(BFM Bourse) - Jeudi, Walmart, le plus grand distributeur au monde, a pris la décision de transférer ses titres du New York Stock Exchange vers le Nasdaq, un changement qui sera effectif début décembre. D'autres sociétés non-issues du secteur de la tech ont pris une décision similaire par le passé, notamment pour bénéficier d'une meilleure visibilité.

Walmart a livré une surprise au marché, jeudi 20 novembre. Le plus grand distributeur au monde a annoncé qu'il rejoindrait début décembre le Nasdaq, la place de cotation phare des valeurs technologiques aux États-Unis.

Le groupe américain prévoit de transférer ses titres du New York Stock Exchange (NYSE) où il est coté depuis 1972 vers le Nasdaq, une bascule qui sera effective le 9 décembre. Walmart a expliqué que cette décision "soulign(ait) la forte convergence entre les valeurs communes de Walmart et du Nasdaq: une approche axée sur la technologie, offrant une valeur exceptionnelle aux clients et redéfinissant leurs secteurs respectifs grâce à l'innovation".

Il s'agit pour la société de mettre en avant la montée en puissance de l'e-commerce dans ses ventes. Ce canal de vente représentait 17% des ventes nettes aux États-Unis lors de l'exercice clos fin janvier 2025, contre seulement 5% six ans auparavant.

Le départ de Walmart du NYSE vers le Nasdaq, dont les locaux sont situés à Times Square à New York et non pas à Wall Street (comme le NYSE), marquerait le plus gros transfert de l'histoire de la Bourse de New York, signale Bloomberg. Le géant mondial de la grande distribution est en effet valorisé près de 840 milliards de dollars en Bourse selon des données de companiesmarketcap.com et, s'apprête à battre le record de Linde, dont la capitalisation boursière était aux alentours des 190 milliards de dollars lorsque le spécialiste des gaz industriels avait opéré le même mouvement début novembre 2023.

Soit quelques mois après que le concurrent d'Air Liquide a infligé un camouflet retentissant à Francfort, en abandonnant en mars 2023 la place allemande pour se consacrer à sa cotation à New York.

Autre record, Campbell's, connu pour ses soupes et fondée en 1869, est la plus ancienne entreprise (en termes de date de création) à avoir jamais effectué un transfert vers le Nasdaq depuis le NYSE, en 2024.

500e transfert

Walmart rejoindra donc sur le Nasdaq d'autres entreprises qui sont loin d'être assimilées à des valeurs tech de prime abord, comme Linde ou Campbell's, donc, mais bien d'autres encore.

Créé en 1971, le Nasdaq a historiquement abrité les entreprises technologiques quand le NYSE était le lieu d'accueil traditionnel des sociétés industrielles et financières. Mais depuis plusieurs années, cette distinction a perdu de son sens, avec une multiplication des transferts de sociétés de secteurs traditionnels vers le Nasdaq.

L'opérateur boursier explique avoir multiplié les partenariats sur les cinq dernières années, avec "des leaders de grande capitalisation très respectés et expérimentés dans tous les secteurs".

En décembre 2017, Pepsico (maison-mère de Pepsi), a tourné le dos au NYSE au profit de la place vedette des stars de la tech. Le géant mondial des sodas avait justifié ce transfert par sa volonté de "réaliser des économies et d'accéder à la gamme unique d'outils et de services du Nasdaq afin de communiquer plus efficacement avec [ses] investisseurs".

En octobre 2013, l'exploitant d'hôtels Marriott expliquait qu'un transfert sur le Nasdaq lui apporterait une "visibilité rentable, ainsi qu'un accès efficace à un ensemble d'outils et d'opportunités pour atteindre les investisseurs".

En 2009, le fabricant de jouets Mattel a aussi pris cette décision de quitter le NYSE pour le Nasdaq citant le "leadership technologique mondial du Nasdaq et sa vaste gamme de produits" qui permet d'apporter une valeur ajoutée à la société et à ses actionnaires.

Costco, le concurrent de Walmart, connu pour ses entrepôts-clubs, a fait ce mouvement bien plus tôt, en 1993, près de dix ans après son introduction en Bourse sur le NYSE en 1985.

L'an dernier, le Nasdaq a indiqué que 40 membres du S&P 500 avaient fait ce transfert du NYSE vers ses rangs, dont 24 font désormais partie de l'indice Nasdaq-100. En septembre 2024, le Nasdaq avait enregistré son 500e transfert depuis 2005.

