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Marché : Le pump and dump, cette vieille arnaque boursière popularisée par le Loup de Wall Street qui revient sur le devant de la scène

dimanche 24 août 2025 à 07h00
Ces actions chinoises sont cotés sur le Nasdaq

(BFM Bourse) - Cette pratique consiste à répandre de fausses informations positives sur une action pour la faire gonfler artificiellement avant de prendre ses gains. En juin et en juillet, des mouvements survenus sur des petites actions chinoises cotées à Wall Street laissent penser que cette arnaque a été utilisée à de multiples reprises pour duper des petits porteurs.

Le "pump and dump" ("pomper et éjecter"). Cette arnaque boursière ne vous dit peut-être rien. Elle s'avère toutefois ancienne et a été régulièrement mise en lumière, notamment dans des films.

Cette technique consiste à prendre position sur une action et à répandre de fausses informations exagérément positives sur un titre, de sorte à créer un engouement (et donc des achats massifs) sur l'action en question. Une fois que les petits porteurs se sont rués sur la valeur, l'arnaqueur solde sa position à un prix artificiellement gonflé.

"Une fois que les fraudeurs se débarrassent de leurs actions et cessent de faire la promotion de l’action, le cours de l’action chute généralement et les investisseurs perdent leur argent", explique le site investors.gov, qui dépend de la Securities and Exchange Commission (SEC), le gendarme américain de la Bourse.

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La technique préférée du "loup de Wall Street"

Évidemment, cette technique ne peut pas fonctionner avec des grandes capitalisations, comme Nvidia, ou même des capitalisations moyennes. Premièrement, parce que les échanges sont trop conséquents pour que le cours de l'action soit grandement influencé par des achats de particuliers. Deuxièmement, parce que les fausses bonnes nouvelles seraient trop facilement démenties par les analystes qui suivent la valeur ou par la société elle-même.

Ce qui fait que les fraudeurs jettent leurs dévolus sur des capitalisations très faibles (voire des "penny stocks", des actions dont le cours est inférieur à un dollar) avec des volumes limités, ce qui permet de faire rapidement monter les cours.

"Les 'microcaps' sont particulièrement vulnérables aux stratagèmes de 'pump and dump', car les informations accessibles au public sur ces sociétés sont souvent limitées", explique ainsi investor.gov.

Jordan Belfort, un "rogue trader" ("un investisseur voyou"), rendu célèbre par le film de Martin Scorsese "Le Loup de Wall Street", sorti en 2013, a fait fortune à la fin des années 80 et au début des années 90 avec cette arnaque. Au total, le préjudice pourrait avoir dépassé les 200 millions de dollars. Le courtier a été rattrapé par les autorités américaines et a passé 22 mois en prison (il a collaboré pour réduire sa peine).

Un autre film sorti en 2000, avec un Vin Diesel alors âgé de 33 ans, "Boiler Room" ("Les initiés" en français) traite de cette arnaque. Un jeune homme sans diplôme rejoint une société de courtage, avant de se rendre compte que le succès de l'entreprise en question repose sur des méthodes pas très roses.

"Une épidémie de fraude"

Des mouvements de marchés très suspects survenus ces derniers mois sur des petites capitalisations chinoises cotées sur le Nasdaq laissent penser que d'importants "pump and dump" ont récemment eu lieu.

Le Wall Street Journal, en juin, racontait l'histoire de petits porteurs américains qui avaient été encouragés par des messages dans des boucles Whatsapp ou des publicités sur les réseaux sociaux à investir sur les titres de ces sociétés chinoises.

Le média américain rappelait au passage que près de 60 groupes chinois se sont introduits depuis 2020 sur le Nasdaq en levant à chaque fois des sommes faibles, de 15 millions de dollars ou moins. La Finra ("financial industry regulatory authority"), un organisme de réglementation indépendant, avait d'ailleurs émis en 2022 un avertissement sur ce type d'opérations, prévenant qu'elles pouvaient augurer de fraudes.

Le Wall Street Journal évoquait plus spécifiquement dans son article le cas de cinq personnes - dont un professeur d'université qui avait perdu 80.000 dollars - qui avaient acquis des titres de Jayud Global Logistics.

Le cours de ce groupe de logistique chinois s'élève actuellement à à peine 18 cents (et la capitalisation boursière à 25 millions de dollars).

Le titre avait gonflé jusqu'à 8 dollars le 1er avril avant de s'effondrer d'une traite le lendemain (-95,7%).

"Les traders et les enquêteurs affirment que l'on est sur une épidémie de fraude, frustrant les régulateurs américains qui ne peuvent généralement pas avoir accès aux preuves en Chine", expliquait alors le quotidien des affaires.

