuel, qui sera donc clos à la fin du mois, le groupe de jeux vidéo prévoit des "nets bookings" (le chiffre d'affaires retraité de certains revenus) d'1,9 milliard d'euros ainsi qu'un résultat opérationnel et un flux de trésorerie à l'équilibre. Ce serait la première fois depuis l'exercice 2020-2021 qu'Ubisoft ne brûlerait pas de cash au cours d'un exercice.
"Ubisoft joue gros sur le plan opérationnel. La sortie du jeu est importante pour le respect des objectifs, notamment sur le flux de trésorerie, car les ventes des onze prochains jours et les précommandes génèrent du cash", explique un analyste. "C'est important pour leur crédibilité", ajoute-t-il.
"Il faudra qu'Assassin's Creed Shadows rencontre un succès populaire important pour qu'Ubisoft tienne ses objectifs pour l'exercice 2024-2025. Le risque d'un raté sur ce point existe. La société doit dégager au moins 956 millions d'euros de 'net bookings' (le chiffre d'affaires retraité de certains éléments) sur le quatrième trimestre 2024-2025. Ce qui constituerait un trimestre record pour le groupe", estime pour sa part Adrien Brasey.
La dette et l'avenir boursier en question
S'agit-il du jeu de la dernière chance pour Ubisoft? "Je ne pense pas qu'ils risquent la faillite mais il est important pour eux de ne pas brûler trop de cash", nuance l'analyste anonyme précédemment cité.
"Un succès mitigé d'Assassin's Creed Shadow ne serait pas une bonne chose mais ne remettrait pas en cause l'existence d'Ubisoft. Mais la société doit à tout prix éviter un flop", juge de son côté Adrien Brasey. "Assassin's Creed reste une franchise clef pour Ubisoft et pour sa valorisation, et donc un échec pèserait logiquement sur l'action", ajoute-t-il.
Deutsche Bank estime qu'un succès du jeu crédibiliserait la stratégie de l'entreprise et de la famille Guillemot. Mais en cas d'échec, Ubisoft devra "probablement prendre des mesures stratégiques majeures pour éviter de briser les 'covenants' (des engagements en matière de ratio d'endettement pris auprès des créanciers, NDLR) avant le refinancement d'échéances de dette (500 millions d'euros arrivant à échéance en 2026)", prévient Deutsche Bank.
En creux, la question de l'avenir en Bourse d'Ubisoft pourrait se poser. Des informations de presse ont fait état à l'automne d'une volonté de la famille Guillemot de sortir le titre de la cote parisienne.
En janvier, la société a annoncé effectuer une "revue" de ses options stratégiques et capitalistiques, un processus qui peut parfois déboucher sur ce type d'opération même si la société n'a donné aucun indice sur le contenu de cette revue.
Depuis Bloomberg a rapporté que l'entreprise cherchait à créer une nouvelle société pour regrouper certaines des ses licences phares et pourrait vendre une participation minoritaire dans cette nouvelle entreprise. Ubisoft n'a pas souhaité commenter ces informations.
Si une sortie de la cote devait être effectuée, elle se ferait certainement avec Tencent, le puissant allié chinois d'Ubisoft. Ce, car les accords noués entre la famille Gulesillemot et Tencent ont de quoi repousser les velléités de rachat de la part d'acteurs tiers.
"Un échec d’Assassin's Creed Shadows pourrait affaiblir la position d’Ubisoft dans ses négociations avec Tencent, réduisant ainsi les perspectives de vente et le caractère spéculatif de l’action.", prévient sur ce dernier point Adrien Brasey.
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