(BFM Bourse) - En insistant un peu, BFM Bourse avait demandé en janvier au robot conversationnel de donner cinq actions américaines et cinq actions parisiennes sur lesquelles investir sur trois mois. Comment ces titres ont-ils évolué depuis?
Avertissement important: nous nous sommes livrés à un pur exercice théorique avec ChatGPT. En aucune façon nous ne recommandons d'investir sur la base de conseils donnés par une intelligence artificielle, ni de choisir un horizon aussi court de trois mois. Les conseils habituels (bien s'informer sur les titres en question, diversifier son portefeuille, privilégier le long terme) prévalent.
Depuis son lancement, c'est peu dire que ChatGPT, le robot conversationnel de la start up américaine OpenAI, a été utilisé pour à peu près tout et n'importe quoi. Comme l'ont écrit nos collègues de Tech&Co, des étudiants de l'université de Cardiff l'ont utilisé pour rédiger une rédaction, ce qui leur a valu une excellente note. Autre exemple: France 3 régions, qui l'avait interrogé pour savoir quelle était la meilleure ville entre Tours et Orléans...
Qu'en est-il de la Bourse? Pour le simple plaisir, nous avons demandé le 24 janvier à ChatGPT de nous citer des actions sur lesquels investir sur un horizon de trois mois. Précisons que nous avions dû alors insister, et que récemment, lors d'un autre test, le robot conversationnel avait refusé de nous répondre, soulignant "qu'en tant qu'intelligence artificielle [il] n'a pas la capacité de prédire ou de recommander des actions spécifiques ou de fournir des conseils financier". Ce qui est plutôt rassurant.
Mais en janvier, en forçant un peu (beaucoup), ChatGPT avait fini pour nous "donner" cinq actions sur lesquelles investir sur trois mois à Wall Street et cinq à la Bourse de Paris.
Le robot n'avait pas fait preuve d'une grande originalité. Pour les valeurs américaines, il avait cité Apple, Microsoft (les deux plus importants groupes cotés au monde en termes de capitalisation), Amazon, Nvidia et Bank of America. Soit quasiment que des "big techs", avec donc assez peu de diversification. Pour la Bourse de Paris, ChatGPT avait suggéré des secteurs assez divers, avec TotalEnergies, Airbus, Sanofi, Orange et BNP Paribas. La seule surprise est qu'aucun groupe de luxe, industrie omniprésente sur la cote parisienne, ne figurait dans son choix. Peut-être un hasard ou peut-être que le robot a évité ces valeurs, qui avaient alors bien progressé grâce à la réouverture de l'économie chinoise.
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Une surperformance due à la tech
Quoi qu'il en soit nous avons regardé la performance de ces 10 titres sur trois mois, donc. Pour quels résultats? Plutôt bons en réalité, ChatGPT ayant eu le nez creux ou plus probablement de la chance.
Nous avons pris les variations en comparant les cours de clôture du 24 janvier, date de notre requête, et du 24 avril. Sur cette période, Apple a progressé de 16%, Microsoft de 16,41% et Amazon de 10,27%. Nvidia a bondi de 40,4% et seule Bank of America (-14%) a accusé une baisse, pâtissant des craintes sur le secteur bancaire liées à la faillite de Silicon Valley Bank. Au final, les cinq valeurs américaines suggérées par ChatGPT ont en moyenne bondi de 13,8% soit bien plus que la progression du S&P 500, de 3% sur la même période.
Le résultat n'est pas surprenant. Comme nous l'avons expliqué dans un récent article, les "big tech" ont sauvé le début d'année de la Bourse de New York, grâce à des anticipations sur la fin des hausses de taux de la Réserve fédérale américaine (Fed), auxquelles elles sont très sensibles. Ces valeurs ont également été portées par la frénésie boursière autour de l'intelligence artificielle et de… ChatGPT.
En particulier Microsoft, qui a investi massivement dans OpenAI, la société à l'origine du robot conversationnel, intégrant ses technologies dans ses services, et Nvidia, perçue comme un potentiel vainqueur de l'avènement de l'IA, avec une utilisation accrue de ses puces dans ce domaine.
Au point que, cité par Marketwatch, JP Morgan a estimé dans une note en début de semaine que la moitié des gains du S&P 500 cette année était due à l'intérêt exponentiel pour l'intelligence artificielle.
Sur les valeurs françaises, les performances sont un peu plus contrastées. TotalEnergies et BNP Paribas ont accusé un léger repli, de respectivement 0,8% et 2,65%. Airbus a gagné 6%, Sanofi 15%, grâce notamment à de récents succès pour son blockbuster Dupixent, et Orange a pris 18,3%, le groupe télécoms ayant tenu une journée investisseurs saluée par le marché en février.
La performance moyenne des valeurs françaises proposées par ChatGPT s'élève à 7,2% soit un tantinet moins que celle du CAC 40 sur la période, de 7,4%.
Qu'aurait donné un placement de très court terme? Pour l'ensemble des 10 valeurs, nous avons supposé un investissement théorique de 1.000 euros par titre. Nous arrivons à un gain sur trois mois un peu inférieur à 1.000 euros, sur les 10.000 placés. Précisons que ce résultat ne tient pas compte des frais que devrait normalement payer un investisseur. En revanche, cette performance inclut une légère perte de change – sur les valeurs cotées à New York - puisque le dollar s'est déprécié face à l'euro sur la période, avec un taux de 1,0874 dollar pour un euro le 24 janvier contre 1,10 dollar le 24 avril.
Un outil en réalité (très) imparfait
Demander des conseils à ChatGPT s'avère en réalité hasardeux (et donc à déconseiller vivement). Dans un post publié sur LinkedIn en février, Stephane Renevier, analyste pour le portail financier Finimize, expliquait que ChatGPT pouvait aider éventuellement à décortiquer les forces et faiblesses d'une valeur, mais toujours en vérifiant et en approfondissant son analyse.
"ChatGPT est loin d'être parfait : il a été formé sur un ensemble de données antérieures à 2022. Son contenu est souvent trompeur ou tout simplement erroné. Et il ne comprend pas du tout le contenu qu'il produit", écrivait-il.
"ChatGPT ne vous permettra pas de découvrir des joyaux cachés. Il ne vous permettra pas de générer directement de l'alpha [pour faire simple de la surperformance sur un portefeuille, NDLR]. Vous ne deviendrez pas un analyste superstar en l'utilisant", insistait-il.
Toutefois, dans une étude publiée au début du mois, Alejandro Lopez-Lira et Yuehua Tang, deux chercheurs de l'université de Floride, se sont demandés si ChatGPT pouvait prédire l'évolution d'actions en se basant sur des "headlines", c'est-à-dire des gros titres liés à une actualité. Leur conclusion est que le robot conversationnel s'en sort mieux que d'autres outils plus classiques utilisés pour mesurer l'humeur du marché et peut ainsi avoir une utilité.
Mais comme le souligne très bien CNBC, qui a interviewé Alejandro Lopez-Lira, les spécificités de cette expérience montrent "également à quel point les 'grands modèles de langage' sont loin d'être capables d'effectuer de nombreuses tâches financières". Le média américain explique notamment que l'expérience ne demandait pas au robot de définir des objectifs de cours.