(BFM Bourse) - Le spécialiste des câbles va amplifier ses efforts dans l'électrification en ayant par exemple recours à la technologie et l'intelligence artificielle. La société estime pouvoir dégager un Ebitda ajusté de 1,150 milliard d'euros d'ici à 2028 contre 750 millions à 800 millions d'euros visés cette année. L'action bondit à la Bourse de Paris.

Christopher Guérin attaque son troisième plan stratégique à la tête de Nexans. Lorsqu'il prend le poste de directeur général du producteur de câbles, en 2018, le groupe souffre en Bourse. Le précédent patron, Arnaud Poupart-Lafarge, a brusquement annoncé son départ au début de l'année, et l'entreprise a ensuite émis un avertissement sur résultats.

Christopher Guérin lance alors, dans le cadre de son premier plan stratégique, un projet de redressement qui vise à remettre d'équerre les activités destructrices de valeurs de Nexans (appelée "cash burners"). Ce en s'appuyant sur une méthode dite "shift", qui est inspirée des pratiques du capital -investissement.

Trois ans plus tard, en 2021, le dirigeant décide de transformer Nexans en "pure-player" de l'électrification, c'est-à-dire en recentrant les activités de la société sur la production, l'usage et les réseaux d'électricité. Dans cette optique, l'entreprise est passée par des rotations d'actifs, c'est-à-dire des cessions et surtout des acquisitions. Christopher Guérin avait alors évoqué à plusieurs reprises l'impératif de se concentrer sur un nombre restreint d'activités porteuses au risque de devenir, dans le cas contraire, le "Kodak du câble".

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Une mue pas totalement finie

Précisons que cette mue n'est pas totalement achevée, car le groupe n'a pour le moment cédé que son activité de câbles dans les télécoms au contraire de celles dans l'automobile et l'industrie. Le groupe a d'ailleurs lancé, la semaine dernière, la vente de sa filiale américaine Amercable qui fabrique essentiellement des câbles pour les industries gazières, minières et pétrolières.

Ces deux plans stratégiques ont globalement permis de relancer Nexans. Entre 2018 et 2024, le résultat brut d'exploitation (Ebitda) ajusté a été multiplié par 2,5 et la capitalisation boursière de Nexans, par près de six.

Place donc à la troisième phase. Après la "restructuration" et la "simplification", Nexans passe à "l'amplification". "Nous parlons désormais de croissance, ce qui est nouveau pour nous", après avoir avant mis le cap sur la valeur, a déclaré le directeur financier, Jean-Christophe Juillard, devant les analystes, ce mercredi. "Maintenant que nous avons transformé l'entreprise nous sommes prêts pour la croissance", a-t-il ajouté.

Le groupe compte accélérer la cadence dans l'électrification. Pour cela la société va surfer sur une demande d'électricité qui devrait "augmenter six fois plus que la demande d'énergie" d'ici à 2035, a expliqué Christopher Guérin lors de la présentation aux investisseurs de cette stratégie.

Le seul marché du câble devrait passer de 120 milliards d'euros en 2023 à 160 milliards d'euros en 2028, soit une progression annuelle moyenne de 7%. Mais Nexans élargira aussi son marché en ajoutant différents services, notamment liés à l'"expérience clients" et au "cycle de vie" de ses produits.

La croissance mais pas à n'importe quel prix

Surtout le câblier va mettre l'accent sur les solutions technologiques (comme des logiciels, des dispositifs de surveillance) et l'intelligence artificielle, ce qui devrait lui permettre de multiplier par plus de quatre son marché adressable de base (120 milliards d'euros en 2023 donc).

Avec cette accélération programmée dans l'électrification, Nexans compte dégager en 2028 un résultat brut d'exploitation (Ebitda) ajusté de 1,15 milliard d'euros (en milieu de fourchette, l'intervalle se situant entre 1,075 et 1,225 milliard d'euros). Dans la mesure où le groupe vise un Ebitda ajusté de 750 millions à 800 millions d'euros en 2024, la hausse attendue se situe donc entre 35% et 63%.

Cet objectif d'Ebitda s'entend à périmètre constant. L'Ebitda généré par les acquisitions remplacerait, en effet, celui "perdu" par les cessions que la société réalisera sur ses activités hors électrification.

Dans ses seules activités d'électrification, la société entend dégager une croissance en données comparables de 3% à 5% par an sur la période et améliorer l'Ebitda ajusté d'un montant de 350 millions d'euros en 2028 par rapport à 2024. En 2023, ces activités avaient généré un Ebitda ajusté de 468 millions d'euros.

L'entreprise entend aussi générer un total de 1,4 milliard d'euros de flux de trésorerie disponible avant fusions et acquisitions et opérations de capital, entre 2025 et 2028. Nexans va par ailleurs investir 1,2 milliard d'euros entre 2025 et 2028 pour "stimuler" la croissance de deux segments, appelés "power-grid" (les réseaux électriques) et "power-connect" (les usages électriques).

Par exemple dans les "usages", Jean-Christophe Juillard a expliqué que la société allait privilégier des activités à forte rentabilité, quitte à limiter la croissance, attendue en hausse "low to mid single digit" (soit de 1% à 5%). Ce de sorte à ne pas "pénaliser les marges", a ajouté le dirigeant. Nexans compte notamment se spécialiser dans les câbles pour l'électricité des bâtiments dits "critiques", comme les data centers.

Concernant l'allocation du capital, le groupe va poursuivre une stratégie d'acquisitions dite "sélective", maintiendra son levier d'endettement (le ratio de dette nette rapportée à l'Ebitda) à 1 maximum, et retournera du cash à ses actionnaires en respectant un taux de distribution minimum de 30% du résultat net.

Le risque Trump

À la Bourse de Paris, le marché apprécie les annonces de Nexans. L'action avance de 5,4% vers 11h55. Dans une note publiée avant l'ouverture du marché, JPMorgan a remarqué que le consensus Bloomberg pour l'Ebitda ajusté se situait à 963 millions d'euros pour 2027. Ce qui signifie que la cible de 2028 de Nexans, 1,15 milliard d'euros donc, suggère "du potentiel par rapport aux attentes du consensus sur le rythme d'amélioration des résultats", note la banque. Autrement dit, c'est mieux que prévu.

"Au niveau du groupe, l'objectif d'atteindre 1,15 milliard d'euros d'Ebitda d'ici 2028 est nettement supérieur aux attentes", abonde Jefferies.

Nexans retrouve donc un peu d'altitude en Bourse après avoir souffert ces dernières séances. À la clôture de mardi, l'action avait perdu environ 13,5% depuis l'élection de Donald Trump à la Maison Blanche. Le président élu a adopté un ton très hostile à l'égard des énergies renouvelables. Il a notamment annoncé vouloir rayer de la carte les projets d'éolien "offshore" (en mer) s'il était élu, notait début octobre Oddo BHF.

Or les acteurs de ce segment de marché, comme les danois Orsted et Vestas, sont des clients de Nexans. Dans un entretien aux Echos publié ce mercredi, Christopher Guérin s'est voulu rassurant: "nos contrats éoliens en mer aux Etats-Unis représentent 6 % de notre carnet de commandes total de 6 milliards d'euros ".

Devant les analystes, cette fois, le dirigeant a rappelé que le groupe avait investi 150 millions de dollars dans son usine de Charleston, aux Etats-Unis, en 2019 "sous la (première) présidence de Trump", tant pour l'éolien terrestre que marin. "Nous avons été les seuls à amener du contenu local", a-t-il ajouté. "Cette unité est bien sûr capable de servir l'Europe si la demande ralentit aux Etats-Unis", a-t-il précisé.