Par Matthieu Protard
PARIS (Reuters) - Daniel Bouton, le président de la Société générale, ébranlée début 2008 par l'affaire Kerviel, a annoncé mercredi sa démission pour mettre fin aux pressions dont il se dit victime, ce qui constitue un tournant majeur dans l'histoire de la banque française.
Il avait déjà été contraint en mai 2008 d'abandonner la direction générale de la banque au profit de Frédéric Oudéa, à la suite de ce qui est devenue la plus importante perte de trading de l'histoire de la finance, 4,9 milliards d'euros.
"Les attaques répétées qui me visent personnellement, en France, depuis 15 mois m'affectent", explique-t-il dans un message adressé à la presse.
Agé aujourd'hui de 59 ans, Daniel Bouton indique qu'il quittera ses fonctions à compter du 6 mai prochain, date à laquelle le conseil d'administration choisira un nouveau président .
"Il explique qu'il était devenu une cible, c'est vrai et la meilleure façon de protéger son entreprise, c'était de partir", a réagi Eric Woerth, le ministre du Budget, sur RMC-Info/BFM-TV .
Didier Migaud, député PS et président de la commission des Finances de l'assemblée nationale, a simplement parlé d'une "décision sage" .
La ministre de l'Economie, Christine Lagarde, s'est quant à elle abstenue de tout commentaire.
"La démission de Daniel Bouton survient après une succession de décisions et d'annonces qui ne faisaient que tenir l'image de la Société générale", commente Eric Hazart, analyste chez Exane BNP Paribas.
KERVIEL, STOCK OPTIONS PUIS RÉVÉLATIONS DE LIBÉRATION
La Société générale a soulevé ces dernières semaines de nombreuses polémiques, avec en particulier le tollé provoqué fin mars par l'attribution de stock options à ses quatre principaux dirigeants dont Daniel Bouton.
Les critiques ont été d'autant plus virulentes que la banque a reçu en décembre une aide de 1,7 milliard d'euros dans le cadre du plan français de soutien au secteur bancaire.
Sous la pression, le président de la Socgen, son directeur général Frédéric Oudéa ainsi que ses deux directeurs généraux adjoints ont été contraints de faire marche arrière en renonçant à leurs stock options.
"Il serait grand temps que Société générale rime un peu plus avec intérêt général", avait alors déclaré Christine Lagarde.
"Pour Monsieur Bouton, ça commence à faire beaucoup", avait de son côté estimé Xavier Bertrand, le patron de l'UMP.
"J'ai fait une erreur : celle de ne pas avoir refusé ce plan de stock options", reconnaît maintenant Daniel Bouton au Figaro.
L'homme a également été la cible directe du chef de l'Etat qui avait déploré son maintien à la présidence de la banque après l'affaire Kerviel.
"Lorsqu'il y a une faute dans un établissement bancaire, c'est au sommet que la responsabilité doit être assumé, pas à la base", avait déclaré le 30 octobre dernier Nicolas Sarkozy.
Comparant la démission de Charles Milhaud, le président des Caisses d'épargne après la perte de trading de 751 millions d'euros, à la situation de Bouton, le chef de l'Etat avait ajouté: "J'ai regretté que, pour un grand sinistre dans une grande banque de France, on n'ait pas pris une décision aussi claire".
"Il existe clairement une hypersensibilité depuis l'affaire Kerviel. Et je regrette de n'avoir pas su mieux convaincre l'opinion", explique Daniel Bouton, ajoutant qu'il partait sans indemnités.
La Société générale s'est retrouvée lundi au coeur d'une nouvelle tourmente après la publication par Libération d'articles évoquant de possibles pertes de cinq à dix milliards d'euros dans ses activités de gestion d'actifs.
Bien qu'immédiatement démenties, les informations du quotidien ont soulevé des interrogations chez les analystes financiers sur l'ampleur des actifs "toxiques" que détient encore la banque.
"Les articles de Libération ont confirmé le profil risqué de la banque", affirme un analyste financier, qui n'a pas souhaité être nommé.
UN ÉTAT-MAJOR EN RECOMPOSITION
La démission de Daniel Bouton survient après de nombreux changements au sein de l'état-major de la banque depuis l'affaire Kerviel et l'éclatement de la crise financière.
Philippe Citerne, le directeur général adjoint de la banque, doit partir à la retraite à compter du 30 avril.
Laurent Goutard, le président directeur général de Komercni Bank, filiale tchèque de la Socgen, a annoncé mercredi qu'il démissionnera de la banque le 10 septembre prochain pour prendre de nouvelles fonctions au sein de la Société générale.
Vers 13h30 mercredi, le titre Société générale progressait de 0,47% à 36,28 euros, sous-performant l'indice sectoriel DJ Stoxx des banques européennes (+2,47%).
L'action, qui avait perdu 51% de sa valeur en 2008, gagne 2,65% depuis le début de l'année mais reste en retard par rapport aux titres BNP Paribas et Crédit agricole qui ont progressé de respectivement 26,43% et 28,94%.
Avec les contributions de Sophie Louet et d'Emile Picy, édité par Jacques Poznanski
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