(BFM Bourse) - Autrefois peu apprécié du marché pour ses investissements hasardeux dans le métavers et la réalité augmentée, Meta est désormais considérée comme une société rigoureuse et surtout capable d'utiliser l'IA judicieusement dans son modèle économique. Meta signe aussi la meilleure performance boursière des Sept magnifiques, en 2025.
D'une certaine manière, Meta représente à lui seul les excès d'un marché qui a tendance à brûler ce qu'il a adoré. Et vice-versa.
En 2022, l'ensemble de la tech souffre à Wall Street, en raison notamment de la hausse des taux d'intérêt, elle-même liée à la forte inflation que connaissent l'ensemble des pays développés. Ces taux élevés, par construction, pénalisent les valeurs de croissance, comme les groupes de tech.
La maison-mère de Facebook, Instagram et WhatsApp est toutefois particulièrement massacrée par les investisseurs. Le titre Meta s'effondre de près de 65% en 2022.
La société pâtit alors d'un marché publicitaire atone, de changements défavorables dans les politiques de confidentialité sur le système d'exploitation iOS d'Apple, mais aussi d'un désamour marqué des investisseurs pour ses initiatives dans le métavers et la réalité augmentée.
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Depuis le quatrième trimestre 2020, Reality Labs, la division chargée de ces projets, a accumulé 26 milliards de dollars de pertes opérationnelles (le chiffre passera à 60 milliards en 2025). Meta essuie au passage un tacle de Tim Cook, le directeur général d'Apple, qui estime que le groupe fait fausse route car "la personne moyenne ne sait pas ce qu'est le métavers".
"Meta est en pleine crise d'identité. L'entreprise a un pied dans un pari risqué à long terme sur le métavers et l'autre pied dans l'incapacité de concurrencer TikTok", explique alors à l'AFP Mike Prolux, directeur de recherche chez Forrester.
Au plus bas, l'action Meta est tombée à 88,09 dollars, le 4 novembre 2022.
"Année de l'efficacité" et dividende
Près de trois ans plus tard, le titre Meta a effectué une impressionnante remontada boursière. L'action évolue autour de 731 dollars, soit une hausse de près de 730% (*) par rapport aux creux touchés en 2022.
Pour reconquérir Wall Street, Meta a notamment serré les coûts, a fortiori en 2023, son directeur général Mark Zuckerberg qualifiant ce millésime "d'année de l'efficacité". Sur l'ensemble de 2022 et 2023, la société a annoncé 21.000 suppressions de postes. En janvier dernier, l'entreprise a encore affirmé vouloir diminuer de 5% ses effectifs (3.700 postes environ), le groupe comptant "hausser la barre" en matière de gestion de la performance.
Ce changement de logiciel a convaincu les investisseurs. Meta a aussi été porté par les tendances plus générales du marché, à savoir la baisse des taux d'intérêt et un regain d'appétit pour les valeurs techs lié à l'engouement général pour l'intelligence artificielle (IA). La croissance, elle, repart de plus belle. Après avoir reculé de 1% en 2022, les revenus grimpent de 16% en 2023 puis de 22% en 2024.
Signe d'une certaine maturité mais aussi de sa volonté de prendre en considération ses porteurs, Meta a commencé à verser un dividende au début de 2024. Jane Shoemake, gérante chez Janus Henderson, explique que le versement d'un coupon permet, pour les groupes de tech qui ont franchi le pas, comme Meta et Alphabet, d'attirer de nouveaux investisseurs pour lesquels le dividende est une composante essentielle de la stratégie d'investissement.
Un modèle d'IA opensource validé par Deepseek
Point saillant: au-delà de la performance sur cinq ans, Meta est surtout le membre des "Sept magnifiques" de Wall Street qui signe la meilleure performance sur l'ensemble de 2025. L'action du groupe dirigé par Mark Zuckerberg s'adjuge 24,7%, devançant Nvidia (+18,3%) et Microsoft (+17,3%).
Comment expliquer une telle surperformance? Une partie de la réponse a trait à la bonne dynamique de la société en matière de résultats. Les comptes annuels 2024, livrés fin janvier, comme ceux du premier trimestre 2025, publiés le 30 avril , ont satisfait, sinon comblé les attentes de Wall Street. L'action avait redécollé de plus de 8% sur les deux séances suivant les résultats du premier trimestre. "Meta a explosé tous les chiffres que le marché espérait", notait Stephen Innes, de Spi AM, en mai.
Meta a surtout bénéficié de son repositionnement sur l'intelligence artificielle (IA), notamment via son modèle de langage à grande échelle (LLM), Llama. Morningstar estime que Llama 4, sa dernière itération, n'a pas à rougir des versions les plus récentes de Gemini (Alphabet) ou GPT (OpenAI).
Lorsque le raz-de-marée Deepseek a secoué Wall Street en janvier, Meta n'a pas tangué, contrairement aux autres "Sept magnifiques". Pour rappel, Deepseek est une start-up chinoise qui aurait réussi à développer des LLM aussi performants que ceux des groupes américains mais pour un coût (officiel tout du moins) de seulement 5,6 millions de dollars. En comparaison, le coût d'entraînement de GPT-4 d'Open AI se chiffrerait jusqu'à 100 millions de dollars, selon des estimations citées par Deutsche Bank.
