(BFM Bourse) - Les valeurs technologiques américaines souffrent à Wall Street, minées par les annonces de la société chinoise Deepseek, qui a développé un modèle l'intelligence artificielle (IA) comparable et moins coûteux que le mastodonte américain ChatGPT.

Le début de semaine est rude en Bourse pour le secteur de la technologie, en proie à une grosse remise en question après les avancées de Deepseek, une société chinoise dans l'intelligence artificielle.

"Une des raisons de ce stress vient du bruit entourant la start-up chinoise Deepseek dont le modèle DeepSeek-R1 atteindrait des performances comparables à celles du modèle o1 d'OpenAI pour un coût de développement très largement inférieur", signale Alexandre Baradez, responsable de l’analyse marchés chez IG France.

Fondée par Liang Wenfeng, cette jeune entreprise développe un modèle de langage, un assistant d'IA, comparable au célèbre ChatGPT d'OpenAI. Deepseek a lancé son modèle phare V3 en décembre en Chine, avant de présenter R1, un modèle spécialisé dans la résolution de problèmes complexes, le 20 janvier.

À Wall Street, le Nasdaq 100 cède encore 2,8% après avoir perdu plus de 4%, ce lundi 27 janvier. A Paris, les craintes autour du groupe chinois d'IA Deepseek plombent Schneider Electric et Legrand en Bourse, qui chutent respectivement de 7,5% et 6,5% accusant de très loin les deux plus fortes baisses du CAC 40. Ce stress se mesure aussi par une forte poussée de fièvre du VIX, l'indice vedette de la peur bondit de 28%.

Chamboule-tout

Deepseek "a construit un chatbot moins cher et compétitif, avec moins de puces informatiques haut de gamme que les mastodontes américains comme Google et OpenAI", relève le New York Times.

Pourtant cette information n’est pas tombée ce week-end, remarque Alexandre Baradez, qui rappelle que "cela fait déjà plusieurs semaines que l’on parle de Deepseek mais la pression est montée d’un coup sur les marchés car les budgets alloués par les 'big techs' au développement des modèles d’intelligence ne ralentissent pas, à l’image de 'Stargate' et ses 500 milliards de dollars, ainsi que les annonces de Meta en fin de semaine dernière".

"La question de la capacité des grands groupes technologiques à rentabiliser les gigantesques investissements semble soudain se poser aux marchés, dans un environnement hautement concurrentiel comme le montrent les performances des intelligences artificielles chinoises", poursuit-il.

Deepseek "est profondément problématique pour la thèse selon laquelle les dépenses d'investissement et les frais d'exploitation considérables que la Silicon Valley a engagés constituent la manière la plus appropriée d'aborder la tendance de l'IA", a déclaré à Bloomberg Nirgunan Tiruchelvam, d'Aletheia Capital.

L'arrivée fracassante de cet acteur chinois vient en effet chambouler tout un écosystème archi-dominé par les groupes américains. En premier chef Nvidia, dont la croissance a été portée sur les deux dernières années, par la forte demande pour ses processeurs graphiques, nécessaires au développement des grands modèles d'intelligence artificielle (IA).

Porté par cet essor, son cours a été multiplié par près de neuf en deux ans et le groupe est devenu la première capitalisation boursière mondiale. Mais cette confortable avance risque d'être bien entamée ce lundi, le titre du grand baromètre de l'IA perd 13% dans les premiers échanges à Wall Street.

Nvidia engloutit actuellement plus de 460 milliards de dollars sur la base d'une capitalisation boursière proche 3.500 milliards de dollars, selon companiesmarketcap.com. Soit plus que la capitalisation boursière de LVMH à la Bourse de Paris.

Surtout avec la chute du jour, Nvidia est rétrogradé à la troisième place des plus grosses capitalisations mondiales et affiche à ce jour une capitalisation boursière de 2.936 milliards de dollars, derrière Apple (3.224 milliards de dollars), et Microsoft (3.024 milliards de dollards)

Le rival AMD perd 4,5%. Autre groupe de semi-conducteurs, Broadcom souffre également, abandonnant 12,5%.

Une tech américaine fragilisée

Les autres "Sept magnifiques" exposés à la thématique de l'IA ne sont pas en reste, et devraient aussi connaître une séance compliquée à Wall Street. Meta et Alphabet, ont perdu plus de 3% à l'ouverture.

"Nous pourrions avoir encore des inquiétudes concernant la capacité disruptive de DeepSeek – une société de technologie chinoise qui en moins de deux mois et moins de 6 millions de dollars aurait réussi à construire un modèle IA à grande échelle, gratuit et open source", estime Christopher Dembik, conseiller en stratégie d’investissement chez Pictet AM.

"Cela interroge sur l’avancée technologique réelle des Américains dans l’IA. Toutefois, il faut être prudent concernant les informations dévoilées par DeepSeek qui ne sont pas confirmées, pour l’instant, par des sources fiables et extérieures", tient à tempérer le spécialiste.

"Bien que la sonnette d'alarme retentisse aujourd'hui pour les "7 Magnifiques », la situation pourrait évoluer rapidement. Des incertitudes subsistent quant au fonctionnement exact de DeepSeek, à sa sécurité et à sa robustesse", notent pour leur part les économistes d'ING.

Les annonces de Deepseek ont provoqué un important séisme à l'aube d'une saison des résultats cruciale pour plusieurs grands noms de la technologie américaine. Surtout, au regard de leur poids boursier quasi systémique, les résultats de ces sociétés seront étroitement surveillés, elles qui avaient porté les marchés américains sur les deux dernières années boursières.

"Les valeurs technologiques semblent soudain fragilisées sur les marchés au début d’une semaine où les publications trimestrielles de certaines des '7 Magnifiques' seront connues : Tesla, Meta, Microsoft ou encore Apple annonceront leurs résultats mercredi et jeudi, les investisseurs scruteront également les 'guidance' (projections) de ces groupes", signale Alexandre Baradez.

"La publication des résultats trimestriels des valeurs technologiques américaines à partir de mercredi (Tesla, Microsoft, Meta, IBM etc.) devrait plutôt rassurer les investisseurs. Il faudra notamment surveiller de près l’évolution des flux nets de trésorerie qui est un bon indicateur de la santé financière d’une entreprise et de sa capacité à faire des rachats d’actions – une lame de fond de soutien structurel à la hausse du marché", espère Christopher Dembik.