(BFM Bourse) - Les groupes de spiritueux souffrent à la Bourse de Paris alors que le numéro un du secteur a renoncé à son objectif de croissance des ventes à moyen terme, citant une visibilité réduite avec la menace de droits de douane supplémentaires sur certains de ses alcools produits au Canada et au Mexique.

Les investisseurs et les entreprises vont devoir se réhabituer au style Donald Trump, pour paraphraser une analyse de marché de Natixis citée par l'AFP. La piqûre de rappel s'avère pour le moment violente puisque le président américain compte bien utiliser les droits de douane comme moyen de pression.

Ces premières banderilles plantées ici et là par Donald Trump ouvrent à nouveau la voie à une guerre commerciale, et commencent à faire leurs premières victimes. Lundi, le secteur automobile européen avait fortement souffert, notamment le groupe Stellantis qui est fortement exposé aux surtaxes douanières américaines sur le Mexique et le Canada.

Ce mardi 4 février, le groupe de spiritueux britannique Diageo a fait part de ses craintes concernant l’instauration d'éventuels droits de douane sur son activité. "La confirmation, ce week-end, de la mise en œuvre des droits de douane aux États-Unis, bien qu'anticipée, pourrait bien avoir un impact sur la dynamique en cours", a indiqué Debra Crew, directrice générale du propriétaire des marques Guinness.

Lundi, Donald Trump a décidé de reporter d'un mois cette taxe de 25% sur les importations du Canada et au Mexique alors qu'il entendait la mettre en application dès ce mardi.

Pour autant, une incertitude demeure sur la mise en application de ces surtaxes douanières. Cette nouvelle donne de marché rend, selon la dirigeante, "plus complexe" la capacité de Diageo à "fournir des prévisions actualisées, étant donné qu'il s'agit d'une situation nouvelle et mouvante.

Le géant britannique a tout simplement abandonné son objectif de croissance organique (hors effets de changes et de périmètre) à moyen terme. "Compte tenu de l'incertitude macroéconomique et géopolitique qui règne actuellement sur bon nombre de nos marchés clés [...] nous avons renoncé à notre prévision à moyen terme" à savoir une croissance de 5% à 7% du chiffre d'affaires, a averti Diageo ce mardi matin.

Le groupe britannique a néanmoins précisé qu'il entendait fournir "plus régulièrement des prévisions à court terme.

Pernod Ricard et Rémy Cointreau souffrent en Bourse

La société est d'autant plus exposée qu'elle réalise environ 45% de son chiffre d'affaires aux États-Unis grâce à des produits fabriqués au Canada et au Mexique, tels que la tequila Don Julio et le whisky canadien Crown Royal, rappelle Reuters.

Diageo prévoit de prendre les devants avec une série de mesures qui seront destinées à "atténuer l'impact et les perturbations" que les droits de douane pourraient causer sur son activité.

"Nous continuerons également à nous engager avec l'administration américaine sur l'impact plus large que cela aura sur tous ceux qui soutiennent l'industrie hôtelière américaine, y compris les consommateurs, les employés, les distributeurs, les restaurants, les bars et d'autres points de vente au détail", avance également Debra Crew.

Cité par Reuters, le directeur financier Nik Jhangiani a dévoilé des mesures visant à "couvrir environ 40% de ces frais avant de devoir prendre des mesures en matière de prix", lors d'une conférence de presse. Le résultat opérationnel pourrait ainsi être amputé d'environ 200 millions de dollars (193,48 millions d'euros) si les droits de douane américains imposés au Mexique et au Canada devaient entrer en vigueur en mars.

À la Bourse de Londres, cet abandon d'objectif est fraîchement accueilli avec un titre qui cède 2,3%. Diageo entraine dans son sillage ses rivaux français, Pernod Ricard (-2,6%) qui accuse la plus forte baisse du CAC 40, ainsi que Rémy Cointreau (-2,8%).

Les deux sociétés sont elles aussi très fortement exposées au risque douanier, et plus particulièrement Rémy Cointreau car ses ventes de cognac aux États-Unis génèrent 30% de son résultat opérationnel, avait pointé Oddo BHF dans une note publiée en octobre . Sous certaines hypothèses, le courtier avait même calculé une perte annuelle de résultat opérationnel d'environ 40 millions d'euros (pour un résultat total de 305 millions d'euros en 2023-2024).

Diageo est donc l'un des premiers alcooliers à avertir le marché sur cette menace douanière, en biffant son objectif de croissance à moyen terme. Le groupe a livré cette annonce, en marge de la publication de ses résultats pour le premier semestre de son exercice décalé 2024-2025, qui s'avèrent "globalement en ligne" selon Bank of America.

Sur la période, les ventes du groupe de spiritueux a progressé de 1% en données organiques, là où les 19 analystes suivant la valeur tablaient en moyenne sur une hausse de 0,4% en base organique, diageo.com/en/investors/analysts-consensus"> selon un consensus fourni par la société.