Un vendeur à découvert alerte

Fin juillet, Bloomberg avait consacré un article à Pheton Holdings, un groupe de santé chinois coté sur le Nasdaq dont le cours vaut actuellement 60 cents (et sa capitalisation moins de 8,6 millions de dollars).

Le titre avait perdu 90% en quelques minutes après la publication d'un rapport de Bear Cave, une société spécialisée dans la vente à découvert, une technique qui consiste à vendre un titre sans le posséder (en "empruntant" l'action) et en publiant parfois des notes assassines pour démontrer la faiblesse de la société en question.

Bear Cave avait alors estimé que Pheton Holdings était au cœur d'un système de "pump and dump". Le vendeur à découvert pointait notamment des fausses rumeurs de rachat de la part de Gilead Sciences, un important laboratoire pharmaceutique américain, pour manipuler le cours.

Bear Cave y voyait la répétition d'un schéma déjà aperçu avec, notamment, China Liberal Education Holdings, une société qui affirmait dispenser des programmes d'études internationaux pour les étudiants chinois. Cette entreprise fait actuellement l'objet d'accusations de fraudes de la part des autorités américaines et le Nasdaq a suspendu la cotation de son action début juin.

Pheton Holdings, de son côté, a publié un communiqué début août, démentant toute manipulation de marché. "À aucun moment la société n'a participé, initié ou sanctionné une rumeur, une communication ou une activité concernant une acquisition par Gilead ou toute autre partie", a fait valoir l'entreprise basée à Pékin.

D'autres mouvements suspects sur des actions de groupes chinois se sont produits. Bloomberg évoque une chute de 91% sur l'action Ruanyun Edai Technologies le 14 juillet ou encore une baisse de 93% le 8 juillet sur la société de soins de la peau Par Ha Biological Technology.

Des mouvements très suspicieux

Dans une enquête publiée cette semaine, le Financial Times citait un groupe de sept "microcaps" chinoises cotées sur le Nasdaq, avec, outre Pheton Holdings et Par Ha Biological, Concorde International, Ostin Technology, Top Kingwin, Skyline Builders et Everbright Digital. Ces sept actions ont, au cours, du mois de juillet, connu chacune des baisses de plus de 80% en quelques séances, effaçant un total de plus de 3,7 milliards de dollars de capitalisation boursière.

"Selon les analystes et les investisseurs, ces opérations présentaient de nombreuses caractéristiques d'escroqueries par 'pump and dump'", écrivait le quotidien britannique. "Rien ne suggère que l'une des sociétés citées soit impliquée dans ces fluctuations inhabituelles du cours de leurs actions" ajoutait le Financial Times, précisant qu'aucune des sept entreprises n'avait répondu à ses demandes de commentaires.

Le quotidien notait également que le FBI avait recensé en juillet une hausse de 300% des plaintes liées à ce type de fraudes. Ryan Sweetnam, avocat basé au Royaume-Uni chez Cel Solicitors, a déclaré au média britannique qu'il avait "plus d'une centaine de clients impliqués dans des opérations de 'pump and dump' sur des penny stocks chinois qui m'ont mandaté au cours des deux derniers mois ".

Le Financial Times rapportait lui aussi des cas d'investisseurs particuliers qui avaient perdu des dizaines voire des centaines de milliers de dollars après avoir suivi des injonctions sur Whatsapp ou sur les réseaux sociaux à investir dans certains des titres précités. Souvent les arnaqueurs se débrouillent pour que le groupe Whatsapp ressemble à celui d'une véritable société de courtage.

Interrogé par le "FT" un porte-parole de Meta, la maison mère de Whatsapp, a déclaré: "Nous ne voulons pas de ce type de contenu sur nos plateformes, c'est pourquoi nous continuons d'investir dans la technologie pour lutter de manière agressive contre les escroqueries, fournir aux utilisateurs des avertissements et des outils sur la plateforme pour se protéger, et collaborer avec les banques, les gouvernements et les forces de l'ordre pour arrêter ces criminels".

Le quotidien britannique notait également, dans le cas de la chute de la société Ostin Technology (-94% le 26 juin), qu'une douzaine d'utilisateurs de Reddit s'étaient probablement coordonnés pour poster le même contenu promotionnel sur l'action en l'espace de deux heures. Des données de géolocalisation suggèrent que trois de ces utilisateurs étaient basés en Russie et en Iran, selon Matthews Michel, fondateur de la plateforme d'investissement pour particulier Investorlink, cité par le "FT". D'après ce dernier, cette tendance s'est observée à plusieurs reprises dans des cas de "pump and dump".

Julien Marion - ©2025 BFM Bourse
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