PARIS (Reuters) - L'ancien trader de la Société générale Jérôme Kerviel, confronté mercredi à un de ses supérieurs hiérarchiques, entend changer de stratégie et mettre en cause d'autres personnes et la banque, ont dit ses avocats.
Signe de sa détermination, le trader que la banque rend responsable de la perte historique de 4,9 milliards d'euros est arrivé au pôle financier de Paris entouré de quatre avocats.
Alors que l'enquête se dirigeait vers son terme, il veut désormais demander de nouvelles investigations et l'extension des poursuites à certains de ses ex-responsables, a expliqué sa nouvelle conseillère en communication Patricia Chapelotte.
"Jérôme Kerviel a souhaité changer de stratégie de défense. Il ne souhaite pas être le bouc émissaire d'une affaire qui le dépasse totalement (...) et montrer qu'il n'était pas forcément le seul responsable de cette affaire", a-t-elle dit.
Jérôme Kerviel a été confronté toute l'après-midi à Christophe Mianné, patron du pôle "actions et dérivés" de la banque à l'époque des faits, un de ses supérieurs hiérarchiques.
A l'issue de l'audition, Me Bernard Benaiem a déclaré à la presse que Jérôme Kerviel avait relevé la décision rendue le 4 juillet par la Commission bancaire, qui a infligé une amende de 4 millions d'euros à la Société générale pour défaut de contrôle.
"Elle permet de mettre en avant un certain nombre de mécanismes que Kerviel avait déjà dénoncé et qui aujourd'hui sont gravés dans le marbre", a-t-il dit.
"La première question est de savoir ce qui s'est véritablement passé, qui était informé, à quel niveau on était informé", a-t-il ajouté.
Aux quatre avocats présents - Francis Tissot, Bernard Benaiem, Caroline Wassermann, Guillaume Selnet - s'ajoutent Eric Dupond-Moretti et Eric Hemmerdinger, absents ce mercredi.
"SITUATION PARADOXALE"
Christophe Mianné est arrivé également entouré de quatre avocats qui se sont étonnés de la stratégie de Kerviel.
"On est surpris, quand quelqu'un affirme qu'il est innocent, de penser qu'il puisse avoir envie que la procédure dure. En général, quand on est dans cette situation, surtout quand on est jeune, on a plutôt envie que la procédure soit brève, pour pouvoir retravailler", a dit Me Jean Veil, l'un d'entre eux.
"C'est une situation relativement paradoxale (...) Je pense que ses avocats se trompent", a-t-il ajouté.
Libéré le 18 mars dernier de prison après 38 jours de détention, Jérôme Kerviel est le seul mis en examen de cette affaire pour "faux, abus de confiance" et intrusion informatique.
Il a reconnu lors de l'instruction avoir pris des engagements de 50 milliards d'euros, donc bien au-dessus des 125 millions d'euros théoriquement autorisés, tout en les dissimulant par des faux, mais a assuré que cette pratique était courante et que sa hiérarchie fermait les yeux.
Des investigations à la banque et des témoignages, notamment d'employés du "gendarme" financier du marché de produits dérivés Eurex, ont montré que les procédures de contrôles avaient été défaillantes.
La Société générale a ignoré ou omis de tenir compte d'avertissements répétés - un rapport interne à la banque a parlé de 74 alertes - sur les engagements de son trader.
Selon Me Benaiem, la nouvelle équipe d'avocats souhaite insister sur le fait que c'est la banque qui a provoqué la perte de 4,9 milliards d'euros en liquidant entre le 21 et 23 janvier, en plein "krach" boursier mondial, les engagements du trader.
L'enquête a montré que les agissements de Jérôme Kerviel duraient depuis plusieurs années et avaient rapporté à la banque 1,4 milliard d'euros le 31 décembre 2007.
Une expertise psychiatrique a conclu que Jérôme Kerviel était sain d'esprit et avait agi par pur intérêt professionnel. Le parquet a demandé dernièrement la mise en examen de son assistant, qui aurait participé à ses manoeuvres, mais il n'envisage pas d'autre mise en cause pénale.
Thierry Lévêque, édité par Gérard Bon
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