(BFM Bourse) - Le groupe célèbre ce lundi les trois années de son entrée sur la cote parisienne avec un cours en hausse de 80% dû à de bons résultats financiers et un à virage numérique réussi. Mais depuis l’enquête lancée par la Commission européenne sur les droits exclusifs, le joli parcours du titre est bloqué.
La Française des Jeux a clairement constitué un pari gagnant pour les investisseurs. La société célèbre ce lundi ses trois années de présence à la Bourse de Paris, avec un parcours boursier à faire rougir beaucoup de grosses capitalisations.
D’un prix d’introduction fixé à 19,9 euros pour les investisseurs institutionnels – et 19,5 euros pour les particuliers qui bénéficiaient d’une décote – l’action évolue désormais autour de 35 euros, soit une progression de 80% environ. Comme l’a souligné sa PDG, Stéphane Pallez, jeudi, lors d’une journée dédiée aux investisseurs, le SBF 120 n’a lui gagné qu'environ 10% sur la période.
Cette progression est venue récompenser d’excellents résultats financiers, avec une croissance du chiffre d’affaires de 6% en moyenne sur la période 2019-2022 – en intégrant la croissance de 8% attendue cette année – malgré la crise sanitaire. Le groupe compte maintenir ce cap en visant une progression de ses revenus, en moyenne, dans le haut d’une fourchette de 4% à 5% d’ici 2025. La marge brute d’exploitation (marge d’Ebitda) a elle constamment progressé, partant de 20,6% en 2019 à 23,1% l’an passé. Elle devrait atteindre 24% cette année puis plus de 25% en 2025.
"FDJ a, sur l’opérationnel, à chaque fois fait mieux qu’attendu, en excluant l’impact du Covid. Et quand bien même ils ont plutôt bien géré l’activité durant la crise sanitaire", souligne Sabrina Blanc, responsable de la recherche action pour le secteur "hôtel, loisirs et restauration" chez Société Générale.
Bruxelles comme trouble-fête
Toutefois, en se penchant davantage sur le parcours boursier de la valeur, une cassure s’observe. "L’action FDJ a connu deux phases: une de progression presque constante – le Covid a marqué un coup d’arrêt relativement momentané – jusqu’en juillet 2021. L’ouverture de l’enquête sur les droits exclusifs par la Commission européenne s’est ensuite traduite par une baisse de l’action qui a depuis du mal à repartir", développe Sabrina Blanc.
Dans le cadre de sa privatisation, FDJ a versé en 2020 une soulte de 380 millions d'euros à l'Etat français afin de conserver ses droits exclusifs sur la loterie physique et en ligne, ainsi que sur les paris sportifs en point de vente pendant une période de 25 ans. La société détenait auparavant ces droits, qui représentent environ 95% de ses mises, pour une durée illimitée.
La Commission européenne a ouvert en juillet 2021 une enquête pour savoir si cette mesure ne procurait pas un avantage économique indu à la société. Bruxelles a ensuite envoyé en décembre 2021 une lettre à la France dans laquelle elle considérait provisoirement que la rémunération de 380 millions d'euros "sembl[ait] substantiellement inférieure à un prix qui pourrait être considéré comme un prix de marché". "Aussi, un avantage au profit de la FDJ semble être présent à ce stade", notait aussi la Commission.
Bruxelles regarde notamment une opération similaire qui a eu lieu en Grèce, en 2013, où l’OPAP, l’opérateur local de jeux d’argent, avait payé un montant de 375 millions d’euros mais pour obtenir des droits sur une période bien plus courte, de 10 ans. Et sur un marché grec qui reste inférieur à celui de la France de trois à quatre fois.
"L’OPAP a payé 375 millions d’euros pour des droits sur 10 ans soit 8% des mises annuelles en Grèce, contre 2% pour FDJ. Mais sur ce montant seuls 75 millions ont réellement été payés pour des droits nouveaux, les 300 millions d’euros restants représentent en réalité des taxes qui n’ont ensuite pas été perçues par le gouvernement grec, donc des avances", nuance Sabrina Blanc. "Si l’OPAP est une référence ce n’est peut-être pas la meilleure des références", poursuit-elle.
"Par ailleurs chaque marché des jeux en Europe est différent, avec une fiscalité et un cadre réglementaire différent. La France mais aussi le Portugal, et la Pologne sont connus pour être les plus restrictifs, ce qui explique dans le cas de la France des marges potentiellement moins élevées par rapport à d’autres opérateurs européens", complète l’analyste.
Une épée de Damoclès
Reste que FDJ risque de payer un complément de prix. Début juillet, Citi évoquait un montant potentiel significatif, d’environ 1,5 milliard d’euros. "Dans le pire des scénarios, le montant pour les droits exclusifs monterait à 1,5 milliard d’euros, soit un complément de prix de 1,1 milliard d’euros", relativise pour sa part Sabrina Blanc.
L’incertitude risque de demeurer encore plusieurs mois. La Commission européenne n’a pas donné de calendrier. Stéphane Pallez a déclaré jeudi ne pas avoir reçu de nouvelles informations en provenance de Bruxelles et a rappelé avoir, avec l’Etat français, adressé les éléments et répondu aux questions demandés par la Commission européenne. Elle a indiqué qu’une réponse d’ici à la fin de l’année était peu probable et espérait aboutir à une conclusion au premier semestre 2023. FDJ avait précédemment assuré qu’elle entendait bien démontrer que les droits nationaux et européens avaient été respectés dans ce dossier.
"C’est clairement un plafond de verre pour l’action. Même en établissant tous les scénarios possibles, cette enquête demeure un point d’interrogation. Et cette incertitude persistera tant que la Commission européenne n’aura pas rendu son verdict final", prévient Sabrina Blanc. "Beaucoup d’investisseurs voient le potentiel du titre mais estiment qu’il n’est pas possible d’entrer sur le titre tant que ce dossier n’est pas soldé", complète-t-elle.
Une mue numérique réussie
Au-delà de l’enquête de la Commission européenne, FDJ a dû démontrer sa capacité à poursuivre son virage numérique.
"Plus récemment, au début de l’année 2022, le titre a pâti d’interrogations du marché sur le potentiel du groupe dans le ‘online’, redoutant que la demande pour le digital s’estompe, avec un contrecoup dû à l’amélioration du contexte sanitaire. Mais FDJ a rassuré le marché lors de ses dernières publications avec des chiffres à l’appui", souligne Sabrina Blanc.
Au troisième trimestre notamment, les mises en ligne ont crû de 34,7% sur un an et ont représenté 13% du total, contre près de 11% sur l’ensemble de 2021. Et le groupe a annoncé jeudi qu’il anticipait une croissance ses mises en ligne de plus de 20% par an sur la période 2022-2025.
Dans cette optique, FDJ a renforcé son arsenal numérique. La société a récemment lancé une offre de poker en ligne et a annoncé jeudi un accord pour acquérir ZEturf, un acteur du pari hippique en ligne qui devrait lui procurer une part de marché d’environ 20%.
"Globalement la FDJ a réussi sa transformation digitale. Le groupe possède les outils et les plateformes et continue à investir de manière régulière dans le numérique pour accroître le nombre d’utilisateurs (environ 5 millions à la fin 2022) et développer son offre produits. Il leur reste à déployer davantage ces atouts", conclut Sabrina Blanc.
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