(BFM Bourse) - La société aquisextaine d'imagerie médicale a révolutionné la bonne vieille échographie grâce à une technologie capable non seulement de fournir une image beaucoup plus précise mais également de mesurer la densité des tissus examinés, facilitant le diagnostic des cancers ou des pathologies vasculaires. Mais si la croissance a été au rendez-vous, la précarité des finances pousse SuperSonic à s'adosser à un gros industriel du secteur.

Introduit en Bourse en 2014 à 11,70 euros par titre, la société SuperSonic Imagine (SSI) risque fort de sortir par la petite porte, au travers d'une OPA de l'américain Hologic à 1,50 euro par action. Une issue en demi-teinte pour l'entreprise établie à Aix-en-Provence, menacée par un bilan de plus en plus précaire en dépit d'un réel développement commercial. Vendredi matin, son cours de Bourse remontait néanmoins de 40,38% à 1,46 euro, pour se rapprocher (au portage près) du prix proposé par Hologic.

L'échographie médicale, qui permet de représenter les organes du patient grâce à des ondes (ultra-)sonores, s'est développée au cours de la deuxième moitié du siècle dernier. Par rapport à la radiographie et au scanner, cette technologie non invasive présente l'avantage d'un coût maîtrisé et d'une absence totale d'exposition aux radiations. Mais depuis l'arrivée du numérique dans les années 1980, peu d'innovations de rupture sont apparues, jusqu'à l'arrivée de SuperSonic.

L'entreprise a été cofondée en 2005 par un des plus grands experts mondiaux de la spécialité, Jacques Souquet, dont la précédente société, SonoSite, avait été rachetée par Fuji pour 995 millions de dollars. SSI a conçu et développé une plate-forme échographique révolutionnaire, baptisée Aixplorer, qui a la capacité d’acquérir les données échographiques à une cadence inégalée : c'est-à-dire plus de 20.000 images par seconde, contre 500 images par seconde pour le plus rapide des échographes conventionnels.

Cela permet en premier lieu d'obtenir une image beaucoup plus précise avec une plus grande facilité d'utilisation pour le praticien. Mais cette vitesse d'acquisition permet aussi la réalisation de mesures en temps réel de paramètres tels que la densité des tissus et la pression des flux sanguins ce qui permet de réaliser de nombreux diagnostics inaccessibles aux autres échographes. Par exemple une meilleure classification des nodules, permettant d'éviter des biopsies inutiles pour la détection du cancer du sein, une évaluation de la fibrose du foie dans la NASH là aussi sans recourir à la biopsie, ou un meilleur suivi des maladies vasculaires (mesure de la dureté des artères et du rétrécissement des vaisseaux).

Réussite commerciale, fragilité financière

Toutefois, l'entreprise a été freinée par le volet financier. Le montant des pertes annuelles a régulièrement dépassé la dizaine de millions d'euros, du fait des frais de R&D et de déploiement commercial. Et le manque de ressources financières a en retour limité les capacités de croissance.

En outre, un litige en matière de propriété intellectuelle avec Verasonics a distrait une partie de l'attention du management et occasionné des dépenses supplémentaires, soit 1,7 million d'euros de frais d'avocats rien qu'en 2018 pour se défendre des accusations de l'américain. Le litige a finalement été réglé en mai dernier par un accord entre les deux entreprises, à des conditions non divulguées.

En 2017, SuperSonic a dû procéder à une augmentation de capital de 10 millions d'euros au prix de 1,66 euro l'action, ce qui était déjà très bas par rapport au niveau d'introduction. Puis fin 2018 avec un cours encore plus bas le recours au levier boursier est devenu encore plus compromis et la société a dû mettre en place un prêt à haut rendement de 14 millions d'euros (dont 12 millions apportés par le venture loaner Kreos, à 10,75% l'an...).

Une opération à 76 millions d'euros

L'opération passerait par le rachat par Hologic, qui ne détient actuellement aucun titre, d’un bloc d'environ 46% des actions SSI auprès de ses cinq principaux actionnaires (Bpifrance, Andera Partners, Auriga Partners, Mérieux Participations et CDC PME Croissance), suivie du dépôt d'une offre publique d'achat sur le solde. Sous réserve des conditions usuelles, l'OPA devrait être clôturée avant la fin de l'année et l'initiateur procéderait au retrait de la cote si les conditions pour ce faire sont réunies.

"L’objectif de SuperSonic Imagine est de se donner les moyens d’accélérer sa croissance commerciale en continuant d’investir dans l’innovation et en améliorant son excellence opérationnelle. Pour ce faire, nous recherchions un partenaire qui puisse non seulement nous soutenir financièrement dans ce développement mais également nous aider à pénétrer les marchés beaucoup plus rapidement, tout particulièrement le marché américain, et à nous accompagner dans l’optimisation de nos process afin de pouvoir améliorer la satisfaction de nos clients. Ce projet d’acquisition de SuperSonic Imagine par Hologic satisfait à l’ensemble de nos objectifs stratégiques et nous permettra de développer l’activité Ultrasons au sein d’un groupe qui partage les mêmes valeurs que les nôtres : la forte importance de l’innovation, la contribution à l’amélioration de la santé, la valeur ajoutée des relations avec les cliniciens et l’importance de l’humain au sein de l’entreprise", a déclaré Michèle Lesieur, la directrice générale de SuperSonic Imagine. "Je suis ravie de cette opportunité qui se présente pour SuperSonic Imagine car je suis convaincue que cela permettra d’écrire une nouvelle page de l’histoire de cette belle entreprise", a ajouté la dirigeante.

"Il arrive que les étoiles ne s'alignent pas"

"Face aux contraintes financières de l'entreprise, le marché doutait clairement de la capacité de SSI à poursuivre son développement sur de nouveaux marchés, notamment les Etats-Unis qui ne représentent encore que 15% des ventes. La firme y dispose d'une équipe réduite, mais n'avait pas vraiment les moyens de recruter davantage, le litige avec Verasonics ayant notamment pesé. Le marché était dans ce contexte dubitatif quant à l'objectif d'atteindre l'équilibre opérationnel cette année", a confié la spécialiste à BFM Bourse. "Si on ne peut pas parler d'erreurs managériales, peut-être l'impact du litige a-t-il été sous-estimé en interne"

"Compte tenu de la situation difficile de SuperSonic, l'OPA permet d'éviter une issue malheureuse. Néanmoins, ce rachat peut être perçu comme un échec en termes d'entrepreneuriat. La technologie est très prometteuse et recèle encore des atouts très forts et le management apparaissait très dynamique et engagé dans le développement, mais il arrive que les étoiles ne s'alignent pas malgré la présence de tous les éléments nécessaires à une success story", conclut Jamila El Bougrini.