(BFM Bourse) - Trois sociétés du CAC 40 ont, lors de cette saison de résultats, vu leur action changer de trajectoire après la prise de parole de leurs directions devant les analystes. Ces conférences téléphoniques peuvent changer la donne en Bourse, selon les éclaircissements apportés par les dirigeants.
C'est un rendez-vous important lors d'une publication d'entreprise cotée: le "call", c'est-à-dire la prise de parole de la direction devant les analystes au cours d'une conférence téléphonique.
Cette intervention peut parfois être négligée par les investisseurs, tout simplement pour des raisons de temps. Selon l'entreprise et le type de publications (chiffre d'affaires ou résultats semestriels), ces "calls" peuvent durer entre une demi-heure et 2h30. A titre d'exemple, celle qui avait suivi les résultats annuels de Totalenergies s'était étendue sur 2h15.
Reste que ces conférences apportent souvent des éléments importants pour comprendre à la fois la publication (c'est d'ailleurs le but), les perspectives, ou des sujets spécifiques.
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La conférence clef de Capgemini
Les exemples ne manquent pas. Sur le papier LVMH a vu ses ventes reculer de 6% en données comparables en Asie-Pacifique sur les trois premiers mois de 2024, ce qui pouvait susciter des interrogations sur l'activité en Chine. Mais dans la foulée, le directeur financier, Jean-Jacques Guiony, avait précisé que le "cluster" chinois, c'est-à-dire les ventes des consommateurs chinois en Chine mais également à l'étranger (qui sont ainsi comptabilisées dans d'autres régions), avaient progressé de 10% sur le trimestre dans la division mode et maroquinerie. Des indications qui avaient été jugées "rassurantes" par Stifel.
Lors de la publication de ses résultats annuels, Capgemini avait pris près de 7%. Cette hausse n'était pas tant due aux comptes annuels ni même aux perspectives qu'aux indications données lors de la conférence téléphonique par le directeur général, Aiman Ezzat, .
"Plus que les solides résultats 2023 ou les perspectives 2024 un poil justes sur le volet de la croissance, l’attention s’est focalisée (…) sur la trajectoire de reprise de la croissance en 2024. Après un premier trimestre en contraction plus marquée que prévu, le management a indiqué que la croissance organique devrait atteindre +5% à +9% au quatrième trimestre 2024, ouvrant la voie à une croissance embarquée solide pour 2025", soulignait Invest Securities.
Trois retournements lors de la dernière saison
Il arrive aussi que la conférence téléphonique change complètement la donne. C'est ce qui s'est passé coup sur coup avec trois pensionnaires du CAC 40, lors de la dernière saison des résultats.
D'abord avec STMicroelectronics. Le groupe de semi-conducteurs franco-italien avait, fin avril, publié des résultats inférieurs aux attentes au titre du premier trimestre et abaissé ses objectifs 2024. Mais le titre s'est retourné au cours de la matinée, passant d'un net repli à une franche hausse (l'action a clôturé en progression de 5,4%). Cette volte-face avait été déclenchée par des indications rassurantes de la direction du groupe sur les différents segments de clientèle et sur la marge, lors de la conférence téléphonique.
Pour Société Générale ça été, à l'inverse, la douche froide. L'action du groupe évoluait en hausse de 4% environ à la suite de résultats supérieurs aux attentes au titre du premier trimestre 2024. Elle s'est soudainement retournée durant le call analystes. En cause, des commentaires peu engageants de la part de la directrice financière, Claire Dumas, sur la trajectoire des marges nettes d'intérêt dans la banque de détail en France.
"Le retournement de l'action a été déclenché par le call de la direction. Le manque de clarté concernant les questions sensibles pour le titre, telles que les impacts réglementaires potentiels sur le ratio CET1 (à la suite d'éventuelles inspections sur place) et les problèmes persistants concernant les revenus nets d'intérêts en France, est frustrant", avait expliqué à BFM Bourse Thomas Hallett, analyste chez KBW.
L'action Stellantis reculait, elle, déjà de 3%-4% à la suite de la publication de revenus inférieurs aux attentes au premier trimestre 2024. Mais le mouvement s'est brusquement accéléré durant la conférence téléphonique tenue par la directrice financière Natalie Knight. La dirigeante avait indiqué que le groupe anticipait au premier semestre une marge opérationnelle courante comprise entre 10% et 11% contre plus de 14% sur la même période de 2023. Natalie Knight avait également émis des commentaires peu encourageants sur le marché européen, le qualifiant de "difficile" avec des "pressions" sur les prix. Un intermédiaire financier qualifie l'ensemble de ces indications de "profit warning live". "Ils ont lâché une bombe", juge un autre.
Pas "d'adultes dans la salle" chez Tesla
D'ailleurs, parfois les analystes attendent de la conférence téléphonique des éclaircissements sur des sujets qui ne figurent pas dans les comptes. Et l'absence de réponse peut être punie. Comme le rapportait alors l'agence Agefi-Dow Jones, EssilorLuxottica avait été sanctionné en Bourse après avoir livré son activité du troisième trimestre 2020. Les analystes pointaient l'absence d'avancées sur deux dossiers alors très importants, à savoir la recherche d'un directeur général et le projet de rachat du néerlandais GrandVision, qui avait donné lieu à une bataille devant les tribunaux (et qui sera finalisé en juillet 2021).
Fin janvier, la conférence téléphonique de la direction de Tesla à la suite des (mauvais) résultats 2023 avait, elle, laissé un goût amer à Dan Ives, célèbre analyste de la tech chez Wedbush. "Nous avions tort de nous attendre à ce que (Elon) Musk ses équipes se présentent comme des adultes dans la salle lors de la conférence et donnent une vue d'ensemble stratégique et financière des réductions de prix en cours, de la structure des marges et de la demande fluctuante....A la place, nous avons eu une vue à long terme de Tesla et une autre conférence téléphonique qui s'apparente à un naufrage", cinglait-il.
Le cas de Forvia, en mars dernier, s'avère assez singulier. Les résultats annuels du groupe à proprement parler étaient satisfaisants mais la direction n'avait visiblement pas apporté suffisamment d'explications sur son flux de trésorerie durant la conférence téléphonique. Le titre avait plongé d'environ 20% sur deux séances, les investisseurs redoutant que l'amélioration de la génération de cash cache un loup, quand bien même rien de l'indiquait. Ce qui avait poussé la direction à organiser une deuxième conférence deux jours plus tard pour clarifier la situation, avec un certain succès.
Apple et l'IA
Pour terminer sur une note positive, soulignons qu'il est tout à fait possible de ravir le marché en lui donnant ce qu'il veut. La semaine dernière, Apple avait enchanté Wall Street avec des bonnes perspectives et un programme record de rachats d'actions.
Mais les investisseurs avaient sans doute également apprécié le discours offensif de son directeur général, Tim Cook, sur l'intelligence artificielle. "La direction a exprimé sa confiance à plusieurs reprises lors de la conférence téléphonique sur les résultats, sur la façon dont Apple est bien positionnée pour bénéficier de l'IA générative", soulignait ainsi Bank of America.