par Sudip Kar Gupta et Yann Le Guernigou

PARIS (Reuters) - Philippe Citerne, le numéro deux de la Société générale, s'impose comme le favori à la succession du président Daniel Bouton si celui-ci devait payer de sa position la perte record que la banque vient d'enregistrer du fait des manipulations d'un trader.

Mais il ne serait au mieux qu'un intérimaire, jugent des analystes et des investisseurs pour qui l'appel à une personnalité extérieure serait plus à même de rétablir la confiance.

"Ils vont préférer prendre quelqu'un en interne", prédit Arnaud Scarpaci, gérant chez Argilis Gestion, pour ajouter que, "à court terme, Citerne paraît la meilleure solution".

Un autre gérant parisien, qui détient des titres Société générale, estime pour sa part que le recours à quelqu'un de l'extérieur ferait plus pour restaurer la confiance qu'une personnalité de la direction actuelle.

"Ce sera difficile pour quelqu'un de l'extérieur mais c'est le prix qu'il faudra payer pour rétablir la confiance chez les investisseurs", dit-il.

"Ils sont tous responsables de ce désastre", renchérit un gérant basé en Suisse, qui juge pareillement qu'il faudra quelqu'un de neuf, venu d'ailleurs, pour redresser la barre.

Le problème, reconnaissent les investisseurs interrogés, est qu'aucun nom ne se dégage pour le poste chez des personnalités externes à la banque, qui possède une culture d'entreprise très forte et a toujours choisi ses managers en interne.

"Ce n'est pas un job qui s'improvise", relève un analyste parisien, ajoutant que Daniel Bouton chez Société générale, comme Baudouin Prot, le directeur général de BNP Paribas, ont dû faire leurs preuves en interne pendant plusieurs années avant de prendre les rênes du pouvoir.

HOSTILITE DES SYNDICATS

L'arrivée d'un homme de l'extérieur se heurterait de plus à l'hostilité des syndicats, qui s'étaient mobilisés pour défendre la banque lors de sa bataille boursière avec BNP Paribas en 1999.

"Personne ne demande la tête ou le départ de Daniel Bouton", déclare Michel Marchet, responsable de la CGT du groupe, qui dit s'inquiéter des déclarations du gouvernement.

"Nous pensons au contraire que son départ signifierait une espèce de solde de tout compte pour cette histoire", ajoute-t-il, en redoutant qu'un nouveau venu ne mette en oeuvre un démantèlement de la banque.

Ces derniers mois, on prêtait à Daniel Bouton l'intention de commencer à préparer sa succession en misant sur deux brillants "quadras", Frédéric Oudéa, le directeur financier, et Jean-Pierre Mustier, le patron de la banque de financement et d'investissement.

L'étoile de ce dernier à singulièrement pâli avec les derniers événements et la situation de crise actuelle fait que Philippe Citerne, un pilier de la maison, paraît le seul candidat crédible.

Agé de 59 ans, le directeur général délégué faisait déjà figure de prétendant au poste de numéro un quand le précédent président, Marc Viénot, lui a préféré Daniel Bouton, qu'il avait débauché de la haute administration.

Ce centralien bourreau de travail aurait l'avantage d'une grande légitimité aux yeux du personnel de la Société générale, ses qualités humaines autant que professionnelles étant unanimement soulignées.

Pour beaucoup, les succès accumulés par la banque avant ses derniers déboires sont à mettre au compte du tandem étonnant - tant leurs personnalités sont différentes -, qu'il constitue avec Daniel Bouton, plutôt qu'au crédit du seul PDG.

Mais son âge fait que son choix ne pourrait être qu'une solution temporaire.

"La Société générale n'est pas dans une situation confortable pour la recherche d'un remplacement à Bouton", estime Michel Dumoulin, gérant à la Banque Martin Maurel.

"Citerne n'est pas idéal. Il pourrait assurer l'intérim à court terme. Mais ce ne serait pas une bonne solution pour le long terme,", ajoute-t-il.

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