Ces faits d'armes ont amené les investisseurs à remettre en cause les centaines de milliards de dollars que dépensent les big tech états-uniennes dans l'IA.
Pour un certain nombre de raisons, Meta a échappé à la tempête. Dans un post sur Linkedin, Yann LeCun, chef scientifique et responsable de l'IA chez Meta, notait que le succès de Deepseek démontrait en réalité la supériorité des modèles d'IA "open source" (dont la conception est ouverte auprès du grand public, ce qui permet de partager et modifier la technologie), comme Meta donc, par opposition aux modèles "propriétaires" (et donc fermés), comme Gemini ou GPT.
Deepseek s'est d'ailleurs basé sur le modèle de Llama pour construire ses propres LLM. Bloomberg estime ainsi que Deepseek a quelque peu validé la stratégie de Meta dans l'IA.
Une monétisation de l'IA impressionnante
Un autre point qu'a cette fois évoqué la directrice financière de Meta, Susan Li est que Meta ne développe pas son IA pour la vendre à des tiers, mais pour les besoins internes de la société.
"La monétisation directe du modèle Llama n'est pas vraiment ce sur quoi nous nous concentrons, en soi. Notre objectif est de tirer parti de la technologie que nous développons" pour par exemple améliorer l'activité publicitaire actuelle en la rendant beaucoup plus personnalisée à grande échelle, a plus exactement expliqué la dirigeante à des analystes en janvier.
CNBC note par ailleurs que Llama 4 est "multimodal", c'est-à-dire qu'il parvient à décortiquer et analyser aussi bien du texte, que des images ou des environnements. Cela "stimule la croissance des publicités de Meta en permettant aux annonceurs de créer des publicités sur mesure de manière rapide et rentable, et stimule l'engagement et la performance sur Facebook et Instagram", explique la chaîne américaine.
Cette capacité à convertir ses propres technologies d'IA en revenus publicitaires additionnels explique la forte croissance de la société. Au premier trimestre, les recettes de Meta ont progressé de 16%, surpassant la croissance d'Alphabet dans ses activités publicitaires (+9%).
"À ce jour, ces comptes (ceux de Meta, NDLR) constituent le meilleur exemple d'une entreprise ayant obtenu des retours sur investissements sensibles grâce à l'IA", ont apprécié les gérants de Deepwater AM, en mai. Ces gérants expliquent que l'IA amène l'énorme base installée de Meta (1 milliard d'utilisateurs) à passer plus de temps sur les réseaux sociaux, et soigne donc le niveau d'engagement, tout en améliorant le ciblage publicitaire. Les experts de Deepwater considèrent aussi que l'IA a conduit Meta à améliorer sa productivité et réduire ses dépenses.
"Avec le temps, nous pensons que la concurrence actuelle basée sur les modèles dans le domaine de l'IA cédera la place à une concurrence basée sur la distribution et la monétisation. À mesure que la dynamique concurrentielle de l'IA évolue, nous pensons que Meta, grâce à sa base inégalée d'utilisateurs et de créateurs, peut distribuer et monétiser efficacement ses investissements dans la GenAI (l'IA générative)", abonde Morningstar.
IA agentique et gros sous
"Les investissements de Meta dans l'IA permettent déjà d'obtenir des résultats commerciaux tangibles", a conclu en mai Bank of America.
La banque américaine estime même que Meta aura un grand avantage dans l'IA dite "agentique", soit des systèmes d'IA conçus pour agir de manière autonome, prendre des décisions et atteindre des objectifs spécifiques.
"Bien que Google soit susceptible de connaître une forte croissance des revenus d'abonnement liés à l'IA et qu'il pourrait être en pole position pour l'utilisation de l'IA agentique sur les appareils Android, Google n'est pas à l'abri d'un risque de perturbation de l'utilisation", explique l'établissement dans une note publiée la semaine dernière.
"Nous pensons que Meta est le mieux positionné à court terme pour l'optimisme autour l'IA agentique et (…) L'assistant IA de Meta compte plus d'un milliard d'utilisateurs et a le potentiel d'évoluer vers une interface fondamentale pour les interactions agentiques, servant de point d'entrée au consommateur où les utilisateurs délèguent des tâches et où l'IA s'occupe de l'exécution", développe Bank of America.
"Meta a également établi des partenariats publicitaires approfondis avec ses plus grands partenaires publicitaires et a pour objectif de permettre l'exécution de campagnes entièrement automatisées et axées sur les objectifs, ce qui pourrait générer des dépenses publicitaires supplémentaires", poursuit-elle.
Cette potentielle évolution reste "sous-appréciée" par le marché, considère Bank of America.
Évidemment Meta se doit de conserver cet avantage concurrentiel. Quitte à faire chauffer le chéquier. Sam Altman, le directeur général d'OpenAI, a déclaré dans un podcast que le groupe n'hésitait à promettre des bonus allant jusqu'à 100 millions de dollars pour convaincre les employés de la start-up de changer d'équipe et rejoindre ainsi Meta. Sans succès jusqu'à présent, selon Altman.
Meta a par ailleurs récemment annoncé un investissement de 14,8 milliards de dollars dans Scale AI, spécialisée dans la structuration, l'annotation et la validation des données destinées à entraîner les modèles d'IA.
(*) Tous les cours ont été arrêtés vendredi peu après la clôture européenne.
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