À côté, 10 sociétés membres de l'indice Nasdaq 100 ont fait le choix de transférer leur cotation au NYSE depuis 2008, explique NYSE.

Les raisons (très techniques) d'un exil

Le groupe Nasdaq a détaillé l'an passé les raisons plus techniques qui ont motivé ces sociétés à rejoindre ses rangs. La gestion passive en fait partie. L'opérateur boursier expliquait qu'être coté au Nasdaq était un prérequis pour intégrer certains indices, comme le Nasdaq 100, répliqué par l'ETF (un fonds indiciel) "QQQ", très populaire aux États-Unis.

Les 24 entreprises qui ont intégré le Nasdaq 100 font désormais partie du QQQ, dont Linde, ce qui leur permet d'élargir leur base d'investisseurs via la gestion passive, ajoutait le Nasdaq.

"Si vous remplissez les conditions pour entrer dans le Nasdaq-100, je vous demanderais: 'Pourquoi n'êtes-vous pas sur le Nasdaq?' Il n'y a aucune raison de ne pas y être, le changement s'est déroulé sans accroc. Vous devriez le faire, dès maintenant", a expliqué Juan Carlos Pelaez, vice-président des relations avec les investisseurs chez Linde, cité par Nasdaq.

D'autres facteurs encore plus techniques entrent en ligne de compte qui font du Nasdaq, un indice "à part". Selon J.R. Mastroianni, Head of Exchange Transfers and Listing Services chez Nasdaq, l'indice tech est "plus rentable avec une structure de frais d'entrée qui ne pénalise pas les opportunités de croissance".

Phil Mackintosh, le chef économiste de Nasdaq, écrivait lui, qu'une entreprise bénéficie d'un "bid-offer spread" (l'écart entre le prix maximum qu'un investisseur est prêt à payer et le prix minimum qu'un autre investisseur est prêt à vendre) en moyenne 12% plus bas sur le Nasdaq que sur le New York Stock Exchange.

"Des écarts plus faibles devraient entraîner une baisse des coûts de transaction. Cela augmente les rendements pour les investisseurs, ce qui peut améliorer la valorisation des actions, réduisant ainsi les coûts du capital pour les besoins futurs en capitaux", explique-t-il.

Le chef économiste de Nasdaq, citait aussi une profondeur de marché plus importante sur le Nasdaq que sur le New York Stock Exchange. Il explique que cette profondeur de marché plus importante permet "de réaliser plus rapidement des transactions importantes avec un impact moindre sur les prix, ce qui réduit également les coûts de transaction et peut aider les investisseurs à accumuler des positions plus importantes".

Le dirigeant met aussi en avant une volatilité plus faible à l'ouverture et à la clôture plus faible de respectivement 3% et 17% sur les actions cotées au Nasdaq sur la base des calculs effectués par les équipes de l'opérateur boursier.

"L'une des raisons pour lesquelles les 'enchères' (en gros la constitution des carnets d'ordre sur un titre, NDLR) Nasdaq présentent généralement une volatilité moindre est que le Nasdaq traite tous les teneurs de marché de manière plus équitable, ce qui, selon nous, attire à la fois les acheteurs et les vendeurs et offre à davantage de teneurs de marché des conditions équitables pour fournir des liquidités", vante Phil Mackintosh.

Le Nasdaq explique aussi avoir instauré des ordres spéciaux conçus pour compenser les déséquilibres et réduire la volatilité. "Ceux-ci contrastent avec les types d'ordres du NYSE qui permettent aux traders d'effectuer des annulations, ce qui peut affecter l'équilibre entre acheteurs et vendeurs lors de l'enchère de clôture, alors qu'il ne reste que quelques secondes avant la fin de la journée", ajoute le chef économiste.

Ce dernier cite des données selon lesquelles le Nasdaq organise aussi des "enchères" plus prévisibles, le transfert du NYSE au Nasdaq entraînant une réduction de 6% des perturbations lors de l'enchère d'ouverture et une baisse de plus de 28% lors de l'enchère de clôture.

Soulignons toutefois que, récemment, des sociétés au profil douteux ont aussi choisi le Nasdaq pour y élire domicile telles qu'une société enregistrée aux îles Caïmans, fournissant des services de maintenance pour des élevages de crevettes en Malaisie ou bien une société de publicité numérique hongkongaise, elle aussi basée aux îles Caïmans.

Les conditions d'entrée dans l'indice sont souples, avec un prix minimal fixé à 4 dollars pièce. Ce qui place le Nadsaq comme une place accueillante pour ces entreprises au profil opaque.